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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS^


BRiofiEM et M AGIS cATBOLicA.v, formse illse maneant sine subjecto, dico quod per se possunt agere et pati admixiioneine ! pulrejaclionemei per se in aliud subjectumlransfcrri. In IV Sent., . IV, dist. XII, a. 10, Opéra, Lyon, 1651, t. xvi. En le lisant, on s’aperçoit avec plaisir qu’il pose la plupart des principes dont s’inspirera son illustre élève : les accidents existent miraculeusement sans sujet, bien que Iota philosophia videatur esse contra, ibid., a. 16 ; les objections confondent l’essence de l’accident avec son inhérence. Posés miraculeusement, sans sujet, les accidents sont, par euxmêmes aussi, principes d’action et termes d’altérations ; enfin et surtout, la quantité sert de soutien aux autres accidents, et cette dernière proposition demeurera partie intégrante de l’orthodoxie thomiste en la matière. N’est-ce pas, en résumé, à peu près toute la substance de la question lxxvii^ de la II1 « partie de la Somme théologique ?

Contemporains et successeurs de saint Thomas.


Il nous reste à montrer brièvement que les maîtres contemporains de saint Thomas ou ses successeurs de quelque renom défendirent en général les mêmes doctrines. Sauf indication contraire, nous renvoyons désormais aux commentaires sur la dist. XII « du IV « livre des Sentences du Lombard.

Le premier que nous ayons à signaler est Hugues de Saint-Cher, mort environ dix ans avant saint Thomas (1263). Sa Somme sur les Sentences est demeurée inédite. Mais nous avons son commentaire sur la I' « Épitre aux Corinthiens. Il contient en substance un traité sur les accidents eucharistiques et la transsubstantiation. Il nous a paru que Hugues a largement mis à profit la Summa aurea de Guillaume d’Auxerre et les Sentences du Lombard. Pour Hugues, le sacrement est plein de miracles. Panni ceux-ci, il faut compter quod formée rémanent et faciunt iltud quod facerel substantia panis et vint. Ceux qui admettent une fraction, sans matière fragmentée, decipiuntur, nescientes dislinguere inler accidentia, quse immédiate sunt in substantia et alia quee insunt médiate. Hugues signale encore l’opinion depuis longtemps abandonnée d’Abélard : Dixerunt tamen aliqui quod erant in aère circumjuso. Les espèces seules sont brisées par le prêtre : In sacramento sic fit. Enfin, au scrupule : Discutere non permiltiiur. Quid est ergo quod quotidie audemus disputare de corpore Cliristi ? il répond en' vrai scolastique : Solutio. Non permitiitur discutere rationibus naturse, sed aliis bene. Op. cit., t. VIT, p. 104 sq.

L’opinion de Henri de Gand sur les espèces eucharistiques se trouve renfermée, non dans sa Somme, mais dans ses Quodiibela, une des œuvres les plus originales du xiiie siècle. Henri semble admettre que la doctrine, devenue commune à son époque, celle qu’Albert le Grand appelait celebrior et magis catholica, constitue un point de foi. Les espèces ne touchent pas le corps du Christ ; s’il en était ainsi, elles appartiendraient à ce corps et ainsi elles ne seraient plus per se subsistentes sine subjecto, cujus contrarium tenet fides. Quodlib., 1, q v, Paris, 1518. Ailleurs, traitant la question : Utrum de speciebus sacramenti possit generari vermis, argumentant en faveur de la négative, il écrit : sed in illis speciebus non est materia subjecta, quia sunt sine materia, secundum fidem. Ergo. Quodlib., VIII, q. xxxvi.

L’opinion défendue par Henri de Gand se présentait donc h son époque comine l’expression de l’orthodoxie même. Créé docteur en théologie en 1277, Henri enseignait certainement à Paris, vers Pâques de l’année 1278. Quodlib., III, q. xxviii, ; / ; fme. Or, parmi les erreurs condoinnées par Etienne Tempier, évcque de Paris, le dimanche de Lselare de l’année 1276, on lit, sous le titre de : Errores de accidente, la proposi tion suivante : Item quod facere accidens sine subjecto habet rationem impossibilis implicantis contradictionem, ut credimus in eucharistia. P. Lombard, Sent., Lyon, 1529, fol. 126. Le P. Mandonnet, qui réédite, en les groupant, les propositions condamnées par Tempier, omet, sans doute parce qu’il fait défaut dans les manuscrits, le membre de phrase ut credimus, etc. Il a, en tout cas, raison de compter notre proposition et les autres errores de accidente, figurant au c. xv, de l’appendice de l'édition lyonnaise des Sentences de 1529, parmi les errores in theologia. P. Mandonnet, Siger de Brabant, dans Les philosophes belges, Louvain 1908, t. VIT, p. 189 sq. Il est évident, en effet, que la condamnation de la proposition en question est due à des préoccupations d’ordre dogmatique. En la frappant, Etienne Tempier et les théologiens de l’université de Paris ont dû penser au sacrement de l’eucharistie. La proposition incriminée taisait-elle partie des thèses averroïstes de Siger de Brabant ? L’auteur inconnu du De erroribus philosophorum la signale dans l'œuvre de Rabbi Moises Maimonide, au 1. III du De expositione legum ou Sepher Miçvoth, c. xv. Mandonnet, op. cit., p. 23. Parmi les choses impossibles pour la puissance divine, dit l’auteur anonyme, Maimonide range l’accident se soutenant sans sujet et, pour avoir soutenu la contradictoire, il dit de certaines gens, qu’il appelle les séparés, qu’ils ont ignoré la voie des sciences enseignables : viam disciplinalium scientiarum. Ce qui prouve la parfaite fidélité de l’auteur du De erroribus, c’est que nous lisons les mêmes affirmations, sous la plume de Maimonide, au 1. III du More Nevochim. Au c. xv, après avoir cité quelques propositions, qui secundum omnes magistros speculationis, sine contradictione sunt ex numéro impossibitium, il ajoute : Verum, utrum facere possit (Deus) ut existai accidens solum extra subslantiam ? Id ab aliquibus, ut a secta Muatzali, habetur possibile (ces Mualzali, ce sont les separati de l’auteur anonyme) ; ab aliis vero impossibile ; quamvis non sola speeulalio illos qui ajfirmant exislentiam accidenlis extra subjectum, ad hoc staturndum induxcril : sed ohscrvatio et reverentia quarumdam rerum legalium ipsis extorsil, hoc effugium. Doelor pcrptexorum, édit. J. Buxtorf fils, Bâle, 1629.

La réflexion de Maimonide contient une part de vérité ; ce sont des conceptions religieuses (legalium) qui ont fait choisir des positions philosophiques, défendues ensuite par le seul secours des lumières naturelles. La raison sert ainsi le dogme révélé. Par la condamnation prononcée par Etienne Tempier, le pouvoir ecclésiastique, pour la première fois, croyons-nous, prend nettement position contre une philosophie malaisément conciliable avec le dogme eucharistique. On conçoit que le docteur solennel ait pu caractériser la position de Maimonide par les mots : cujus contrarium tenet fides.

Du reste, dès cette époque, il semble que des théoogiens trop zélés se soient laissé entraîner à des exagérations manifestes. C’est ce qui ressort d’un texte très intéressant de Godefroid de Fontaines, chancelier de l’université de Paris, dont le thomisme est d’allures très indépendantes. Discutant la question : Utrum alicui accidenti tonveniat per Arvn, M habere esse sine subjecto, il conclut en disant : Cum ergo summe difficile sit intelligerc quod quanlitas et quodcumque accidens in sacramento altaris in virtute diuina potest e.'ise sine subjecto, mirabile es quod aliquis theologus audet direre quod accidens reole verum et aliam rem dicens quam subslantiam vel quodcumquc aliud accidens siiruAUUM n Ami a m possit esse sine subjecio. De Wulf-Peker, Les quatre prrmiers Quolibets de Godefroid de Fontaines, dans7-es philos, belges, Louvain, 1904, p. 44. Toutefois le docte sorbonniste ne :