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EXTRKME ONCTION DU P' AU IX' SIÈCLE
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ermite arradia aussi à la mort par une onclion le gendre et la fille d’une pieuse femme nommée Constance. Op. cit., n. 44, col. 52. Les foules couraient à lui, personnes de toute condition et de tout rang Il pour recevoir le pain ou l’huile bénits par lui. » Op. cit., n. 30, col. 43-44. L’Historid monachorum, écrite en grec vers 396-397 et traduite par Rufm, cf. Butler, The Lausiac hislory of Palladius, Cambridge, 1898, p. 'Ibl-'in, rapporte que Jean, solitaire de la Thétoaïde, supplié par un malade, bénit de l’huile et le sauva ; il en envoya à une aveugle qui s’oignit les yeux pendant trois jours et recouvra la vue. Historia monachorum, P. L., t. xxi, col. 394. Bien plus, un saint anachorète, Aphra.ite d’Antioche, rapporte Théodore !, se servit d’huile sur laquelle il avait fait descendre sa bénédiction pour guérir le cheval de l’empereur Valens. Le même personnage fit, par une onction, délivrer un chrétien du charme d’illégitimes amours. Histoire des moines, P. G., t. lxxxii, col. 1376.

Ainsi, conclut Puller, op. cit., p. 171, l’huile bénite est en usage en Asie Mineure, en Egypte, en Gaule, en Palestine, sans doute en Syrie, en Orient et en Occident. Or, il n’y a aucun exemple d’onction sainte faite pour la rémission des péchés, la préparation à la mort des agonisants, la destruction des restes des fautes, l’acquisition de la grâce qui rend capable de mourir heureusement ou avec courage. L’onction n’a jamais été regardée comme un sacrement au sens strict que le moyen âge attache à ce mot. Voir aussi op. cit., p. 191.

C’est vraiment abuser de l’argument du silence. De ce que, pendant deux siècles, le ii « et le m, seul Tertullien parle des guérisons obtenues par l’onction, personne ne conclut que le recours à ce moyen était inconnu alors ou peu répandu. Puller écrit lui-même et avec raison : « Je n’ai aucun témoignage historique à relater des onctions du ii « et du iiie siècle, quoique pourtant je ne doute aucunement que la coutume apostolique ait été continuée durant cette époque. » Op. cit., p. 150. Pourquoi les textes sont-ils muets sur la collation de l’extrême onction proprement dite, sacramentelle ? Les raisons du silence ont été données plus haut. Il suffit d’ailleurs d’examiner les faits allégués pour comprendre que seules les cures miraculeuses obtenues par l’huile bénite aient été mentionnées. Que veut Tertullien ? Rappeler et expliquer à un infidèle la bienveillance d’un empereur païen pour les chrétiens : il ne pouvait invoquer les bienfaits d’ordre spirituel. Quel but se proposent le biographe de saint Parthénius, Ru fin, Palladius, saint Jérôme, Sulpice Sévère, les admirateurs de saint Pacliônie, et (le Jean l’ermite, Théodoret ? Évidemment, ils veulent mettre en relief des faits extraordinaires, ils se proposent de signaler des miracles, ils s’efforcent de faire honorer ou invoquer leurs héros. Ils le disent expressément, et leur récit le démontre. Quand les hagiographes de tous les temps racontent la vie d’un saint personnage, ils choisissent des événements insolites, ce qui, vertu ou prodige, dépasse les actes du commun des fidèles. Si celui qu’ils exaltent est prêtre ou évêque, ils ne s’amusent pas à rappeler qu’il a conféré le sacrement de l’extrême onction, à moins que la collation de ce rite n’ait été revêtue de quelque circonstance exceptionnelle, zèle ou piété du célébrant, qualité du sujet, effet miraculeux de l’onction. Évidemment, il en fut de même dans les premiers siècles. Il est donc permis de conclure que Ja mention de ces cures merveilleuses s’imposait et que le silence sur le sacrement de l’extrême onction est très naturel, commandé en quelque sorte par le caractère et les effets du rite.

Un second argument est proposé par Puller et par

les protestants : les onctions miraculeuses étaient l’accomplissement du rite commandé par saint Jacques. Toutes ces opérations, observc-t-on, avaient pour but la guérison du malade. Donc, l’apôtre n’avait proposé qu’un rite curatif. Et c’est beaucoup plus tard, au moyen âge seulement, qu’on s’avisa d’attribuer à l’huile une vertu sanctifiante. Puller, oj). cit.. p. 149, 171.

En réalité, un examen minutieux des faits prouve précisément que les onctions relatées ne sont pas du tout celles que conseillait l'Épitrc de saint Jacques. L’apôtre avait écrit : Quelqu’un est-il malade ? Et son langage semblait désigner plutôt un mal aigu et qui menace la vie qu’une infirmité chronique. Or, dans les cas cités, il s’agit de la guérison de paralytiques, d’aveugle, de muet, de possédé du démon, d’une personne subjuguée par une passion coupable. Si on prend l'Épitre à la lettre, les fidèles à oindre sont des chrétiens : quelqu’un est-il malade, parmi vous ? L’empereur Sévère, le cheval de Valens ne satisfaisaient pas à cette condition. Ce sont les presbytres de l'église auxquels il faudra recourir, affirme l’apôtre. Des onctions que les protestants nous opposent, certaines ont été faites par des laïques qui ne détenaient aucune autorité sur les communautés, qui n’avaient pas mission de visiter les malades, qui ne pouvaient à aucun titre être considérés comme les continuateurs des presbytres, c'étaient des saints. Or, précisément, Jacques n’avait pas en cet endroit demandé qu’on s’adressât à des saints. Presque tous ces personnages d’ailleurs évêques, prêtres ou laïques, opèrent sur des personnes qui ne sont pas de leur communauté, mais qui accourent de loin pour les visiter ou les implorer, on s’adresse à eux comme à des thaumaturges et non comme à des presbytres de l'Église. L'Épitre de saint Jacques recommandait un moyen ordinaire, elle le proposait à tous les chrétiens et évidemment les dispensateurs du rite ne devaient jamais refuser leur ministère. Or, les malades guéris miraculeusement pendant les premiers siècles étaient la plupart, presque tous, souffrants depuis longtemps ; on ne nous dit pas qu’ils aient auparavant demandé leur salut à leurs prêtres officiels, on donne même à entendre qu’ils tentent une démarche toute spéciale près du saint personnage auquel ils s’adressent, et le thaumaturge se fait prier, parfois, il refuse par humilité de se prêter aux caprices du patient. L’acte accompli n’est d’ailleurs ni exactement ni toujours celui qu’a indique l’apôtre. Les hagiographes signalent presque dans chaque cas la bénédiction d’huile dont saint Jacques n’avait pas parlé. Par contre, le remède miraculeux est appliqué souvent par d’autres que par le thaumaturge, et parfois le patient s’oint lui-même, l’oraison du pieux personnage agit à distance, tandis qu’on lit dans l'Épitre : « que les presbytres prient SUR LUI, l’oignant d’huile au nom du Seigneur. » Enfin et surtout, il faut bien noter que les effets sont très différents : quiconque lit saint Jacques sans aucun préjugé est obligé d’y découvrir la promesse d’un relèvement, du salut et celle qu’ont vue les premiers commentateurs de ce passage, Origène et saint JeanChrysostome, d’une rémission conditionnelle des péchés. Proculus, Parthénius, les pieux anachorètes, saint Martin guérissent par l’huile bénite ; les textes n’attribuent à leur acte que cet effet.

Ce n’est pas à l’onction iirescrite par Jacques qu’il faut assimiler les merveilleuses applications d’huile bénite attestées par les premiers écrivains chrétiens. Elles se rapportent à un autre type. Le Nouveau Testament fait connaître deux remèdes : l’un, ordinaire, universel et qui produit le relèvement, le salut même s’il le faut, la rémission des péchés : c’est celui que recommande saint Jæqui’s ; l’autre, extraordinaire.

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