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1993

EXTRÊME ONCTION CHEZ LES SCOLASTIQUES

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Or ce n’est pas là une doctrine particulière à Albert le Grand. Saint Bonaventure la professe ; dans ce sacrement, dit-il, nous recevons l’onction royale qui nous permet d’entrer au ciel comnie dans le royaume qui nous appartient. In IV Sent., 1. IV, dist. XX III. a. 1, q. ii ; cf. q. m ; dist. II, a. 1, q. m. Saint Thomas la reprend : l’extrême onction dispose immédiatement à la gloire. In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, q. i, a. 1, sol. 1°, ad 2'"" ; q. ii, a. 3, sol. 2^ IIISuppl., q. XXIX, a. 1, ad 2°"" ; q. xxxii, a. 2 ; elle enlève les restes du péché et rend l’homme prêt à entrer dans la gloire, Siim. theol., III', q. lxv, a. 1 ; elle lui confère une santé spirituelle parfaite. Ibid., q. lxxxiv, a. 1, ad 1°"|. I^ texte le plus clair du docteur angélique est celui de la Snmmu contra (/entes, 1. IV, c. Lxxiii ; il y étudie le but pour lequel l’extrême onction a été instituée. L’homme, dit-il, n’a pas toujours le temps ou la pensée ou la volonté de faire pénitence ; l’extrême onction a pour but de compléter ce qui manque à la purification de celui qui va paraître devant Dieu en le délivrant de la peine temporelle, ut sic niliit in eo remaneal quod in e.vitn aninuv a corpore eam possit u perceptione (jloriæ impedirc. L’homme, d’autre part, peut avoir oublié certains pécliés, il en commet tous les jours dont il ne se rend pas compte et dont il ne songe pas à demander pardon ; ce sacrement le purifie, ut niliil inveniatur quod perceplioni gloriæ rcpugnel. Et il conclut ainsi : Unde manilestum est quod lioc sacramentum est ultinuim et quodammodo consummativum tolius spirilualis curationis, quo Immo quasi ad parlicipandum qlorinni pnvparatur.

Telle a été la doctrine constante des théologiens, et le P. Kern, De sacrumento e.vtremie uneiionis, Ralisbonne, 1907, p. 94 sq., cite dans le même sens des textes absolument formels de Duns Scot, de Pierre de Tarentaise (Innocent), de Durand de SaintPourçain, de Richard de Middletown, d’Auréolus, de Pierre de la Palu, de Gerson, de Denys le Chartreux, de Caprcolus et de Ruard Tapper. Pour tous, l’elTet de l’extrême 'onction est de parfaire notre puriflcation ; tout ce qui alourdit ou atl’aiblit, tout ce qui souille et retiendrait l'âme loin du ciel, elle le détruit ; elle nous rend capables d’entrer immédiate, disent la plupart, sine cdio purgatorio, dit Pierre de la Palu, dans la gloire céleste.

^ur ce point donc, il n’y a pas de discussion. Mais on voulut analyser davantage. Cet elTct plénier est complexe ; il suppose le pardon des péchés mortels ou véniels, la rémission de la peine qui reste due, la force donnée au malade pour remédier à la faiblesse spirituelle produite en lui par le péché, en un mot, la destruction totale des péchés et de tout le mal qu’ils ont laissé dans l'âme, reliquiæ peccali. De tout cela, quel est l’effet principal de l’extrême onction ?

b) Effet principal. — On entend par ce mot l’effet partiel produit avant tout autre et par le moyen duquel tous les autres sont produits. Cette seule définition, la plus claire que l’on puisse donner, montre que nous abordons une de ces questions subtiles que les scolastiques aimaient à discuter, dont l’intérêt était de pousser aussi loin que possible l’analyse des données de la foi et dans lesquelles chacun prenait position d’après la théorie qu’il s'était construite. Deux théories sont en présence. D’après les thomistes, l’effet premier de l’extrême onction est d’enlever les restes du péché, c’est-àdire la faiblesse spirituelle qu’il a laissée dans l'âme. Albert le Grand ne fait guère que l’affirmer : illud sacnmientum est ordinalum contra morbum spirilualem pecccdi… Est autem ille morbus reliquiæ infirmilalis spiritualis ex original i et aclu<di renmnentis. In IV Seul., 1. IV, dist. XX III. a. 1 ; cf. dist. I, a. 2.

Saint Thomas reprend cette idée pour la développer davantage. L’extrême onction est un remède ; elle a donc pour but premier de guérir une infirmité, celle du péché. Mais il ne s’agit pas du péché lui-même ; s’il est mortel, l'âme n’a plus la vie et les vivants seuls peuvent prendre des remèdes ; s’il est véniel, point n’est besoin d’un sacrement pour l’effacer, le repentir y suffit. Il s’agit donc de cet état de malaise et de faiblesse spirituelle qui résulte du péché. Hoc sacramentum… dutur contra illos dejectus quibus homo spirilucdiler injormatur ut non liabeal perfeclum vigorem ad actus l’itæ, gratiæ vel gloriæ ; et hic defectus nihil est aliud quam quivdam débilitas et inaplitudo quæ in nobis relinquitur ex peccato actuali vel originali, et centra hanc dehilitatem homo roboratur per hoc sacramentum. Tel est l’effet principal de l’extrême onction. Mais, s’il est produit, c’est, comme dans tous les sacrements, par la grâce ; si donc il arrivait que l'âme se trouvât en état de péché sans cependant mettre un obstacle volontaire à la grâce, le péché disparaîtrait ; c’est pourquoi saint Jacques dit : Si in peccatis sit, remittentur ci. La destruction du péché sera donc une conséquence de la production de la grâce, et non le résultat premièrement voulu. In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, q. i, a. 2, sol. 1^ : III'^^ Suppl., q. XXX, a. 1. Voir dans Capréolus, Defensiones tlieologia' D. Tlwmæ, in IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, q. I, a. 2, § 2 ; a. 3, § 2, Tours, 1906, t. VI, p. 45-1 sq., la défense de cette théorie contre les objections de Durand de Saint-Pourçain.

Saint Bonaventure part d’un principe différent ; il remarque que, soit saint Jacques, soit la forme même du sacrement, indiquent comme efi’et propre de l’extrême onction la rémission des péchés. Or il ne s’agit ni du péché originel, ni du péché mortel ; il y a d’autres sacrements dont le but direct est de les effacer ; il s’agit donc du péché véniel, et dans les conditions toutes particulières où se trouve le mourant. Illud sacramentum principaliter est ad curationem et idleviationem infirmitalis spiritualis, scilicet peccali venialis. In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, a. 1, q. i ; cf. a. 2, q. II. Scot admet cette théorie ; il suffit pour s’en convaincre de lire le début de son commentaire sur la dist. XXIII : P/J/rio oslendam quod possibile sit Deo finaliter dimillere peccata venialia et ad hoc insliluere cdiquod sigruim quod id e/ficaciler significet. Secundo oslendam congruum esse laie signum inslilulum.

Cette question est insoluble, dit Benoît XIV ; elle a fourni matière à de nombreuses discussions entre thomistes et scotistes, mais sans résultat appréciable, curiose magis quam uliliter. De synodo diœcesana, I. VIII, c. VII, n. 3, Venise, 1767, t. xi, p. 161.

2. Effet corporel.

La guérison ou le soulagement corporel du malade peuvent être un etTet de l’extrême onction ; mais cet effet n’est ni direct, ni universel.

Ce n’est pas un effet direct. Si Dieu guérit le corps, c’est pour fortifier l'âme, dit saint Bonaventure : (Istud sacramentum) per accidens est ad curationem et allevialionem inftrmiledis corporalis, quodammodo ad vigorandam animam quæ régit corpus. In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, a. 1, q. i.Bien plus, c’est par la guérison de l'âme que se produit celle du corps. Albert le Grand, In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, a. 2, ad 5° » ", n’applique guère cette idée qu’aux maladies qui auraient leur source dans l'âme : tune maxime vedet conlra morbum corporis quando isle morbus ccmsatur ex morbo mentis. Saint Thomas l’explique par la relation qui existe entre la maladie et le péché : Conveniens fuit ul contra peccalum aliqua spiriUudis medicina adlnberetur, sccundum quod c.v peccalo derivutur infirmitas corporalis. Conlra génies, 1. IV, c. lxxiii. Saint Bonaventure est plus complet ; il exprime une idée qui sera plus tard adoptée par le concile de Trente ; il fait