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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS ;


i Théodoret d’une conception arrêtée sur la nature des espèces eucharistiques. C’est devant des textes comme celui-là, comme ceux de la lettre du pseudo-Chrysostome à Césaire, du pape Gélase sur les deux natures dans le Christ, Franzelin, op. cit., p. 256 ; J. Lebreton, La Iraiissubslantialion et la christoloqie anliochienne du v siècle, dans les Éludes, 1908, t. cxvii, p. 477 sq., qu’il faut se rappeler les sages paroles de J. Pohle : « Cette continuité physique et non seulement visible des accidents eucharistiques fut aflirmcc si souvent par les Pères et avec une telle insistance, qu’elle parut mettre en danger la notion même de la transsubstantiation. » The calholic encgclopedia, art. Eucharisl, t. v, p. 582.

Conclusion. — Les Pères admettent la réalité objective de ce cju’on appellera plus tard les accidents eucharistiques ; mais il ne paraît pas qu’ils aient essaj’é de fournir une explication théorique, ni du fait, ni de sa possibilité ; ils s’attachent à l’objet de foi, qu’ils exposent dans le langage usuel et journalier ; très frappante est l’absence chez eux de termes d’école, où s’embusque parfois toute une métapliysique ; ils alTirment les dogmes de la présence réelle et de la conversion substantielle et s’efforcent de les rendre accessibles par des comparaisons et des analogies à la portée de tout le monde ; mais ils ne tentent pas d’éclairer les abords philosophiques du dogme, la zone d’ombre qui, pour la raison naturelle, encercle les affirmations nettes et précises de la foi ; ils n’ont pas poussé à fond l’analyse rationnelle du donné révélé : cette besogne était réservée à ceux qu’on a si pittoresquement et si justement appelés des ii incorrigibles compreneurs » , c’est-à-dire aux théologiens scolastiques. C’est en substance l’avis auquel s’arrêtait, il y a deux siècles et demi, l’érudition à la fois solide et pénétrante de Pierre de Marca. Notant la fréquence chez les Pères de l’expression : Le pan consacre est le corps du Christ, il ajoutait : Sed nulla apud ipsos disputalio reperitur, an subsislanl sine subjecto, quoniam definilionc illa : ex pane péri corpus Clirisli defunclos se pulabanl omni scrupulosiori disquisilione de accidenlium subslanlia : quia iolum illud complexum ad corpus Christi perlinere exislimabanl. Non diffilebantur quidem, quin supcresset sapor in spccicbus, quin forma panis, quin res sensibiles et elemenla non solum vidcrentur, ul eorum verbis ular, sed ul adjuncluni carni invisibili conlemplabantur.

IIL Période scolastique. — l » Devanciers de saint Thomas. — On constate un curieux parallélisme entre la doctrine des espèces eucharistiques et le dogme de la transsubstantiation ; ils existent tous deux dans la conscience chrétienne bien longtemps avant les formules qui ont servi à les nommer. Les choses ont naturellement précédé les noms. Bien avant Paschase, saint Ambroise et saint Jean Damascène enseigneront une conversion substantielle des éléments ; le mot transsubstantiation paraît pour la première fois vers la première moitié du xiie siècle, longtemps avant le IV^ concile de Latran. Voir col. 1289 ; Denifle, Liz//)er und Lulherthum, Mayence, 1904, p. 210. Voir aussi col. 1224. C’est vers la même époque, c’est-à-dire vers le premier tiers du xiie siècle, qu’on voit paraître la théorie des accidentia sine sw6/ec’o. Elle est nettement allirméc par Alger de Liège : Deus, dit-il, / ; i omnibus est mirabilis…, facil enint in suo sacramento accidentâtes qualilales cxistere pcr se, quod in cœteris est impossibile. Sed qui virgini dédit lœcunditatemsinesemine, quid mirumsi sine subslan’iæ (undamento facil qualitates cxistere. De sacramento, édit. Malou, 1. II, c. i, p. 216, et passim. On remarquera Ja terminologie scolastique dont se sert l’ècolâtre de Liège. A peu près tous ceux qui ont écrit avant lu sur le sacrement de l’eucharistie s’expri DIC-^. DE THÉOI.. CATUOL.

ment comme les Pères, dans le langage courant ; ils affirment la persévérance des qualités sensibles, en évitant les termes de dialectique. Il faut remarquer la manière dont Alger introduit sa solution du problème, celle qui était destinée à prévaloir : Sed quserunl dialeclici, cum subslanlia panis in corpus Christi conversa, jam non sit panis, in quo tundamento rémanent qualilales… Loc. cil. C’est le problème dans les termes mêmes dans lesquels le posera l’École. Dans le Sententiaire, édité à Berlin en 1835 par Rheinwald, sous le titre erroné de Pctri Abœlardi Epilome Iheolo <jiae christianse, et réimprimé par Cousin en 1859, Pet. Abœlardi opéra, t. ii, p. 567, on lit au c. xxix, intitulé : De sacramento (dtaris : De spccie quoque illa panis et vint, dubitedur cujus sit ? L’auteur propose une double solution, dont la première, absurde et très tôt rejetée, attribue les accidents au corps du Christ, et dont la seconde est celle précisément que saint Bernard et Guillaume de SaintThierry reprocheront à Abélard : Dicil eliam Magisler Pelrus de sacramento allaris, subslanlia panis et vint mulata in subslanliam corporis et sanguinis Domini ad peragendum sacramenti myslerium, accidentia prioris substanliæ remanere in aère. Obsecro, ut quid in acre ? Quid ibi factura sunt ? Dispul. adversus Abad., c. ix, P. L., t. cLxxx, col. 280. Denille, Archiv fur Lileratur und Kirchengeschichte des Millelallers, Berlin, 1887, t. III, p. 634 ; J. Kilgenstein, Die Gotlestehre des Hugo von Saint-Victor, 1898, p. 23 sq. Voir t. i, col. 52-54. Un autre Sententiaire, conservé chez les chanoines de Saint-Florian (Haulc-Autriche) et découvert par le P. Denille, introduit la question à peu près dans les mêmes termes : Quxritur ubi sit (forma). Palet esse in aère… Archiv fiir Lileratur und Kirchengeschichte des Millelallers (1885), t. i, p. 433. Même manière de poser la question chez Ognibene, un autre disciple d’Abélard, dont les Sentences ne sont pas antérieures à l’année 1140 : De sapore et frætione et specie dicimus quod ibi sint. Si quæritur ubi sunt, possumus dicere in corpore. Sed ibi non est corpus in quo sint, quia ibi non est nisi corpus Domini, in quo non sunt ; vel possumus dicere quod sunt in aère, sicut videmus, quod recedenle pomo, remanet odor in aère. Loc. cit., p. 467. Hugues de SaintVictor, qui, le plus ordinairement, combat Abélard, pose dans sa Summa sententiarum un quæritur touchant les qualités sacramentelles, et la réponse qu’il lui donne est déjà en substance celle de saint Thomas : Quæritur in quo sunt illæ species et sapor ille ? Non enim possumus dicere quod sunt in subslanlia panis et vint, cum non sit ibi subslemtia panis et vint, sed vcrum corpus Christi, nec audemus dicere quod insint corpori Christi. Non enim habet corpus Christi rotundam figuram in se : sed qualem in judicio visuri sumus. Sed cui crearc de nihilo et formalum et formam fuit facile : mutare formatum et conservare formam non eril difficile et ut prœter subslanliam subsistai efficere. Tr. V, c. iv. Opéra, Cologne, 1617, t. iii, p. 335. Si l’authenticité de la Summa sententiarum est douteuse, celle du De sacramentis fidei ne l’est pas ; or cet ouvrage, un des derniers en ordre de dates de Hugues et composé vraisemblablement vers la fin du troisième deceiinium du xii’e siècle, A. Liebner, Hugo von Saint-Victor, Leipzig, 1832, p. 217, exprime des doctrines analogues. De sacram. fidci, 1. II, part. VIII, c. ix. Enfin, les Sententige divinitatis, un recueil de Sentences, issu de l’école de Gilbert de la Porée, postérieur à l’année 1141, mais d’après un savant travail du D’B. Geyer, Die Sentent, divinitatis, cin Sentenzenbuch der Gilberlsschen Scliule, Munster, 1909, antérieur aux années 1147-11 18, contient une curieuse contradiction qui nous montre que la question des accidents était, à cette époque déjà, classique dans les écolej

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