Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/432

Cette page n’a pas encore été corrigée
2163
2164
FENELON


fiance de ces malheureux, et lui dit : « Allez les trouver ; prenez leurs noms et ceux de leur famille ; remettez-lesmoi, je vous donne ma parole qu’avant six mois je leur ferai avoir des passeports… » Bausset, 1. V, c. viii.

Une tliéologie exacte et charitable lui inspirait la conduite à tenir à l'égard des protestants moribonds. <' S’ils sont malades, écrivait-il au maréchal de Noailles, à propos des soldats non catholiques au service de la France, on peut les faire visiter d’abord par quelque officier catholique… qui insinue cjuelque bonne parole. Si cela ne sert de rien, on peut aller un peu plus loin, mais doucement et sans contrainte, pour leur montrer que l’ancienne Église est la meilleure… Si le malade n’est pas capable d’entendre ces raisons, je crois qu’on doit se contenter de lui faire faire des actes de contrition, de foi et d’amour, ajoutant souvent : Mon Dieu, je me soumets à tout ce que la vraie Église enseigne, en quelque lieu qu’elle soit » (18 juin 1(590). Ces conseils donnés avant qu’il fût évêque, il les a certainejuent répétés depuis et mis en pratique.

Au fils de Jacques II, le chevalier de Saint-Georges, qui fut son hôte à Cambrai pendant la guerre de la succession d’Espagne, Fénelon, pour le cas d’une restauration des Stuarts, donnait le conseil de respecter la liberté religieuse. Ramsay, Histoire de la vie et des ouvrages de Fénelon, Amsterdam, 1729, p. 393 sq. Quand, d’après Ramsay, l’archevêque disait au prétendant : « Accordez à tous la tolérance civile, non en approuvant tout comme indiJTérent, mais en soutirant avec patience tout ce que Dieu souffre, et en tâchant de ramener les hommes par une douce persuasion, » il parlait pour l’Angleterre d’alors, si passionnéjnent protestante, non pour tous les temps et tous les pays. Contraindre les consciences, et souffrir tout ce que Dieu souffre, sont deux choses radicalement difféxentes. Cf. Bossuet, Réponse à une consultation de Jacques II, dans Œuvres, édit. Lâchât, t. xxviii, p. 471 sq.

L’Essai sur le gouvernement civil est présenté par Ramsay comme le résumé des entretiens de l’archevêque et du prétendant : résumé où d’ailleurs Ramsay avoue « qu’il ne s’est pas rigoureusement astreint à rendre compte de cç qu’il avait entendu. »

Administration du diocèse.

Archevêque d’un

"vaste diocèse, Fénelon l’administra avec une régularité et un zèle infatigables. « Le lendemain de votre arrivée, écrivait-il au chevalier Destouches qu’il n’osait appeler à Cambrai, je serai obligé de passer le vendredi et le samedi à l’examen de nos ordinands ; le dimanche est la Pentecôte, jour de très longs offices ; les jours suivants sont destinés aux entretiens de la retraite des ordinands ; le vendredi nous ferons l’examen religieux pour l’ordination ; le samedi je donnerai les ordres, c’est le 26 du mois ; le 31 sera le jour de la procession (lu saint sacrement avec des offices sans fin… » Lettre du Il mai 1714. Au même ami, il écrivait encore : " J’ai à visiter sept cent soixante-quatre villages. » 1-^t à son neveu : « Je suis accablé de confirmations. » Au cours de ses visites pastorales, chaque matin, il entrait à l'église, confessait tous ceux qui se présentaient, montait en chaire, et exhortait à la pratique du christianisme les habitants des campagnes. A Cambrai jnême, il confessait tous les samedis dans sa cathédrale. Son séminaire avait tous ses soins ; il ne tint pas à lui <iue les sulpiciens n’en fussent chargés. Mourant, il souhaitait que son successeur les appelât. « On ne peut rien de plus apostolique et de plus vénérable, » écrivait-il au P. Le Tellier. Il affirma, dans un Mémoire au chancelier Voysin, les droits du chapitre de Valenciennes contre les empiétements du pouvoir royal ; dans le ressort de sa province, il défendit ceux du chapitre et de l'évêque de Tournai, Beauvau, usurpés par les Hollandais, qu’excitaient les jansénistes d’LUrecht.

Ses idées sur les droits de l’autorité spirituelle, et sur les rapports des deux puissances, Fénelon les a exprimées dans son admirable discours pour le sacre de l'électeur de Cologne, Clément-Auguste de Bavière, qui reçut de lui l’onction épiscopale, le l'" mai 1707, dans l'église collégiale de Saint-Pierre à Lille.

Durant toute cette guerre de la succession d’Espagne dont la Flandre était le théâtre, Fénelon exerça une action bienfaisante qui lui a mérité une gloire impérissable. Généreux en tout temps — la part faite aux convenances de son rang, il dépensait en aumônes les amples revenus de son siège — il donna sans compter lorsqu’il fallut remédier à des maux qui augmentaient sans cesse. Il nourrit une fois la garnison affamée de Cambrai avec des blés destines à sa maison ; après Malplaquet, il ouvrit son palais aux blessés, aux fuyards ; les paysans, menacés par l’invasion, s’y réfugiaient aussi, et leurs bestiaux remplissaient les cours et les jardins de l’archevêché ; de là, peut-être, cette fable de la vache perdue et retrouvée qui figure dans un bas-relief du tombeau de Fénelon, œuvre de David d’Angers. Les officiers français, les ofiiciers ennemis prisonniers, présents à Cambrai, s’asseyaient à la table épiscopale qui compta parfois jusqu'à cent cinquante convives. L’archevêque n’oubliait pas son clergé ruiné par la guerre ; aussi, prit-il à sa charge la taxe que l’usage du don volontaire imposait aux curés du diocèse. Il payait de sa personne comme de sa bourse ; on le voyait dans les hôpitaux, portant à tous, compatriotes ou étrangers, des consolations ; deux pauvres soldats, l’un suédois, l’autre allemand, furent convertis à la vraie foi par sa charité.

Ce bien qu’il accomplissait lui était facilité par la vénération dont tous l’environnaient, par la renommée en quelque sorte européenne dont il jouissait. Le prince Eugène de Savoie, le duc de Marlborough avaient donné à leurs troupes l’ordre de respecter ses terres ; elles devinrent ainsi des lieux de refuge, et l’archevêque put mettre à la disposition de l’intendant de Flandre, pour la nourriture de l’armée française, le froment qu’elles produisaient. On lui offrit aussi, pour le protéger dans ses voyages, des escortes qu’il refusa. Emmanuel de Broglie, Fénelon à Cambrai, c. iv.

Cette guerre de la succession d’Espagne, Fénelon dans les mémoires qu’il adresse à ses amis de la cour, Chevreuse et Beauvilliers, s’efforce d’y mettre un terme ; il veut la paix ; pour l’obtenir, presque à la veille de Denain, ignorant encore que l’Angleterre se retire de la coalition, il est résigné aux plus douloureux sacrifices. « Il y a longtemps, écrit-il, qu’on nous donne, chaque année, de belles espérances de la désuifion des alliés. Rien ne vient : l'État achève de se ruiner. Quatre places ne valent pas ce qu’on perd chaque année. Je tremble pour Cambrai, par amour pour la France ; mais j’avoue qu’il faut finir au plus tôt, à quelque prix que ce soit. » Mémoire pour la campagne de 1710.

10° Derniers travaux, à Cambrai. — L’archevêque composa à Cambrai, pour le duc de Bourgogne avec lequel il n’avait de relations que par Chevreuse et Beauvilliers, VExamen de conscience sur les devoirs de la royauté. Lorsque le jeune prince, par la mort de son père, fut devenu dauphin et héritier présomptif de la couronne, Fénelon écrivit pour lui ce qu’on a nonmié les Tables de Chemines, du château dePicardie où elles furent dressées, en octobre 1711. Il y a résumé, comme dans un répertoire, ses vues sur le gouvernement de la France. C’est là qu’il faut chercher la politique de Fénelon. « L’idée qui domine tous ses plans nous semble être, pour nous servir d’un mot extrêmement moderne, une pensée de décentralisation. » Emmaimel de Broglie, Fénelon à Ccmibrai, c. vt. On a relevé, dans les Tables de Chaulncs, telle erreur digne de Salente