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FÉNELON

raient point^non^plus. Que, d’après Brunetière, les i lettres de la jeunesse de Fénelon soient « marquées | aux signes de la préciosité ; » la préciosité est un défaut ! littéraire qui ne nuit pas plus à la piété, que les jeux de mots de saint Pierre Clirysologue (l’expression est de Fénelon lui-même, Letire sur les occupations de l’Académie française, 4), que les subtilités de saint Augustin, mêlées à tant de traits sublimes ou touchants, n’ont nui à la sainteté de ces éminents personnages. Quant au reproclie de mondanité, sur quoi le fonde-t-on ? Élève de ce Saint-Sulpice auquel il fut « toute sa vie dévoué avec un véritable attendrissement de cœur » (lettre à M. Leschassier, 2’2 mars 1706), dont il a tant goûté « l’esprit de simplicité et l’cloignement du siècle » (ibid.), il n’a donné à personne le droit de soupçonner qu’il lui ait jamais été infidèle. Nous avons remarqué l’esprit de zèle qui éclate dans ce sermon pour la fête de l’Epiphanie (6 janvier 168C), antérieur de trois ans à sa première rencontre avec M""^ Guyon. Et de ce règlement de vie, rédigé avant 1683, vraisemblablement pour la duchesse de Beauvilliers, dira-t-on que la piété est absente ?

Godet des Marais, évêque de Chartres, dans le diocèse duquel était située la maison de Saint-Cyr, pré, lat instruit et pieux, inquiéta M""-’de Maintenon sur les idées de M""-’Guyon. Tronson et Bourdaloue partageaient les craintes de l’évêquc de Chartres. Fénelon engagea ÎM"" Guyon à soumettre sa doctrine à Bossuet ; celle-ci remit à l’évêque de Meaux sa Vie écrite par elle-même. Bossuet, avec cette ironie grave où il excelle, en cite des fragments dans sa Relation sur le quiélismc. Il crut avoir désabusé M""^ Guyon, et il s’efforça de désabuser Fénelon, lequel, trop porté à confondre la doctrine du pur amour avec des erreurs qui la compromettraient s’il était possible, excusait les inexactitudes de langage d’une femme ; à propos des grâces extraordinaires qu’elle prétendait avoir reçues, il rappelait saint Paul contraint par les nécessités de son ministère à faire son propre éloge, et disait avec l’apôtre qu’il faut éprouver les esprits. M""= Guyon demanda des juges, mi-partie ecclésiastiques et laïques, on ne lui accorda que des juges ecclésiastiques ; c’étaient Bossuet, Noailles, évêque de Châlons, et le supérieur général de Saint-Sulpice, M. Tronson. Entre eux, du 10 juillet 1(594 au 10 mars 1695, non sans des interruptions que nécessitaient les fonctions épiscopales de Bossuet et de Noailles, se tinrent, dans la maison de campagne du séminaire de Saint-Sulpice, les célèbres conférences d’issy, destinées : marquer les limites de la vraie et de la fausse mysticité. Fénelon s’engageait beaucoup, lorsqu’il écrivait à Bossuet : « …Je suis dans vos mains comme un petit enfant…’Quand même ce que je crois avoir lu me paraîtrait plus clair que deux et deux font quatre, je le croirais encore moins clair que mon obligation de me défier de mes lumières, et je leur préférerais celles d’un évêque tel que vous… » Lettre du 28 juillet 1694. Il ajou^tait : « Je tiens trop à la tradition pour vouloir en arracher celui qui en doit être la principale colonne en nos jours… » Cette confiance en Bossuet faiblit le jour où Fénelon s’aperçut que l’évêque de Meaux, en qui revivait toute la tradition des premiers siècles, n’avait jamais lu saint François de Sales ni saint Jean de la Croix. Réponse à la Relation sur le quiéiisme, c. II, n. 18. D’ailleurs, dès à présent, il fait, sous la forme la plus liumble, des réserves qui atténuent singulièrement ce qui précède. « Quoique mon opinion sur l’amour pur et sans intérêt propre ne soit pas conforme à votre opinion particulière, vous ne laissez pas de permettre un sentiment qui est devenu le plus .commun dans toutes les écoles, et qui est manifeste.nient celui des auteurs que je cite. »

II. L’archevêque de Cambrai. — 1° Nomination. — Un événement considérable allait changei" la vie de Fénelon, et faire d’un disciple docile, même trop docile du moins en paroles, l’égal de son maitre. La mort de M. de Bryas laissait vacant l’archevêclié de Cambrai. En vertu d’un induit d’Innocent XII (car le concordat de 1516 s’appliquait seulement aux provinces qui, à cette date, composaient le royaume de France), Louis XIV y appela l’abbé de Fénelon. Cet cvêche ck campagne, comme le nomme dédaigneusement SaintSimon, conférait à l’élu les titres de duc de Cambrai et de prince du Saint-Empire ; il lui valait un revenu de 200 000 livres. Cambrai enfin, en voie directe, n’était qu’à 35 lieues de Paris ; le nouvel archevêque pouvait donc entretenir avec ses élèves et avec la cour des relations assez fréquentes. Désireux de garder Fénelon comme précepteur des jeunes princes, Louis XIV lui avait dit : « Les canons ne vous obligent qu’à neuf mois de résidence ; vous ne donnerez à mes petits-enfants que trois mois, et vous gouvernerez de Cambrai leur éducation pendant le reste de l’année, comme si vous étiez à Versailles. » Fénelon, pourvu d’un archevêché dont les amples revenus suffisaient, et au delà, à toutes les exigences de sa charge, se démit de l’abbaye de Saint— Valéry qui lui avait été conférée en 1694. Nous le verrons même offrir pour les besoins île l’État l’abandon tle sa pension de précepteur des enfants de France Le roi loua le procédé et ne voulut pas en profiter.

2° Continucdion des con/crences d’Issij. — Nommé à l’archevêché de Cambrai, Fénelon fut associé aux conférences d’issy. Trente articles avaient été rédigés. Nous les donnons.

1° Tout chrétien en tout état, quoique non à tout moment, est obligé de conserver l’exercice de la foi, de l’espérance et de la charité, et d’en produire les actes coimiie de trois vertus distinguées (distinctes).

2° Tout chrétien est obligé d’avoir la foi explicite en Dieu tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, rémunérateur de ceux qui le cherchent, et en ses autres attributs également révélés, et à faire des actes de cette loi en tout état, quoique non ù tout moment.’.i° Tout chrétien est pareillement obligé à la foi explicite en Dieu Père, Fils et Saint-t2sprit, et à faire des actes de cette foi en tout état, quoique non à tout moment.

4° Tout chrétien est de même obligé à la foi explicite en Jésus-Christ Dieu et homme, comme médiateur, sans lequel on ne peut approcher de Dieu, et à faire des actes de cette foi en tout état, quoique non ù tout moment.

5° Tout chrétien en tout état, quoicpio non à tout moment, est obligé de vouloir, désirer et demander explicitement son salut éternel, comme chose quc Dieu veut, et qu’il veut que nous voulions pour sa gloire.

6° Dieu veut que tout chrétien, en tout état, quoique non à tout moment, lui demande expressément la rémission de ses péchés, la grâce de n’en plus commettre, la persévérance dans le bien, l’augmentation des vertus, et toute autre chose requise pour le salut éternel.

7° En tout état, le chrétien a la concupiscence à combattre, quoique non toujours également ; ce qui l’oblige en tout état, quoique non à tout moment, à demander force contre les tentations.

8° Toutes ces propositions s)nt do la foi catholique, expressément contenues dans le symbole des apôtres, et dans l’oraison dominicale, qui est la prière commune et journalière de tous les enfants de Dieu ; ou même expressément définies par l’Église, comme celle de la demande de la rémission des péchés, et du don de persévérance, et celle du combat de la convoitise, dans les conciles de Carthage, d’Orange et de Trente : ainsi les propositions contraires sont formellement hérétiques.

9° Il n’est pas permis à un chrétien d’être iudilTérent pour son salut, ni pour les choses qui y eut rapport. La sainte indifférence regarde les événements de cette vie (à la réserve du péché) et la dispensation des consolations ou sécheresses spirituelles.

10" Les aetes mentionnés ci-dessus ne dérogent point à la plus grande perfection du christianisme, et ne cessent pas d’être parfaits pour être aperçus, pour u qu’on en rende grâces à Dieu, et qu’on les rapporte à sa gloire.