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F/VREINISTES — FAREL


Il est difficile de connaître les croyances et les usages des fareinistes actuels, tant ils gardent à ce sujet un profond silence. Ils recitent les mêmes prières que les catiiolicjues ; mais ils rejettent la hiérarchie concordataire, l’immaculée conception et l’infaillibilité pontificale. Ils n’ont pas de sacrements, hormis le baptême. Ils vivent retirés du monde et se livrent à la méditation de l'Écriture. Ils n’ont plus aucun lien avec le jansénisme, et l’essai tenté en 1905 par les jansénistes de Hollande pour les réunir à l'Église d’Utrecht n’a pas eu de succès. Ils prononcent encore les noms île jansénisme et de Port-Royal, qui n’ont plus pour eux aucun sens. Ils n’ont de réunions que pour les funérailles, auxquelles le grand-prêtre lit les prières. Chaque famille a son grand-prêtre, qui lit et commente l'Écriture le dimanclic après-midi. Autrefois, il y avait des offices où on chantait des cantiques et où on prêchait. Il n’y en a plus.

En résumé, les fareinistes actuels ont peu de dogmes et peu de pratiques religieuses. La méditation remI)lace pour eux la prière orale. Ils sont toutefois remarquables par leurs mœurs austères et sévères. Les aberrations morales des possibilistes ont disparu, et ils n’ont gardé que la rigueur de conduite des ansénistes.

Outre les pièces inédites et imprimées, indiquées au cours de l’article, voir H. Grégoire, Histoire des sectes religieuses, t. II, p. 1()8-175 (d’après un mJmiire de Reboud.de Bourg) ; L. Sirand, /e criici/ieineitt de Fureins, en Donibes, Bourg, 1862 ; Cl. Perroud, Qiieliiucs documents sur le /arcinisnie, dans les Annales de la Société d'émulation, agriculture, letti-es et arts de Z'.lin, 1873 ; Pli. Le Duc, Les fareinistes et le crucifiement d’un adepte, dans les Curiosités historiques de l’Ain, 1877, t. II, p. (174-716 ; Mea culpa, ibid., 1878, t. iii, p. 4674'.)5 ; L..larrin, le fareinisnte, dans les Annales de la Société d’cnudation… de l’Ain. ISSU ; et à la suite de Bourg et Belley pendant la Hci’olution /nmçaise, 1881 ; li. QuentinBauchart, les fareinistes et leur livre, dans le Bulletin des hihliopliiles, 1900 ; Revault d’Allonc, Psychologie d’une religion (thèse), Paris, 1908, c. le messianisme fareinisle-, P. Dudon, le fareinisme, dans le Bulletin de la Société Gorini. Bourg, 1908, t. v, p. 117-125, 316-333, 345-368 ; 1909, t. VI, p. 66-88 ; 1910, t. VII, p. 67-83 ; A. Dubreuil, Étude historique et critique sur les fareinistes nu farinisles, Lyon, 1908 ; C. Latreille, Les illuminés de Fareins, dans le Mercure de France, du 16 octobre 1909, p. 561-582.

E. Mangenot.

    1. FAREL Guillaume##


FAREL Guillaume. — L Vie. IL Doctrine. III. Ministère.

I. Vie.

Farel naquit en 1483 près de Gap, au village des Farels. Il vint étudier à Paris en 15( ! 9, fut régent au collège du cardi al Le Moine, subit l’influence de Le Fève d'Étaples, et, en 1.521, se retira à Meaux, auprès de Briçonnet, parmi les premiers réformateurs. Sur son passjge au protestantisme, nous n’avons que des témoignages de lui, postérieurs à son apostasie (lettre à Galéot, 7 septembre 1527, Herminjard, t. ii, p. 41). Ni les pratiques de piété, dit-il, ni la lecture des Vies de saints ou des docteurs ne l’ont satisfait : miscrum cxcepliim rcddebani / ; u’s(7T(/ni ; 77î ; ni l'étude d’Aristote, ni celle de l'Écriture sainte qui lui semblait contredire le catholicisme. Un piejx frère (LeFèvre d'Étaples) lui apprend à mettre sa confiance en Dieu, par un seul médiateur, le Christ : cppil fîcta displiccre rcligio cxlcrior. Depuis les apôtres, il n’est permis à personne d’innover ; et c’est attenter contre Dieu que d’apporter de nouveaux commandements. Cf. Épître à tous seigneurs, 1548, dans Herminjard, t. ii, p. 300.

De Meaux, Farel lit une tentative infructueuse de prédication à Gap, peut-être aussi en Guyenne. En 1524, on le retrouve ; i Dôle. Il y propose pour une dispute publique, le 23 février 1524, treize thèses. Herminjard, t. I, p. 194. L’université et le vicaire général s’opposèren' à la dispute, tandis que le conseil de

DICT. DE TIIÉOL. CATHOL.

Bâk' prenait parti pour Farel et interdisait, à qui ferait observer le décret du vicaire général, l’entrée et l’usage des moulins, des l’ours et du marché public (24 février 1524). Œcolampade écrit qu’il n’y eut pas d’opposants : Sophislte sœpiiis voccdi inisqiiain compaïucre (l'""' mars 1524), dans Herminjard, t. i, p. 202, et cependant beaucoup de succès : Disjnilando et firgelegendo publice bonam navavil operam (15 mai 1524)'. Ibid., t. I, p. 215.

Mais, à Bâie, l’influence d'Érasme était prépondérante ; la modération de ce dernier déplaisait fi Farel : l’Iuillicu facile fiam magnas Iheologiis, si passiiit infiilsciv ponlificem esse aniichristum (27 octobre), ibid., t. I, p. 301, et Farel l’avait traité de Balaam. Ibid., L I, p. 290, 299. La ville de Bâle fit signifier à Farel son mécontentement, et lui enjoignit de s'éloigner : Nos videnms quale sit hoc Evangeliiun vestrum. Ibid., t. I, p. 361. De là, le banni se rendit, semblc-t-il. à Montbéliard, où il demande à Christophe de Wurtemberg de prêcher contre un prédicateur d’indulgences : « nous ofl’rant nous-mêmes (et très spécialement Farel) dans le cas où nous ne prouverions pas notre dire, à livrer notre corps et notre vie aux châtiments les plus sévères qu’il plairait au tribunal de prononcer » (Il novembre 1524). Ibid., t. r, p. 303. Chassé de Montbéliard, Farci retourne alors à Bâle et à Strasbourg ; il devient en 1527 maitre d'école à Aigle sous le nom de Guillaume Ursinus, « en réalité, il enait pour y prêcher l'Évangile. » Ibid., t. i, p. 461, note 15.

Le colloque de Baden (1526) avait été favorable aux catholiques ; malgré la parole donnée, le conseil de Berne essaya d’organiser une dispute publique et convoqua les quatre évêques de ses territoires (17 novembre 1527). Ibid., t. ii, p. 51. Farel avait rédigé les articles en français. Ibid., t. ii, p. 59. Après six jours de dispute en allemand, idiotnale nobis incognito, ibid., t. II, p. 100, dirent les théologiens catholiques, ils se retirèrent ; il semble qu’il y ait eu dans la suite une dispute en latin.

Après le soulèvement du 27 janvier, qui précipite les événements à Berne, et amène la suppression de la messe et la destruction des images, Farel cherche à répandre ces innovations dans les environs ; il parcourt successivement Aigle, Ollon, Morat ; deux tentatives à Lausanne (octobre et novembre 1529) échouent. A la fin de 1529, Farel prêche à Neuchâtel, in portis Ofipidoiiun, in vicis, areis et domibus (15 décembre). Ibid., t. II, p. 219.

Plusieurs mois après (23 octobre 1530), ses prédications déterminent b s ; ic des églises et à dix-huit voix de majorité, l'établissement du protestantisme à Neuchâtel est décidé. Froment a raconté comment, le jour même du 15 août 1530, à Bondevilliers, le compagnon de Farel avait arraché des mains du prêtre la sainte hostie, et l’avait jetée à terre, ibid., t. ii, p. 270 ; il nous décrit aussi l’accueil résolument hostile qu’ils reçurent à Valangin. Af/('s et gestes, édit. Révilliod, p. 11.

Avenches et Paycrne, villes alliées de Berne, Haller, p. 159, admettent, non sans peine, la nouvelle religion. Les bailliages d’Orbe et de Granson, soumi ; aux Bernois et aux Fribourgeois, furent plus malaisés à conquérir. Pierrefleur, banderct d’Orbe, en a laissé un récit vivant. Il nous montre Farel arrivant ; i Orbe « la dimanche de Pasqucs flories (1531), il n’y en avait que cinq ou six qui voulaient que le dit Pharel preschast, ce qui estoit contre le vouloir et consentement de toute la ville, » p. 21, 22 ; et il nous décrit l’entrée des luthériens, conduits par l’avoyer de Berne, chez les cordelicrs de Granson, p. 48.

Un voyage c'.iez les vaudois (1532), avec Antoine Saulnier, interrompt à peine les efforts de Farel en

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