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EUCHARISTIE DU XVP AU X.V SIÈCLE


dictionnaire sur l’eucharistie exposent ces arguments, en les adaptant aux besoins intellectuels et aux méthodes plus critiques de notre temps. Ils peuvent donner une idée de l'état actuel de la théologie catholique sur la matière de l’eucharistie.

L’autorité ecclésiastique, tout en laissant les théologiens catiioliques défendre à leur manière, avec les armes de la foi et selon leurs propres forces, a veillé cependant à la profession et à la conservation intégrale de la doctrine définie par le concile de Trente. Elle a d’abord imposé cette doctrine à la foi de tous les maîtres de l’enseignement ecclésiastique et à tous les bénéficiers ayant charge d'âmes, dans la profession de foi dressée en 1564 par Pie I"V. Tous ceux qui la prononcent doivent croire, professer, enseigner et prêcher que l’eucharistie est un des sept sacrements de la nouvelle loi, institués par Notre-Seigneur pour le salut du genre humain et qu’elle confère la grâce ; qu’en elle le corps et le sang du Christ sont vraiment, réellement et substantiellement présents avec son âme et sa divinité ; qu’il y a conversion de toute la substance du pain dans le corps et de toute la substance du vin dans le sang, conversion que l'Église catholique appelle transsubstantiation ; enfin, que le Christ tout entier et que le vrai sacrement de l’eucharistie sont reçus sous une seule espèce. DenzingerBannwart, Enchiridion, n. 996, 997.

Dans la profession de foi que Benoît XW imposa en 1743 aux maronites qui rentraient dans l’unité de l'Église catholique, les définitions du concile de Trente sur le sacrement de l’eucharistie font partie de la doctrine qu’ils doivent professer pour être catholiques. La présence réelle et la transsubstantiation, telles qu’elles sont définies par ce concile, sont conformes à la foi qui a toujours existé dans l'Église de Dieu, et le Christ tout entier est contenu sous chaque espèce et sous chacune des parties des deux espèces, après la séparation. L’eucharistie est aussi un des sept sacrements institués par le Christ pour le salut de l’humanité et conférant la grâce. DenzingerBannwart, n. 1469, 1470.

Le concile janséniste de Pistoie avait distingué entre la doctrine de la foi sur le rite de la consécration et les questions scolastiques sur la manière dont le Christ est dans l’eucharistie ; il avait exhorté les curés, qui ont la charge d’enseigner, d'écarter de leur prédication les questions scolastiques, et il avait ramené la doctrine de la foi à ces deux propositions : 1. Le Christ, après la consécration, est vraiment, réel^ lement et substantiellement dans l’eucharistie ; 2. alors toute la substance du pain et du vin a disparu et il ne reste que les espèces seules. Dans la bulle Auclorem ftdei, du 28 août 1794, n. 29, Pie VI condamna ce sentiment du concile pour deux raisons : 1. parce qu’il ne mentionne pas la transsubstantiation, que le concile de Trente a définie comme un article de foi et qui est contenue dans la solennelle profession de foi de Pie IV ; 2. parce que, par cette omission inconsidérée et suspecte, il veut enlever de la prédication chrétienne un article de foi, un mot consacré par l'Église pour protéger la profession de la foi contre les hérésies, et parce qu’on tend par là à la faire oublier, comme s’il s’agissait d’une question purement scolastique. Pour ces motifs, la doctrine du concile de Pistoie est pernicieuse, elle déroge à l’exposition de la vérité catholique touchant le dogme de la transsubstantiation et elle favorise les hérétiques. DenzingerBannwart, n. 1529.

Dans le décret Lamentabili, porté par le SaintOffice le 3 juillet 1907, une des propositions condamnées, la 45", a trait à l’institution de l’eucharistie et à la preuve qu’on tire en sa faveur du récit de cette institution fait par saint Paul. I Cor., xi, 23-25.

M. Loisy, Autour d’un petit livre, Paris, 1903, p. 237 » avait écrit : « Je ne puis faire ici la critique des récits de la dernière cène. Le plus complet est celui de saint Paul ; mais, quand on l’examine de près, il est assez malaisé de distinguer rigoureusement ce qui peut venir de la tradition primitive, ce qui peut être la relation du dernier repas, d’après ceux qui y avaient assisté, du commentaire théologique et moral que l’apôtre en a fait. Saint Paul est le théologien de la croix, de la mort rédemptrice, et il interprète visiblement, d’après sa théorie de l’expiation universelle, la cène commémorative de la mort. » Il semble bien que ce passage a fourni la matière de la 45" proposition formulée en ces termes : Non omnia, quee narrai Pendus de inslitutione eucharislix, historiée sunt sumenda. Denzinger-Bannwart, n. 2045. La contradictoire : « Tout ce que Paul raconte touchant l’institution de l’eucharistie est à prendre historiquement » est donc vraie. Sur la pensée définitive de M. Loisy relativement au contenu et à la signification de la tradition primitive touchant la dernière cène, voir Les Évangiles synoptiques, Ceffonds, 1908, t. ii, p. 531541 ; Simples réflexions sur te décret du Saint-Office Lamentabili sane exitu et sur V encyclique Pascendi dominici gregis, Cefi : onds, 1908, p. 89-90.

Mode de la présence réelle et de la transsubstantiation.

Quoique les théologiens catholiques admettent comme des vérités définies la présence réelle

de Jésus-Christ et la transsubstantiation du pain et du vin au corps et au sang du Sauveur, ils n’expliquent pas ces deux dogmes de la même manière, et il s’est produit, dans l'École, des opinions différentes, qui prétendent se concilier toutes avec la foi, mais dont quelques-unes ne peuvent s’accorder avec la véritable doctrine de l'Église.

1. Mode de la présence réelle.

a) Les disciples de saint Thomas et de Duns Scot sont demeurés fidèles aux sentiments, précédemment exposés, de leurs maîtres. Ils les ont présentés à leur manière, avec plus de subtilité, sans apporter des lumières nouvelles en un sujet si mystérieux. Les écoles thomiste et scotiste sont restées en face l’une de l’autre ; elles ont rompu des lances l’une contre l’autre, sans parvenir à faire avancer d’un pas la science théologique. J. Schwane, Histoire des dogmes. Période des temps modernes, trad. Degert, Paris, 1904, t. vi, p. 602-605, signale, comme ayant été spécialement traitée à cette époque, « la question des rapports de la substance du corps et du sang du Christ avec les espèces du pain et du vin qui restaient, mais dépouillées de substance. Les scotistes ne reconnaissaient qu’une union morale entre la substance du corps du Christ et les espèces du pain. A la suite de Duns Scot, ils n’admettaient qu’un rapport simplement local entre le corps du Christ et les accidents du pain. Il en résultait que le prêtre ne transportait pas le corps du Christ, mais seulement les espèces, et c'était Dieu qui mouvait ce corps conformément aux mouvements des espèces, produits par le prêtre. Cî. Dupasqmcv, De lranssubstantiatione, q. v, concl. 2 ; Krisper, De sacr., dist. XVIII, q. iii, n. 11. Plusieurs thomistes, pour écarter les conséquences de celle opinion qui réduisaient les lonctions du prêtre au transport des espèces sacramentelles, prétendirent qu’il existait entre ces espèces et le corps du Christ une union plus intime. Viva, De eucharistia, disp. IV, q. VI, l’appelait p/iysii/ue ; les carmes de Salamanque, De eucharistise sacraniento, disp. VI, dub. ii, § 2, n. 1215 ; § 3, n. 17, lormclle, et Gonct, Clypeus tlwmisticus, De sacramento eùcharistiæ, disp. V, a. 2, § 3, n. 62, simplement miraculeuse. C’est une union intrinsèque, comme l’union hypostatique, qui est indissoluble du côté des espèces ; seul, le Christ pourrait la rompre par un acte de volonté libre qu’il ne fait pas tant que