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EXTRÊME ONCTION DANS L’ÉCRITURE


ment, d’uiu" manière ou d’une autre, le caractère d’une supplication. Telle est bien aussi la pensée de l’apôtre : que, les presbijlres prient sur le malade, l’oignant d’huile. lit pourquoi, tandis que les formules essentielles du baptême et de la cène sont toujours et partout les mêmes, liberté a-t-elle été laissée aux diverses Églises de recourir à des prières assez notablement différentes les unes des autres ? N’est-ce pas parce que, si l’Écriture fournit textuellement les paroles essentielles de la cène ou de l’initiation chrétienne, saint Jacques se contente de réclamer qu’une prière de foi sollicite la santé, le salut, le relèvement, le pardon des péchés ?

Déjà, nous l’avons montré, l’équivalence est complète entre la doctrine du concile de Trente sur les effets du sacrement des malades et l’enseignement de l’Épître sur les fruits de l’onction. D’une manière implicite, mais réelle, l’apôtre dit tout ce que nous croyons. Sur plusieurs questions, les théologiens se divisent : etïet premier du rite, reviviscence, mode de guérison. Or, précisément, ce sont des problèmes que n’a pas résolus saint Jacques et sur lesquels il ne peut être consulté. Son silence et les incertitudes des docteurs catholiques sur ces questions prouvent à leur manière la fidélité de l’Église à l’enseignement apostolique et son souci de ne pas le dépasser.

Le ministre du sacrement catholique, c’est l’évêque et le prêtre : le mot « presby tre » dont use saint Jacques légitime très bien notre usage. Dans les Églises orientales et chez les latins, là où il n’y a qu’un seul prêtre, on observe à la lettre la coutume apostolique. Même là 0Il la communauté compte plusieurs ministres et où un seul se présente, on reste fidèle à la pensée de saint .Jacques : il veut que la hiérarchie intervienne, elle intervient. Voir col. 1898 sq.

(".’est à des malades gravement atteints que, selon saint Jacques et l’Église, s’applique le rite. Et d’après l’apôtre, il faut qu’ils soient « au nombre des chrétiens, ’qu’ils appellent les prêtres, qu’ils confessent leurs péchés. Les théologiens reproduisent cette doctrine quand ils exigent du sujet de l’extrême onction la foi, une certaine intention, l’état de grâce. L’enseignement des docteurs est plus précis, ils distinguent validité et licéité. Mais ils ne s’écartent pas de la ligne tracée par l’Épître : ils ne font que la continuer toute droite. Les théologiens s’accordent à dire qu’il n’y a pas nécessité de moyen de recevoir l’extrême onction, mais qu’il y a obligation de ne pas la mépriser, obligation sur la gravité de laquelle ils ne parlent pas tous dans les mêmes termes. Or, précisément, saint Jacques ne s’exprime pas comme le fait le Nouveau Testament sur la nécessité du baptême et de l’eucharistie ; mais il montre qu’il attache à sa recommandation une grande importance pleinement justifiée par les effets précieux de l’action des presbytres.

Les divers rituels de l’extrême onction sont pourvus de prières d’origine ecclésiastique, sans doute, mais où s’enchâssent et se développent les pensées, parfois les expressions mêmes de saint.Jacques.

Enfin, l’Église enseigne que l’onction est un sacrement, c’est-à-dire un rite institué par Jésus afin de symboliser et de produire pendant toute la durée de la religion chrétienne la grâce sanctifiante. Or si saint Jacques ne dit pas en termes exprès que le Christ a ordonné de verser l’huile sur les malades, il demande aux presbytres d’agir au nom du Seigneur, conune le faisaient les prophètes : et on sait que ces derniers avaient reçu un mandat de Dieu. Le rite n’appartient pas à la religion juive ni à aucun autre culte du pays et du lieu : ou bien donc saint Jacques le tient de Jésus, ou bien il l’a inventé de toutes pièces. Disciple, frère du Christ, honnne intègre et souverainement estimé, auteur d’une Épître dont tout le contenu

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

s’harmonise avec des affirmations émises ailleurs dansla Bible, il ne peut être accusé en l’absence de preuve, d’avoir, sous aucun motif, falsifié la doctrine et la morale du Maître. Et s’il l’avait tenté, aurait-il osé présenter comme infaillible le rite imaginé par lui, , écrire que « l’oraison de la fo- : sauvera le malade ? » Il n’aurait pas été siîr de voir la prière exaucée, et puisque la santé était un des effets promis et attendus, la déception aurait pu être manifeste, la supercherie éventée. Aurait-il ajouté : » Le Seigneur relèvera le patient, » puisque Dieu ne saurait être lié par l’engagement d’un homme ?.4urait-il cru pouvoir dire enfin : « Les fautes seront pardonnées. » Il le savait : un homme n’a pas le pouvoir de remettre les péchés. Comme Juif, comme auditeur de Jésus, il connaissait cette doctrine. L’assurance de Jacques laisse entendrequ’il se croit en présence d’un ordre du Christ.

L’apôtre ne dit pas en termes exprès que la coutumede l’onction doit durer aussi longtemps que la religion chrétienne. Mais ce qu’il nous apprend de ce rite paraît entraîner cette conséquence. Les privilèges accordés à une personne privée, en tant que telle, disparaissent avec elle, car elle n’a pas d’héritiers : ce sont les presbytres, en tant que presbytres, c’est-à-dire en qualité de ministres publics, qui doivent oindre les malades : ils ont des successeurs, ce qu’ils font, d’autres peuvent l’accomplir après eux. Les dons accordés en vue des besoins qu’éprouve à un moment donné un individu ou une société n’ont plus de raison d’être, cet instant passé ; et c’est pourquoi, par exemple, les charismes primitifs, sans jamais cesser dans l’Église, ne se sont pas tous maintenus sous leur forme antique ; mais toujours il y aura des malades, toujours ils auront besoin de salut et de relèvement, à toutes les époques ils aspireront à la santé. Puisque, il’autre part, on pourra demain connne hier prier et trouver de l’huile, saint Jacques, s’il ne dit pas en termes exprés que l’onction des malades est une institution permanente, ne le nie pas et affirme tout ce qui motive et appelle son perpétuel maintien.

Ce rite symbolise la grâce : inutile de le démontrer longuement Saint Jacques ne nous apprend pas quelle était la prière récitée, mais il invite formellement à demander la guérison, et puisqu’il nomme ce qu’obtient la supplication du prêtre, c’est-à-dire le scdut, c’est donc que le salut est sollicité. L’apôtre ne met pas en relief le symbolisme de l’onction. Mais s’il choisit l’huile de préférence à un autre élément, c’est pour un motif spécial. Ce n’est pas parce qu’elle est un remède naturel. Il est alors permis de penser que c’est parce qu’elle fait penser à la guérison. La Bible montre dans l’huile un symbole d’allégresse, de douceur, d’abondance, de force, dans son efl’usion un rite qui consacre à Dieu une personne ou une chose. Le Nouveau Testament n’ignore pas ce symbolisme, puisqu’il parle d’onction au sens figuré.

Mais l’huile des malades est-elle un signe efficace de la grâce ? Saint Jacques montre dans le rite un acte cjui obtient le pardon des péchés et le salut, donc ceque nous appelons la grâce sanctifiante, le relèvement et en particulier la guérison, donc ce que les théologiens nomment grâce sacramentelle. Mais l’onction, est-elle l’instrument par lequel Dieu est engagé à produire ou par lequel il produit ces divers effets, en tl’autres termes agit-elle ex opère operaio ; ou, au contraire, obtient-elle la grâce à la manière de la prière et des bonnes œuvres, en raison des mérites du ministteou du sujet ? Il est facile d’établir que saint Jacques n’attribue pas aux dispositions ni aux actes du malade les eftets du rite : il ne mentionne expressément ni sa foi, ni sa piété, ni son innocence, il suppose mêmequ’il peut être chargé de péchés. Il recoaimande l’aveu des fautes ; mais il sait que Dieu seul les remet. Les

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