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EXTRÊME ONCTION DU I" AU IX" SIÈCLE


<liscipUne des sacrements, L’cxlrcme onction, dans la Revue du clergé français, 15 juin 1912, t. lxx, p. 645 ; c’est plus tard seulement qu’il a été réservé pour désigner le saint chrême. Boudinhon, op. cit., p. 400, n. 1 ; de Sainte-Beuve, op. cit., col. 41-42. Au reste, impossible de croire qu’il s’agit ici de la confirmation : le pape en a parlé précédemment, dans la même lettre, n. 3. Il mentionne un acte qui s’opère sur les malades, se fait avec de l’huile (oleum chrismatis, ungentes eum oleo). Elle n’est pas consommée, elle est répandue, il y a onction (temgere clirismate, infundi, ungentes, perungi, ungendum).

Les bénéficiaires de l’acte sont clairement désignés : ce sont les malades (infirmus, laboranlem, languidus). Tous y ont droit (omnibus uii licel, omnes langaidos), à deux conditions pourtant. L’onction est réservée aux chrétiens (infirmus in vobis, fidelibus œgrotaniibus, omnibus christianis). Elle est refusée aux pénitents auxquels ne sont pas concédés les autres sacrements (pœniientibus, quibus rcliqua sacramenta neganlur). Or, dans la même lettre, quelques lignes plus haut, Innocent l" rappelle que la coutume de l’Église romaine est d’accorder rémission aux pénitents même bien portants, même coupables de fautes graves, le jeudi saint. Et il ajoute que, si l’un d’eux tombe dans un état désespéré, « il faut, avant le temps pascal, lui accorder le pardon, de peur qu’il ne quitte le siècle sans communion. » Donc, semble-t-il, selon Innocent I^’, l’onction ne doit pas être faite sur les pénitents malades, si ce n’est après la réconciliation du jeudi saint ou quand leur état est désespéré. Le pape n’affirme pas que l’onction est obligatoire, les expressions employées semblent plutôt indiquer qu’elle est facultative, Boudinhon, op. cit., p. 400, mais recommandée. Le conseil de saint Jacques est rappelé, il est d’ailleurs suivi : les malades à oindre sont si nombreux que l’évêque ne peut lui-même leur donner à tous satisfaction.

Quels sont les effets attendus ? Ceux qu’énumère l’apôtre : salut (scdvabit), relèvement (suscitabit), pardon des péchés, si c’est nécessaire (remittet ei). Évidemment, l’onction ne se confond pas avec la pénitence proprement dite qui se compose, Innocent le rappelle, loc. cit., col. 550, de l’aveu et des larmes du pécheur, de la réconciliation de l’Église. Mais d’une certaine manière sur laquelle le pape ne s’explique pas, le rite concourt, s’il y a lieu, à la rémission des péchés. Que relève-t-W et que saucc-t-il ? Est-ce l’âme, est-ce le corps ? Innocent ne précise pas. La restauration de la santé n’est certainement pas exclue. D’aulre part, l’efficacité spirituelle est affirmée. L’onction des malades est un des sacramenta ; ce mot n’a évidemment pas le sens qui lui sera donné beaucoup plus tard, mais il désigne déjà une opération sainte, utile à l’âme chrétienne. Ici même, le pape se sert de ce terme pour nommer les rites refusés par l’Église aux indignes, c’est-à-dire le viatique et la réconciliation qui n’est accordée aux pécheurs que dans des circonstances déterminées et à certaines conditions. L’onction est assimilée à ces deux actes, elle est, d’une manière analogue, un moyen de grâce.

Par qui est-elle faite ? Par les prêtres : saint.lacqucs les nomme. Elle peut l’être aussi par les évêques. Car si l’apôtre ne parle que des’premiers, c’est que les seconds, empêchés par d’autres occupations, ne peuvent se rendre auprès de tous les malades. Mais si l’évêque a le temps de les voir ou s’il croit bon d’administrer l’onction à certaines personnes, il a le droit de le faire.

Les fidèles peuvent-ils s’appliquer à eux-mêmes l’huile sainte ? Une phrase d’Innocent I<’"' oblige à poser la question : sancto oleo chrismedis… quod… non solum sacerdotibus sed ei omnibus uti christianis

DICT. DE TIIÉOL. CATHOI.

licet, in suo cuit in suorum nccessilate ungendum’Faut-il comprendre : // est permis de se servir de l’huile non seulement pour les prêtres, mais pour tous les chrétiens ; ou bien : Il est permis non seulement aux prêtres, mais à tous les chrétiens de s’oindre ?

Isolée, la plirase est difficile à expliquer. Les traductions : Il est permis de se servir d’huile non seulement POUR les prêtres, mais pour tous les chrétiens afin de les oindre, ou encore 17 est permis à tous les chrétiens de se servir d’huile pour être oints, ne sont guère satisfaisantes. Pour justifier cette dernière interprétation, Nctzer, op. cit., p. 184, 207, rappelait récemment qu’à l’époque carolingienne, on employait parfois la forme active avec le sens passif. Il a été répondu : « Nous ne sommes pas à l’époque carolingienne. .. et ungendum n’est pas… une forme active. » Boudinhon, Si les fidèles se faisaient eux-mêmes autrefois les onctions de l’huile sainte, dans la Revue du clergé français, 1911, t. lxviii, p. 724. Vaut-il donc mieux admettre non seulement avec la plupart des protestants (Daillé, Puller), mais avec des catholiques (Boudinhon, Lejay, Villien), la traduction : Il est permis aux chrétiens d’user de l’huile pour faire l’onction, eux-mêmes, dans leur maladie et dans celle de leur famille ? Il semble bien que tel est le sens le plus naturel : user d’iiuile pour oindre, c’est oindre. Néanmoins le verbe ungendum est amené d’une manière si étrange qu’il paraît bien difficile de donner pour certaine cette traduction. L’explication timidement proposée par Kern : se servir d’huile pour oindre par le ministère des prêtres ne se justifie pas, du moins par le seul examen de la phrase.

Pour dirimcr la controverse, Boudinhon, op. cit., p. 725-728, invoque des affirmations d’autres écrivains ou de livres liturgiques d’après lesquels les fidèles s’oignaient d’huile sainte. Cet argument ne crée qu’une présomption. C’est à Innocent P qu’il faut demander la pensée d’Innocent l’^'. Le pape cite sans la modifier la recommandation de saint Jacques : ce sont les presbijtres qui prieront sur le malade el l’oindront. Il ajoute que cette parole apostolique se vérifie dans l’onction alors en usage : c’est nous donner à entendre que le conseil est suivi à la lettre. Innocent précise : en vertu de cette recommandation, tous les fidèles peuvent être oints (perungi possunl). S’il disait que le rite apostolique est accompli par tous les chrétiens, se demanderait-il ensuite : l’évêque a-t-il le droit d’appliquer l’huile ? La réponse aurait été donnée d’avance ; la question ne serait pas seulement superflue, elle serait ridicule. Et il importe même d’obseicr en quels termes elle est posée : de episcopo ambigatur quod presbylcris licere non dnbiiim est, on se demande si l’évêque peut ce qui est certainement perm’s aux prêtres, on n’ajoute pas : et aux fidèles. La réponse n’est pas moins significative : parce que l’évêque ne peut oindre tous les malades, les prêtres sont oflîcielleinent désignés pour administrer l’onction : à quoi bon, si l’onction des laïques était de même valeur ? Enfin, le dernier mot nous semble appeler la même conclusion : ce que l’Église refuse à certains de ses enfants, c’est, semble-t-il, quelque chose qui s’opère par le ministère de sa hiérarcliie, comme le don du viatique et de la réconciliation.

Que conclure ? Ou bien il n’est question dans tout le passage que de l’onction faite soit par les prêtres, soit exceptionnellement par les évêques, et il faut donner à la partie obscure de la lettre d’Innocent I* le sens qu’impose clairement tout le contexte. Mais la grammaire paraît bien condamner cette explication. Ou bien, et cette interprétation nous paraît la meilleure, le pape parle surtout, presque exclusivement, de l’huile que les membres de la hiérarchie appliquent sur les malades, mais dans la proposition incidente

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