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EXTRÊME ONCTION CHEZ LES SCOLASTIQUES

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appel à l’union qui existe entre les deux jjarties de la nature humaine et au retentissement qu’ont sur l'état du corps les sentiments de l'âmo : ideo non est minim, si iranquillatur anima et viç/oratur et Iwtifiealiir, si etiam hoc redundat in corpus. In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, a. 1, q. i, ad 3°'".

Il n’est pas un effet universel. Les termes dont se servent les scolastiquos le prouvent bien ; l’extrême onction ne guérit le corps que si cela est utile à l'âme, ijuundo cxpedil ad spiritualem sancUionem, dit saint Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, q. i, a. 2, sol. 2' ; il Sappl., q. xxx, a. 2 ; si expedit ipsi anima', dit saint Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist. XX iii, a. ], q. I. Même dans ce cas, l’extrême onction guérit-elle ou soulage-t-ello toujours'? Oui, répond saint Thomas, dummodo non sit impedimentnm ex parle recipientis. Cette restriction est à remarquer ; la maladie elle-même peut devenir un de ces empêchements si elle s’est tellement aggravée qu’un miracle seul pût la guérir. La grâce de l’extrême onction facilitera et augmentera toujours, par la joie spirituelle qu’elle met dans l'âme, l’effet des remèdes ou les cfforts de la nature ; mais ce serait outrer la doctrine et aller contre l'évidence des faits que de lui attribuer un pouvoir miraculeux infaillible.

Sujet.

L'Épître de saint Jacques ne recommande l’extrême onction qu’aux malades ; c’est aux

malades seuls que les théologiens scolastiques permettent de la recevoir. Mais, ce principe admis, plusieurs questions se posaient.

1. Quel est le degré de maladie qui légitime la réception de l’extrême onction ? — Le concile de Florence, Denzinger-Bannwart, n. 700, l'énonce ainsi : Hoc sacramentum nisi infirma de cujus morte timetur, dari non débet. Tel avait toujours été l’avis des théologiens. Albert le Grand, In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, a. 9, dit sans doute que les malades peuvent recevoir l’extrême onction ; mais les termes qu’il emploie en répondant à la première objection : sanus non est in via transitus ad gloriam, ergo non est perccptibilis hujus sacramenti, indiquent bien de quelle maladie il s’agit. Saint Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, q. ii, a. 2, sol. 2° ; III' SuppL, q. xxxii, a. 2, enseigne expressément que illis lantum infirmantibus débet cxhiberi qui sunt in statu exeunlium propler hoc quod icgritudo nata est morlem inducere et de periculo timetur. Il en est do même de saint Bonaventure : Quantumcumque quis infirmetur, non datur ei lioc sacramentum, nisi pnt’sumatur quod moriatur, vel quod sit in articula mortis. El si conslarel nobis de aliquo quod liberaretur ab infirmilale, non deberet dari ei sacramentum. In I V Sent., 1. IV, dist. XXIII, a. 1, q. i, ad 1°'", 2°"', 3'"" ; cf. a. 2, q. II.

Duns Scot exagéra cette doctrine. Pour lui, l’extrême onction est le moyen suprême d’effacer parfaitement les péchés véniels commis pendant la vie. Il en tira cette conséquence que, pour faire rendre à ce sacrement son maximum d’cllicacité, il ne faut l’administrer que infirma tali qui non potest amplius peccare. Il répète plusieurs fois cette condition, tant elle lui paraît importante : la raison pour laquelle on ne doit pas donner l’extrême onction à ceux qui, sans être malades, se Irouvent en danger de mort, c’est que, dans ce cas, hubet homo usum liberi arbilrii et potest post peccare, et lalibus qui possunt amplius peccare non débet dari ; la raison pour laquelle on ne doit pas la donner au début d’une maladie lente, quoique grave, c’est encore que, licel taies sint infirmi, non statim aufertur ab eis potestas peccandi venialiter. In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, n. 3. Ce n’est donc (|U’au dernier moment et, si c’est possible, quand lo malade a perdu connaissance, qu’il faudrait lui donner l’extrême onction.

Cette doctrine eut malheureusement une influence sur la pratique ; plusieurs conciles particuliers du xiii'e siècle se plaignent que l’on attende trop longtemps pour administrer les malades. D’autres causes, il est vrai, conlribuaient à ces retards, par exemple, l’abus de certains prêtres qui taxaient l’extrême onction, ou encore les superstitions populaires qui interdisaient, après la réception de ce sacrement, l’usage de la viande, les rapports conjugaux, etc. Cf. Kern, op. cit., p. 282 sq. Toujours est-il que l'Église a compris le danger que présentait l’opinion de Scot et ne l’a jamais acceptée.

2. A quel âge est-on capable de recevoir l’extrême onction ? — Que l’on voie principalement dans l’extrême onction un remède à la faiblesse spirituelle produite par le péché ou un moyen d’effacer le péché luimême, la conséquence n’est pas douteuse. Seuls, ceux cjui ont l’usage de la raison peuvent ressentir le soulagement spirituel, seuls, ils peuvent avoir des péchés à elfacer. Aussi la tradition scolastique est-elle très nette à cet égard. Albert le Grand n’accorde ce sacrement qu’aux adultes. In IV Sent., 1. IV, dist. XXIIl. a. 10, et il explique la portée de ce mot, lorsqu’il dit, ad3"i" : Causa contra quam hoc sacramentum prineipaliter ordincUur in parvulis non invenitur. Saint Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, q. ii, a. 2, sol. 4' ; III SuppL, q. xxxii, a. 4, et saint Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, a. 2, q. ii, expriment la même idée. Scot, ibid., n. 4, dit expressément : Innocentibus vel pannilis non habenlibiis usum rationis non débet dari, cum non habcanl… aliquod peecaliim propler quod esset necessarium ; unde beala Virgo vel innocentes alii qui minquam peccaverunt actmdiler pcccato veniali non indiguerunt recipere hoc sacramentum. Saint Antonin, au xve siècle, est partisan de la même doctrine : Pueris nondum rationis usumlmbentibus… non débet dari, quod esset mendacium in forma, dum dicitur : quidqiiid deliquisti…, cum non deliqurrint. Summu Iheologiæ moralis, part. III, tit. xiv, c. XV, § 6. La tradition est constante à ctt égard ; on doit refuser l’extrême onction à ceux qui n’ont pas encore l’usage de la raison ; mais dès que quelqu’un est jugé capable de commettre un péché véniel, il peut la 1 cccvoir.

Cependant la pratique ne fut pas toujours d’accord avec la théorie. Tandis que l'évêque Guillaume de Cahors, en 1289, enseignait à son clergé que les enfants sont capables de recevoir l’extrême onction quand ils sont arrivés à l'âge de discernement, c’est-à-dire, en général, « dès l'âge de quatre ou cinq ans, » dans Martène, Thésaurus novus anecdotorum, t. iv, p. 714, d’autres évêques, au témoignage de Durand de Mende, Ralioncde divinorum ofjiciorum, 1. I, c. viii, n. 25, Lyon, 1574, t. i, fol. 41, exigeaient dix-huit ans. A quoi tenaient ces pratiques de rigueur et d’autres semblables ? Sans prétendre les expliquer complètement par là, il semble qu’un texte des Synodica ; constilutiones d’Eudes de Sully, évêque de Paris, souvent reproduit par les ordonnances épiscopales du xiii^ et du xiv » ! siècle, et mal interprété, en ait été la cause au moins partielle. L'évêque de Paris ordonnait que l’on considérât comme tenus de recevoir l’extrême onction, « non seulement les riches et les vieillards, mais les pauvres et les jeunes gens, ceux surtout qui ont atteint ou dépassé quatorze ans. » Synodica.' conslituiiones, c. viii, a. 2, dans Labbe et Cossart, Sacroriim concilionim nova et amplissima collectio, Venise, 1778, t. XXII, p. 080. Or, vers la fin du xive siècle surtout. Il l'âge de quatorze ans, qui jusque-là avait été considéré plutôt comme la limite d'âge extrême au de la de laquelle il n'était plus permis de refuser l’extrême onction aux enfants, devint peu à peu l'âge mininnim strictement requis pour la réception