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EXTRl^ME ONCTION DU P’AU I X » SIÈCLE

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l’Écriture. L’interprétation de Puller ne rend pas raison des inodiOcations qu’Origène fait subir au .texte de Jacques.

Le docteur alexandrin voulait prouver qu’il y avait une septième rémission des péchés, il l’avait nommée : c’est la pénitence. Ill’avait même appelée un remède, et son esprit associait habituellement les idées de pardon et de guérison. Aussi, cherchant un texte de l’Écriture pour démontrer la puissance de la pénitence, tout naturellement, il songea à la recommandation de saint .Jacques. Évidemment, ceux qui croient que l’apôtre en ce passage parle seulement de l’extrême onction, éprouvent une réelle difliculté pour justilier le choix d’Origène. Mais il a été démontré que l’Épître conseille, en cas de maladie, et la confession des péchés et d’onction, voir Extrême onction d’après l’Écriture ; si l’on veut bien se souvenir de ce fait, toute difflculté s’évanouit. Origéne pouvait se servir de la parole de saint Jacques pour établir sa thèse : il est question en ce texte de la pénitence et, ce cjui, selon le docteur alexandrin, est très important, il est parlé de l’aveu des fautes. Au contraire, les promesses de Jésus-Christ sur la rémission des péchés ne mentionnent pas expressément cette condition du pardon. Elles auraient donc moins bien exprimé ce que voulait dire Origène de la manière dure et laborieuse de rentrer en grâce avec Dieu. Et il est aussi très naturel que rénumération dont le premier terme a été le baptême ^signale en dernier lieu le sacrement des malades et des mourants. En décrivant la pénitence, Origène ne dit-il pas que celui qui la pratique arrose sa couche de larmes, parole qui est une réminiscence bibliciue et qui se vérifie même chez le pécheur bien portant (ses pleurs sont le pain dont il se nourrit la nuit), mais qui ^s’applique encore mieux au malade. Aujourd’hui, sans doute, la confession étant un acte accompli très souvent par un grand nombre de catholiques, un théologien serait moins tenté tle recourir, pour démontrer l’efficacité de la pénitence, au texte de saint Jacques. Mais à l’époque d’Origène, le sacrement de la réconciliation était moins en usage. Et comme il devait l’être surtout -et universellement en cas de maladie grave, pour ce motif encore, le conseil de saint Jacques s’imposait à J’attention du catéchète alexandrin.

Si telle était sa pensée, le changement cju’il introduit est très naturel. A])pele par un fidèle, le prêtre lui remettait les péchés et cet acte comportait peut-être une inii>osilion des mains, puis il faisait l’onction. Intentionnellement donc, Origène a modifié le texte. Les mots : « que les prêtres prient sur le malade » ne lui paraissant pas désigner assez clairement la pénitence, il les a peut-être remplacés par l’indi--cation expresse du geste de la réconciliation. La prière qui accompagne l’onction n’est d’ailleurs pas supprimée ; les prêtres versent l’huile au nom du Seigneur. Et même si l’on croit qu’Origène a cité de mémoire « t s’est trompé, son erreur s’explique fort bien ; tout naturellement, puisqu’il parlait de la pénitence, à l’expression vague de l’apôtre, il a pu substituer une description précise de l’absolution. Ainsi, le vrai sens de la parole de saint Jacques permet de découvrir la signification exacte du commentaire d’Origène et le commentaire d’Origène confirme le conseil de l’apôtre. C’est en raison de ce que l’Épître enseigne de la rémission des péchés qu’Origène la cite ici, mais il ne conteste pas et n’entend pas au sens métaphorique ce qu’elle allirme de l’extrême onction.

Eusèbe de Césarée pourrait bien avoir fait allusion à l’extrême onction. Dans son Commeiilaire sur Isuie, P. G., t. XXIV, col. 268, il explique ces paroles du c. XXV, 7, du prophète : « Ils se parfumeront, yp : nvnan, de myrrhe sur cette montagne. Livrez toutes ces choses aux nations… » L’Évangile, écrit Eusèbe,

nous a présenté « les images et les symboles de ces dons (il s’agit des faveurs réservées aux gentils), par l’onction mystique et par le sang du salut. » Ainsi l’huile et l’eucharistie sont le gage des grâces que Dieu promet à ceux qui useront bien de ces deux grâces. Et Eusèbe explique le verset suivant, 8, d’Isaïe : La mort ayant prévalu dévorera les hommes, mais Dieu retirera toute larme de tout visage et il enlèvera de toute la terre l’opprobre de son peuple… "Alors, écrit le commentateur, lorsque les saints régneront avec le Fils de Dieu, la mort elle-même qui, autrefois, les engloutissait sera totalement anéantie. Car à sa place ou contre elle (àvr’i ôè tojto-j) il y aura Vonclion qui sera faite sur toutes les nations {r, XP^’?’i v-iy_pi-T[i-ir] eΠ; 7ti’.ira xà k’Ovi, ). Ceux cjui seront oints de cette huile (/pio-Oi/TS ; -yàp x(î> /p ; (T(j.aTi) ne seront plus sujets à la mort, mais en possession de l’immortalité et de la vie éternelles, ils affaibliront et pour ainsi dire mettront à mort la mort. » A la rigueur, on pourrait entendre ces paroles de l’onelion du baptême, ce sacrement donnant droit au ciel. Il est plus naturel de songer soit à l’onction des malades, véritable antidote contre la mort, soit à une onction céleste. Si l’on admet la preinière hypothèse, Eusèbe est un témoin du sacrement des mourants, il le désigne expressément. Si l’on préfère la seconde, on aboutit à une conclusion semblable. L’onction du ciel, Eusèbe l’a dit, a une figure sur terre, il a parlé du sang du salut et de l’Iuiile mystique, le premier élément est une réalité bien connue, l’eucharistie, le second doit aussi être un rite chrétien, image et symbole de l’onction céleste. Kern, op. cit., p. 52, cite un second argument tiré d’une des quatorze homélies que Sirmond a publiées, sous le nom d’Eusèbe de Césarée. Dans celle qui. a pour titre : De la résurrection, on lit : Par ses parfums, Marie annonce la mort du Seigneur, « car une onction est faite sur les nations qui meurent, » c’est-à-dire sur les moribonds originaires de la gentilité. P. G., t. xxiv, col. 1111. L’allusion est brève, aucun contexte ne l’explique. Il faut avouer pourtant qu’en présence de ce texte, le lecteur p’jnsc naturellement à l’extrême onction. Mais quelle est l’origine et la valeur de cette homélie dont l’attribution à Eusèbe de Césarée est contestée ? Bardenhewer, Les Pérès de l’Église, trad. franc., F ; ris, 1905, t. II, p. 29. Notre ignorance sur ces deux points nous oblige à n’user de ce témoignage qu’avec réserve. Voir plus haut, col. 1530.

Plus digne de confiance est la déposition de saint .phraate. Dans sa Démonstration, xxiii, 3, Patrologia syriæa de Mgr Graffin, Paris, 1907, t. ii, p. 10, il énumère les divers usages de l’huile sainte. Elle est le symbole « du sacrement de vie qui parfait les chrétiens, les prêtres, les rois, les prophètes, illumine les ténèbres, oint les malades et réintroduit les pénitents. » Les rites auxquels fait allusion ce texte sont officiels (baptême, confirmation, ordination, sacre royal, onction prophétique du JMessie et de ses précurseurs, réconc liation de certains pécheurs). Il semble donc que l’etîusion d’huile dont parle Aphraate n’est pas un usage privé, mais ecclésiastique, .^ans doute le mot que nous tradui ons par sacrement n’a pas le sens précis que les docteurs du moyen âge lui ont donné, mais il désigne les nujstéres des chrétiens et non des actes de dévotion personnelle. L’emploi d’huile que le malade ou son entourage pouvait faire sans recourir au prêtre était une cérémonie l)rivée ou la demande d’un miracle, même si cette huile avait été consacrée par l’évêque ou par le prêtre. Les mots sacrement de vie, mystère, l’assimilation au baptême, à l’ordination, etc., s’appliquent mieux à la cérémonie reconnnandée par saint Jacques, à l’extrême onction. Cf. dom Parisot, dans Patrologia syriæa, Paris, 1894, t. I, p. LV, et art..’phra.te, t. i. col. 1462.