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EXTRÊME ONCTION DU I" AU IX « SIECLE


dont le sens est Si peu apparent, il rappelle que cette même matière est aussi à la disposition de tous les fidèles comme d’autres objets bénits, pour leur usage privé et celui de leur famille. Ainsi semble avoir compris Bède, Expositio super divi Jacobi Epislola, P. L., t. xciii, col. 39. Après avoir dit que pour observer la jirescription apostolique, l’Église a coutume de jaire oindre les infirmes par les prêtres, il ajoute, dans une jihrase suivante : Le pape Innocent écrit qu’il est permis, non seulement aux prêtres, mais à tous les chrétiens, d’oindre d’huile. C’est reconnaître, mais en les distinguant, l’usage privé et l’usage ofliciel. De même, on aurait le droit de dire aujourd’hui encore, en parlant de l’eau bénite le samedi saint. « Les paroles de l’Écriture s’appliquent aux infidèles qui peuvent renaître de cette eau sanctifiée par le prêtre, eau dont tous les chrétiens ont le droit de s’asperger même dans leurs besoins ou ceux de leur famille. C’est le prêtre qui, d’ordinaire, baptise, mais l’évêque peut le laire. Ce sacrement n’est refusé qu’à ceux qui ne pré.-entent pas les dispositions requises. » Ce qui rend phis acceptable cette interprétation, c’est qu’en certains endroits, à Rome notamment (un peu plus tard du moins ; le fait est établi par les textes liturgiques), les fidèles usent pour leurs besoins privés de la même huile bénite qui sert pour l’extrême onction. Duchesne, Orif/ines du culte chrétien. Paris, 1903, p. 305.

C’est le pape qui parle, il fait connaître les usages de l’Église romaine, les considère comme autorisés, antiques et dignes d’être partout suivis, puisqu’il les rattache à une parole apostolique et les propose à son correspondant, l’évêque d’Eugubium. La réponse d’Innocent ! ’=' n’est pas demeurée inaperçue, elle a été insérée dans la fameuse collection de Denjs le Petit (composée sous Symmaque, 498-514) qui jouit non seulement à Rome, mais dans tout l’Occident et surtout en France, d’une grande autorité. Collectio decreiorum pontificurn romanorum, P.L., i. lxvii, col. 240241. On la trouve encore dans la collection dite de Quesnel, Codex canonum ccclesiaslicorum et constitulorum sanctæ sedis apostolicæ, P. L., t. lvi, col. 517518 (composée au v ? ou vi'e siècle et en usage en Gaule), dans VHispana, Collectio canonum S. Isidoro Hispul. (iscripta, P. L., t. lxxxiv, col. 644, dans le recueil (vue siècle, très répandu) de Cresconius, évêque africain, Crisconii episcopi africani Breviarium canonicum, P. L., t. lxxxviii, col. 913. Ainsi, presque toute l’Églis-e d’Occident a expressément reconnu ]>our sienne la doctrine du pape Innocent.

L’importance de ce témoignage ne doit pas faire ouliiier les autres dépositions. Saint Cyrille d’Alexandrie combat les pratiques superstitieuses emploj’ées contre les maladies : il leur substitue le recours religieux au nom de Dieu et la prière : « Je rappellerai aussi l’Écriture divinement inspirée qui dit : Quelqu’un est-il infirme parmi vous ? » De l’adoration en esprit et en vérité, P. G., t. lxviii, col. 472. Le texte de saint Jacques est cité intégralement. Ainsi, l’onction est voulue par l’auteur de la révélation, elle est un rite alors en usage, rite normal, véritable institution chrétienne. Saint Cyrille ne donne aucun commentaire : il prend le texte de l’apôtre tel qu’il est et lui laisse toute sa portée. Ailleurs, après avoir dit que l’onction ea général est l’œuvre du Saint-Esprit, il ajoute qu’elle s’opère surtout, (j.àXnjTa, au moment de la régénéral-ion. Donc il y a une autre application d’huile que celles du baptême et de la confirmation, alors immédiatement faites l’une après l’autre, ce doit être sans doute celle que recommande saint Jacques. Elle est par conséquent, d’après Cyrille, un acte accompli par le Saint-Esprit. Commentaire d’Isaïe, 1. III, c. i, P. G., t. Lxx, col. 562.

Cassien est amené à rappeler l’eiïet spirituel, la

rémission des péchés. Pour prouver que la prière des saints obtient à l’homme le pardon, il reproduit le conseil et la promesse de saint Jacques : cette fois encore, le texte est tout entier cité. Collât., xx, c. viii, P. L., t. XLix, col. 1161. Par cet exemple et le précédent on constate ce qui s’est déjà passé auparavant et qui se reproduira. Les écrivains anciens, si l’on excepte Innocent P% n’étudient pas l’extrême onction pour elle-même, directement. Aussi ne signalent-ils d’elle que ce que leur but les oblige à mettre en relief. Saint Cyrille, qui combat la médecine magique, parlera de l’efficacité curative du rite ; Cassien, qui nomme l’onction lorsqu’il traite du pardon des péchés, rappellera, comme l’ont fait Origène et saint Jean Chrj’sostome, son maître, la valeur propitiatoire.

La recommandation de saint Jacques est encore reproduite à la même époque (427)par saintvugustin. Dans le Spéculum de Scriplura sacra, où, dit-il, il a voulu énumérer « les ordres, défenses, permissions » contenus dans la Bible « qui aujourd’hui encore demeurent règles des mœurs et d’une vie pieuse, » il place l’exhortation faite aux malades par l’apôtre. P. L., t. xxxiv, col. 1036. L’onction est donc à ses yeux un rite spirituel d’un usage permanent. Et le biographe de l’évêque d’Hippone, Possidius, raconte que, pour les visites, Augustin observait la règle fixée par l’apôtre, « n’allant que chez les orphelins et les veuves en détresse. Jac, i, 27. Et quand parfois les malades l’appelaient pour qu’il les recommandât à Dieu en leur présence et pour qu’il leur imposât les mains, il s’y rendait sans retard. » Possidius, Vita sancti Augustini episcopi, c. xxvii, P. L., t. xxxii, col. 56. Si l’onction n’est pas expressément nommée, elle est sous-entendue, puisque Augustin se conformait aux conseils de saint Jacques, priait sur le malade et faisait un geste qui est inclus dans toute application de l’huile. LTn autre Africain de l’époque, l’auteur du De promissionibus et prædictionibus Dei, présente la veuve qui nourrit de farine et d’huile Elisée comme le type de l’âme charitable et chaste « qui, munie du sacrement de la farine et de l’onction d’huile, attend avec sécurité la douce pluie, car le Seigneur lui a dit : Courage, serviteur bon et fidèle, … entrez dans la joie de votre Maître. » Part. II, c. xxix, P. L., t. ii, col. 803. L’interprétation du langage figuré est toujours délicate, mais le lecteur de ce passage songe naturellement au viatique et à l’extrême onction, secours spirituels, munita, qui donnent au juste malade une tranquille assurance, secura expectet, et sont pour lui un gage du ciel. La vertu de préparer à la mort le chrétien est attribuée à l’onction d’huile.

Ce n’est pas elle, c’est, une fois encore, la puissance de remettre les péchés que le prêtre hiôrosolymitain Hésychius (ou celui qui s’abrite sous son nom) exalte en citant la parole de l’Épitre de saint Jacques. Commentaire sur le Lévitiquc, c. ii, P. G., t. xciii, col. 805. Ce texte d’un auteur allégorisant à l’excès pourrait bien, il est vrai, ne pas s’appliquer au rite concret, mais à la prière en général ; c’est elle que loue l’auteur ; et il entend tout au sens figuré : elle guérit les passions, soigne, en nous délivrant de l’ignorance, les blessures des yeux de l’esprit, sauve de la vraie maladie, c’est-à-dire du péché, etc. Mais s’il en est ainsi (ce qui n’est pas démontré, Kern, op. cit., p. 35, croit le contraire), on aurait tort de conclure que, pour cet écrivain et son milieu, l’onction des malades n’existe pas. Sans nier la présence réelle, on peut montrer dans l’eucharistie une image du corps de l’Église, un symbole d’amour.

Le témoignage de Victor d’Antioclie est moins fuyant. Interprète de saint Marc, il expliejue le récit des disciples envoyés pour oindre les malades et les guérir, vi, 13. Ce n’est pas sans curiosité que le lecteur attend le jugement du plus ancien commentateur grec