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FERRIER (OU FERRER)


publiques et à s’enfermer dans un monastère. Son frère, saint Vincent, l’engagea à se faire chartreux au monastère de la Porte-du-Ciel près de Valence. Boniface y entra le 21 mars 1396 et, par dispense, fit les vœux après trois mois de noviciat. On lui accorda aussi la faveur de recevoir les ordres majeurs le même jour (22 juillet) et il célébra la première messe le jour de l’Assomption de la même année. En 1400, il fut fait prieur de son monastère et visiteur de la province de Catalogne. Étant venu en France pour le chapitre général, il alla demander une audience à Benoît XIII à Avignon, où résidait aussi son frère, saint Vincent, confesseur du souverain pontife. Pierre de Lune revit avec joie son ancien ami de Valence et l’obligea à rester à la cour papale en qualité de son conseiller. L’année suivante (1402), il l’envoya à Paris traiter avec le roi de France sa délivrance de la contrainte dont le peuple d’A ignon usait à son égard. Le 23 juin 1402, Boniface fut élu prieur de la GrandeChartreuse et général de l’ordre. A cette époque, les chartreux étant divisés en deux obédiences, la juridiction de dom Boniface ne s'étendait que sur les monastères d’Espagne et de France qui adhéraient au pape d’Avignon. Afin de faciliter l’union des deux obédiences cartusiennes en un seul corps, dom Boniface abdiqua son généralat le 21 avril 1410 et fut remplacé par dom Jean de Griffenberg, prieur de la chartreuse de Paris, qui avait été élu par les déflniteurs du chapitre général avec l’assentiment des délégués des deux obédiences. Benoit XIII n’ayant pas voulu ratifier l’acte d’abdication fait par dom Boniface, celui-ci fut contraint d’agir encore comme prieur de la Grande-Chartreuse et général de l’ordre, mais, en dehors des maisons d’Espagne toujours adhérentes au pseudo-pontife, toutes les provinces de l’ordre demeurèrent fidèles à dom Jean de Griffenberg. Le même antipape employa dom Boniface au service de sa cause, et il ne paraît pas que celui-ci se soit détache de son obédience avant de mouiir. Quoi qu’il en soit, dom Boniface ne vit pas la fin du grand schisme d’Occident, étant mort précisément le 29 avril 1417, plus de six mois avant l'élection de Martin V. Dans Las Provincias, journal de Valence, n. du 17 et 18 avril 1895, M. Joseph Morrù Aguilar a raconté comment il avait découvert, le 10 avril de la même année, dans l’ancien cimetière de la chartreuse supprimée de Val-de-Christo, au diocèse de Segorbc, les restes de dom Boniface Ferrier, dont l'évêque dio ésain fit la reconnaissance officielle trois jours après.

Le plus î-rand ouvrage de dom Boniface est sa traduction de la Bible en dialecte valencien, avec le concours d’autres personnes doctes. CL Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 1469. Les deux exemplaires manuscrits d’une traduction de la Bible dans le même dialecte, qui, selon le Dictionnaire de bibliologi catholique de Migne, t. i, col. 1156, sont à la Bibliothèque nationale de Paris, peuvent bien être des copies de la traduction de dom Boniface. En 1478, on imprima à Valence (Espagne), in-fol., le texte de cette version revu et corrigé par Bahrel, dominicain. CL Hain, lîepertorium, n. H159. La S. Inquisition d’Espagne ayant ordonné de brider les traductions anciennes des Livres saints, il est vraisemblable que l’exemplaire de cette édition existant encore aujourd’hui à la bibliothcriue Mazarine de Paris, sous le n. 1228, soit l’unique exemplaire entier qui ait échappé h la destruction. Néanmoins, les derniers feuillets de l’Apocalypse ont été réimprimés par Rodriguez de Castro dans sa liiblioleca de los rabinos espafioles, Madrid, 1781, et par Joachim-Laurcnt Villanueva dans son livre De la leccion de la sagrada Escriliira en Icnguas volgares, Valence, 1791.

Jacques Villanueva, dans l’appendice du t. iv de son Viaje litcrario à las Iglesias de Espana, 1801, a publié quatre opuscules de dom Boniface Ferrier : Quare cartusienses non comedant carnes ; De miraculis et sanetis in Carlusia ; De approbatione et conftrmationc Cariusiæ ; De cœrcmoniis in Car^usi’a, et y a ajouté une ordonnance relative à un novice et un rituel pour l’assistance des mourants et pour l’office de l’enterrement attribué à dom Boniface dans le manuscrit original.

Le Tractatus de schismate, autrement Tractatiis pro defensione Benedicti XIII, ou De schismate Pisano vel Spécula contra vasa iree super hæretica pravitate Piscma, hit composé en 14Il pour répondre à un mémoire rédigé en cent quarante articles par le chartreux français, dom Guillaume de la Motte, procureur de la Grande-Chartreuse, résidant en Espagne, qui s'étonnait que dom Boniface eût repris, sur l’ordre de Benoît XIII, le titre et l’ofiice de général après y avoir renoncé. La réponse de dom Boniface fit rentrer dom Guillaume dans l’obédience de Benoît XIII, mais Pierre d’Ailly, évêque de Cambrai, fit répandre une réfutation du traité de dom Boniface et une lettre à lui et à son frère, saint Vincent. Le traité De schismate a été publié par les bénédictins Martène et Durand, dans Thésaurus novus anecdotorum, t. ii, col. 1435-1529, et par le chartreux Tromby dans son histoire des cliartreux, t. vii, appendice II, p. cci-ccLxii ; dom Le Couteulx, dans Annales ord. cartus., t. vii, en a donné plusieurs extraits. On trouve chez les mêmes auteurs la lettre de dom Boniface, De conversione fralris Guillelmi de Mota et ejus ad Benedicti XIII obedientiam reversionc ; Ad Bonifacii Cartusiæ (prioris) Tractatum Responsio Pétri Cameracensis ; Epistola Pétri Cameracensis ad priorem Carthusiæ et Vincentium fratrem (ejus). Cesdeux pièces se trouvent manuscrites aux archives du Vatican, cf. Migne, Dictionnaire des manuscrits, t. ii, col. 1078, n. 4152, et col. 1082.

En 1756, François Ferez Bayer trouva à Florence, chez l’archiviste du grand-duc, le ms. original de la Relation suivante, dont il prit une copie, et qu’il attribue, non sans raison, à dom Boniface Ferrier même : Relatio itineris Bonifacii Fcrrerii et D. D. Pétri archiepiscopi Tarraconensis, episcoporum Mimedensis, Avenionensis, Sennetensis, Pétri episcopi Seguntini, Dominiei Ram prioris Eeclesiæ Cœsaraugustanæ et fratris Didæi de Majorga ex ordine minorum electî Pacensis, qui ex urbe Perpiniaco anno 1409 ad concilium générale inibi congregalum Benedicti XIII nomine legali missi fuere ; corumque Pisam adventus, . gestorumque ibidem historica narratio.

Dom Le Couteulx, dans ses Annales, t. vii, a publié plusieurs ordonnances de dom Boniface concernant l’observance régulière et plusieurs documents relatifs à l’administration de quelques maisons de l’ordre. Dom Boniface écrivit aussi un Traité sur la passion de Notre-Seigneur, un recueil de sermons, un volume de lettres, une traduction en dialecte valencien du bréviaire, du martyrologe et des épîtres de l’année, et des remarques sur l’exercice de la justice dans le royaume de Valence. Les Declarationes et responsiones super quibusdemi dubiis… per Bonijacium Ferrerium, monachum cartliusianum font partie du manuscrit de 1508 qui est conservé à la bibliothèque de Grenoble, sous le n. 655.

La Vie de dom Boniface Ferrier, écrite par le chartreux dom Alfaura († 1672), se trouve ms. à Utiel, près de Valence (Espagne), chez M. Joseph Morrù Aguilar, avocat et notaire. Une autre ie, composée par dom Jean-Baptiste Civera y Monllor, vicaire de la chartreuse de la Porte-du-Cieh (J- 1655), se trouve dans l’histoire de cette maison écrite en latin et conservée dans les archives de la Grande-Chartreuse.