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FAREL

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Suisse. Un premier essai de pénétration à Genève ne réussit pas (1532). Farel, Virct et Froment « cstoyent aux tavernes publiques, où ils prêchaient. » Pierrefleur, p. 105. Bientôt, le conseil bannit Farel. Hallcr, p. 171 ; Spon, t. i, p. 216. Froment, feignant de faire l’école, resta à Genève. A la fm de 1532, et malgré les représentations de Fribourg, Herminjard, t. iii, p. 123, Farel rentrait à Genève. C’était au moment où, devant les troubles suscités par l’apostat Alexandre Canus, et par Froment, le dominicain Jacques Furbity venait d’être d’abord mis sous la garde du grandvicaire, puis, après les réclamations des Bernois qui se disaient outragés, transféré dans les prisons de la ville (8 janvier 1534). Les gens de Berne amenèrent Farel et Viret, comme parmi leurs serviteurs, et une dispute, qui dura plusieurs jours, eut lieu entre ces deux réformateurs et " Furbity, homme d’un incontestable mérite, qui fit à Farel, sur l’autorité des conciles, des observations auxquelles le réformateur ne répondit qu’en les éludant ; mais l’intervention des ambassadeurs de Berne le tira d’une position embarrassante. » Haag, La France protestante, t. v, p. 65. L’année suivante, Farel fit publier le récit de cette dispute ; on a encore la lettre par laquelle il organise cette supercherie, car il voulait faire attribuer à ce récit une provenance catholique (22 nmi 1535). Herminjard, t. III, p. 293.

Les années 1534 et 1535 voient à Genève l’établissement du protestantisme. Les sermons de Farel (22 juillet-8 août 1535) ont le triste privilège de déterminer les bris d’images. En 1535, Farel échappa par rencontre, et Viret faillit succomber à un empoisonnement ; la servante coupable, Antoina Vax, dit avoir agi à l’instigation du chanoine Gonet. Herminjard, t. III, p. 280. C’est en 1535 que les clarisses de Genève voient leur demeure sans cesse visitée, du 6 au 25 août : Farel vint y prêcher sur ce texte : Exsiirgens Maria abiil in r. ontana, contre la clôture et la virginité. Il faut lire dans le livre de la sœur Jeanne de Jussie un récit touchant de ces scènes. Farel avait gagné à sa cause Jacques Bernard, gardien des cordeliers de Genève ; cet apostat fit annoncer pour le 30 mai des thèses publiques, qu’il défendit avec Farel et Viret, contre Caroli, docteur de Sorbonne, « homme sçavant et non constant en ses faits, dits, ni en sa science, » Pierrefleur, p. 108, car il devait à plusieurs reprises passer d’une confession à l’autre. En mai 1536, la résistance aux sermons de Farel à Thonon amène de la part des Bernois l’abolition tle l’exercice public du catholicisme. Vers le même temps, le conseil de Genève rappelle Farel : « Vous prians affectueusement. .. que en considération des passans par icy, François, Italiens et aultres… vous reveniès de par deçà » (10 juillet). Herminjard, t. iv, p. 75.

Cette mesure devait procurer un jour l’étaljlisseinent à Genève de Calvin, sommé par Farel, au nom de Dieu même, de s’y fixer, comme l’a raconté Calvin dans la préface de son commentaire des Psaumes.

La même année 1536, Farel ; édigca la confession de foi de Genève. Voir Gaberel, Histoire de (ienève, t. i, pièces justificatives, p. 120-127.

Durant cette même période, au jugement du conseil de Genève, « maistre Guillaume a asscs afl’aire aller aux villaiges d’ung costel et d’aultre » (5 février 1537). Herminjard, t. iv, p. 179. Du 1° au 8 octobre 1537, Farel soutint avec Virct l’elTort du colloque de Lausanne dont il avait rédigé les dix thèses ; les rares catholiques qui y assistèrent embarrassèrent plus d’une fois les ministres. En 1538, il est avec Calvin exilé de Genève « pour avoir été peut-être trop sévère, » Herminjard, t. v, p. 149, et aussi par suite d’un dissentiment avec Berne, Il devient alors le ministre de Neuchâlel. En 1540, c’est encore l’inter vention de Farel qui ramène Calvin de Strasbourg à Genève. Herminjard, t. vi, p. 242.

La tentative de Farel à Âletz et à Gorze, en 1542, eut un succès fort médiocre. Le duc d’Aumale, fils du duc de Guise, avait mis à prix la tête du réformateur (20 avril 1543), Herminjard, t. viii, p. 327 ; d’après les récits protestants, Claude de Guise aurait même assailli et taillé en pièces une réunion de réformés et Farel aurait échappé, caché dans une voiture de lépreux ; d’après Meurisse, les femmes catholiques de Gorze malmenèrent et chassèrent Farel qui avait attaqué la très sainte Vierge.

Dès lors Farel réside habituellement à Neuchâtel. Il assiste pourtant au supplice de Michel Servet, et fait alors au peuple cette leçon : « Remarquez bien le pouvoir dont dispose Satan quand on s’abandonne à lui. Celui que vous voyez là passait pour un grand savant ; peut-être croyait-il être dans le vrai, et le voilà devenu la proie du diable. » Janssen-Pastor, t. viii, p. 576. LTne ambassade en Allemagne avec Bèze en faveur des jirotestants français (1557) et un voyage jusqu’à Gap (1561) et un autre à Metz (1565) sont les derniers incidents de cette vie tourmentée. « Le 20 décembre 1558, à l’âge de soixante-trois ans, il épousa Marie Torel de Piouen, réfugiée à Neuchâtel pour cause de religion. Il en eut un fils qui mourut en bas âge. Cette décision du vieillard fut vivement blâmée de ses amis. » Lichtenberger, Encyclopédie des sciences religieuses, t. iv, p. 679. Farel mourut à l’âge de soixante-seize ans en 1565."

Dans une vie aussi agitée que celle de Farel, et parmi une génération aux passions si âpres, on ne peut s’étonner de trouver bien des problèmes historiques de détail, parfois presque insolubles. En voici quelques-uns. Il est sûr qu’en 1517, Farel avait reçu un bénéfice ecclésiastique du futur Clément VII. Plus tard, Antoine Saunier lui écrit (22 septembre 1533) : « De là m’en vint à Avignon pour savo’r si votre provision estait venue de Rome, » Herminjard, t. III, p. 83, et pour percevoir cet argent, la sœur de Farel croit nécessaire : « une donnation qui fust faicte il y a dix ou douze ans en ça, qui fust avant vostrc départie, et pourries retenir devers vous tout le contraire. » Ibid. D’où il semble bien que Farel touchait encore des revenus ecclésiastiques ; on sait combien de fois les synodes nationaux ont, dans la suite, réclamé contre ces situations irrégulières.

Le conseil de Genève écrivant à Berne se plaint de constater chez les deux réformateurs des éclipses de mémoire : « ne povons bonnement penser comment maistre Farel et Calvinus sont si ardys de informé. Vous dictes Excellences contre vérité » (30 avril 1538). Herminjard, t. iv, p. 429. Que croire lorsque Farel et Calvin se plaignent des vingt assassins, apostés contre eux à la sortie de Genève quin 1538)’.' Herminjard, t. v, p. 25. Comment la rumeur a-t-elle pu se répandre que Farel et Fabri avaient procédé à une efiraction nocturne du cellier de MM. c’e Berne (19 novembre 1537)’? Ibid., t. iv, p. 323. Assurément le xvie siècle, s’il avait la main prompte, avait la crédulité facile. En voici un exemple. Dans le livre composé par Viret à la mort de sa femme : « entre autres estoit mis par escrit qu’elle voyait les cicux ouverts et les chaires et places lesquelles estaient préparées pour Pharel et Viret son inary. » Pierrefleur, p. 185.

L’activité de Farel a été considérable. Le conseil de Berne n’exagère pas en rappelant comri’ut maître Guillaume a « enduré grosses tribulations, travaulx et peines, es affaires de la ville (Genève), et en leurs afilictions et misères du temps passé » (29 mai 1538). Herminjard, t. v, p. 15. Il avait à peine le temps d’écrire ses lettres : non nisi exspectante nuntio, litteras