Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/316

Cette page n’a pas encore été corrigée

19 ; m

EXTREME ONCTION DU I" AU IX^ SIECLE

1932

roinplojiient de la pénitence a pu être confondue avec elle, les deux rites seraient désignés d’un niot.Demême qu’on dit aujourd’hui d’un chrétien cju’il est mort muni (les siicreincnls de l'Église, de même on a pu parler des iidèles qui quittaient cette vie réconcilies avec Dieu et la société chrétienne, dans des sentiments de pénitence, de piété, de dévotion, après avoir reçu les secours de la foi, etc. Ces expressions et d’autres semblables ne nous renseignent pas avec précision sur ce qui s’est passé et ne permettent pas d’affirmer la collation de l’extrême onction, mais n’autorisent pas non plus à hi mettre en doute ou à la nier. Les auteurs des récits de fins dernières ne disent-ils pas parfois qu’un fidèle a reçu le viatique, sans parler de la pénitence : on n’a pas le droit de conclure que le pardon des péchés n’a pas été accordé. Kern fait aussi cette juste observation. Op. cit., p. 23-24. Si l’on écarte tous les textes relatifs à la pénitence publique, il ne reste peut-être pas un seul témoignage clair des premiers siècles attestant qu’un mourant s’est confesse et a reçu l’absolution. Théologiens et historiens catholiques ne concluent pas que le pardon des péchés était refusé alors à tous les mourants. Et il est facile de comprendre que, si le silence a été gardé sur la pénitence, il l’a été aussi sur le rite cjui en est considéré comme le complément.

Parfois même l’extrême onction peut être désignée, mais sous ime forme équivoque. Les documents parlent des sacrements reçus par un malade ou un moribond. Ce pluriel ne dit pas exactement ce cjui s’est passé, mais oblige à conclure que le viatique ou la pénitence n’a pas été donné seulement. Un assez grand nombre d'écrivains font l'éloge de Vluiile sainte, de Vonciion sacrée et leur langage pas plus que le contexte ne permet de savoir s’ils pensent aux rites secondaires du baptême, à la confirmation, à la préparation à la mort, ou enfin à ces trois actes. On ne peut évidemment invoquer ces textes en faveur de l’extrême onction. Mais l’historien prudent est obligé de reconnaître que peut-être les anciens écrivains chrétiens ont fait allusion ou rendu hommage à ce rite en des phrases dont malheureusement il nous est impossible de préciser le sens.

II. Les quatre premiers siècles. Avant Innocent 1°. — l » Enseignements des Pères ; affirmations, allusions, indices. — Saint Irénée, Cont. Iiser., 1. I, c. XXI, n. 5, P. G., t. vir, col. G66, écrit : » D’autres gnostiques [marcosiens], pour racheter les fidèles prêts à quitter la vie, versaient sur leurs têtes de l’huile mélangée à de l’eau et prononçaient en même temps les invocations mentionnées plus haut. Ce qu’ils font afin cfue les morts ne puissent être saisis et retenus par les principautés et puissances supérieures et afin que leur homme intérieur monte plus liant d’une manière invisible. » Est-il vrai que, comme l’atfirme Kattenbusch, Realencyclopàdic, t. xiv, art. Œlung, p. 306, « seul le préjugé théologique a pu, avec Bellarmin, Binterim, Probst, etc., » voir aussi Schmitz, De cfjectibus sucramenti extremic unclionis, Fribourgen-Brisgau, 1893, p. 8-9, « conclure que, dans l'Église catholicjue, il y avait alors une onction des mourants qui aurait été imitée et déformée par les hérétiques ? » Évidemment, le texte cité ne suffit pas à démontrer l’existence de cette institution. Néanmoins, il est certain, saint Irénée lui-même l’affirme, que les gnostiques ont, dans leur culte, juxtaposé à des pratiques grossières et superstitieuses, à des cérémonies dérivées des mystères du paganisme, des rites chrétiens plus ou moins défigurés. Cf. Tixeront, Histoire des dogmes, t. I, p. 198. Puisque nous ne connaissons pas d'équivalent païen de l’extrême onction, on peut donc à bon droit se demander si la cérémonie marcosienne n’est pas une transposition du rite catholique destiné à sauver l'âme des péchés et du diable, à supprimer

les obstacles cjui l’empêcheraient d’accéder au paradis. Ailleurs, Cont. liœr., 1. II, c. xxxii, n. 4, ibid., col. 829, Irénée parle du charisme des guérisons. Les vrais disciples du Christ opèrent en son nom des miracles, « selon le don que chacun a reçu. » Les uns chassent les démons, d’autres prophétisent. « D’autres soignent par l’imposition des mains et rendent à la santé ceux qui soutirent de quelque maladie. » Ce texte qui ne parle pas de l’extrême onction vaut la peine d'être relevé avec soin. Il s’agit ici, manifestement, du pouvoir miraculeux que signale saint Paul : les expressions employées (qucmadmodum unusquisque acccpit donum ab eo) et l'énumération l'établissent d’une manière péremptoire. Or, c’est par l’imposition des mains et non par une onction cjue la faveur s’obtient, l’intervention des prêtres n’est pas requise, l’effet produit est extraordinaire. Impossible donc de confondre le charisme ainsi présenté avec le rite recommandé par saint Jacques.

Dans son Convncntaire sur Daniel (paru entre 200204), saint Hippolyte écrit, 1. I, c. xxxiii, édit. Bonwetsch et Achelis, Hippolijtus Werke, Leipzig, 1897, t. I, p. 44-45 : « C’est pourquoi, le cœur en éveil et menant une vie sage, imitez Susanne et usez des délices du paradis et profilez de l’ecm perpétuelle et failes disparaître toute souillure et sanctifiez-vous par l’huile céleste, afin que vous ofïriez à Dieu un corps pur et que vous allumiez vos lampes et que vous attendiez l'époux pour que, s’il frappe, vous le receviez et que vous louiez Dieu par le Christ. » Il faut reconnaître qu’il peut être question ici du baptême, de la rémission des péchés qu’il produit et des onctions qui le suivent. Pourtant, le commentaire ne s’adresse pas à des catéchumènes, mais à des chrétiens, ils sont invités à imiter Susanne, à mener une vie sage ; d’autre part, les fidèles sont sanctifiés par l’huile céleste afin d'être prêts, si l'époux frappe, à le recevoir. L’onction ici célébrée ne seraitelle pas celle des malades qui attendent leur Dieu ? Saint Hippolyte mentionnerait le baptême, la pureté de vie, la pénitence et le rite qui permet d’entrer en contact avec le Christ. Mais peut-être faut-il entendre d’une manière métaphorique l’huile de sanctification : il s’agirait seulement des grâces de l’Esprit-Saint. L'épisode de Susanne est, en effet, commenté par saint Hippolyte d’une manière allégorique. Cf. d’Alès, La tliéologie de S. Hippolijle, Paris, 1906, p. 125.

C’est encore un texte peu explicite, un indice, que Kern, op. cit., p. 54, relève dans TertuUien. De prwseriptionibus, c. xli, P. L., t. ii, col. 56. L’adversaire des hérétiques leur reproche de supprimer toute barrière entre hommes et femmes, fidèles et catéchumènes, païens et chrétiens. « Les femmes hérétiqucs^ elles-mêmes, comme elles sont elïrontées 1 Elles cjui osent enseigner, discuter, faire les exorcismes, promettre des guérisons et peut-être baptiser 1° Puis TertuUien reproche aux sectes de « confier à des laïques des fonctions sacerdotales. » Ainsi, d’après lui et d’après l'Église, car la violation de cette règle lui paraît une audace inouïe dont ses lecteurs comprendront la gravité, il y a des promesses de guérison qui ne doivent pas être clonnées par des femmes. Or, il ne s’agit pas ici de soins médicaux, TertuUien parle d’opérations strictement religieuses. Il n’est pas question non plus, semble-t-il, du charisme de guérison^ car, d’après TertuUien, ce don extraordinaire n’est pas réservé à la hiérarchie ; dans sa lettre < ; Scapiila, c. IV, P. L., t.ï, col. 703, il adlrme que le chrétien Proculus, surnommé Torpacion, avait autrefois guéri par une onction l’empereur Sévère ; il croyait donc que le charisme des cures miraculeuses ])0uvait être conféré à tout chrétien et profiter même à un païen. Mais il y a, semble-t-il, pour TertuUien, d’autres promesses de guérison que les femn^es ne peuvent pas faire, et qui.