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EXTRÊME ONCTION DANS L'ÉCRITURE

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cèdt’iil ? Plusieurs exégètes et un grand nombre de théologiens ne le croient pas. Ils expliquent, comme se rapportant à un même tout, l’extrême onction, les phrases : « Quelqu’un est-il malade parmi vous, qu’il appelle les prêtres de l'Église et que ceux-ci prient sur lui, l’oignant d’huile au nom du Seigneur ; et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le soulagera, et s’il a des péchés, ils lui seront remis. » La recommandation suivante : « Confessez donc… " serait un conseil nouveau, tout à fait détaché du précédent. Avec plusieurs commentateurs, nous n’hésitons pas à penser que cette interprétation est inadmissible. Sans doute, dans l'Épitre de saint Jacques, le lien entre les diverses sentences n’est pas toujours très apparent, presque toujours pourtant un observateur perspicace l’aperçoit. Ici, la conjonction r/n semble nous avertir que la plirase : Confessez dosc vos péchés est la conclusion de la précédente. L’auteur a employé plusieurs autres fois ce mot. Il écrit : « Hommes et femmes adultères, ne savezvous pas que l’amitié du monde, c’est l’inimitié de Dieu ? Quiconque donc (ojv) veut être ami du monde se pose en ennemi de Dieu, » iv, 4 ; et ailleurs, iv, 6, 7 : « …Dieu résiste aux orgueilleux ; aux humbles il donne sa grâce. Soumettez-vous donc (oiv) à Dieu. » La conjonction lie très étroitement les propositions entre lesquelles elle est un véritable trait d’union. Dans deux autres cas, iv, 17 ; v, 7, la connexion entre des phrases où se trouve o-jv et celles qui précèdent est moins visiljle : les interprètes néanmoins ne renoncent pas et parviennent à la saisir.

Ici d’ailleurs, les idées plus encore que les mots s’appellent. De quoi est-il parlé aux versets 14 et 15'? Des malades, de la prière faite en leur faveur, de son eflicacité, de la rémission de leurs péchés. Quel est l’objet de la proposition suivante'? « Confessez vos péchés les uns aux autres et prie : les uns pour les autres afin que vous soyez guéris, la prière fervente du juste peut beaucoup. » C’est toujours le même liième : inqjossible de le nier.

Les interprètes qui veulent isoler ces tleux développenients ne parvieunent pas à expliquer d’une manière naturelle comment saint Jacques passe d’une idée à l’autre. Fromond, In Epistolam catliolicam B. Jacobi apostoli commentaritt, Migne, Scriplurte sacræ cursus, Paris, 1840, t. xxv, col. 728, dit : Saint Jacques, par les mots : « Si le malade a commis des péchés, rémission lui sera accordée [par la prière et l’onction des presbytres], » enseigne que l’iiuile remet en certains cas les fautes même graves involontairement oubliées. Mais comme d’ordinaire, on doit les accuser, il ajoute : Corifessez donc vos péchés. Cette explication ne se dégage pas du texte. Van Steenkiste, Commentarius in Epistokis calholicas, édit. Camerlynck, Bruges, 1909, p. 72, propose cette transition : « Puisque la prière de la foi unie à l’onction est si efficace en faveur de la guérison des infirmes et de la rémission des péchés, je vous exliorte à recourir au secours d’une sainte intercession même en d’autres circonstances : Priez les uns pour les autres afin que vos fautes vous soient remises et qu’ainsi vous parveniez au salut, car elle est puisscaite la prière fervente du jusle, par exemple, celle qu’il adresse pour la conversion du pécheur. Mais afin que vos frères soient engagés à prier pour le salut d’autrui, rien n’est meilleur que la confession humble et sincère que vous leur fuites de vos fcaites. L’adverbe crgo se rapporte donc directement à orale pro invicem et indirectement à confitemini. » Tout cela est peu naturel, compliqué, invraisemblable. L’auteur a senti la faiblesse de ce raisonnement, il ajoute : « Nous ne parvenons pas à découvrir comment confesser ses péchés est la conclusion directe de ce qui précède. A moins qu’on ne dise pourtant : le malade se confessera au prêtre qui, à cette occasion, priera pour lui. »

Dernier tort des interprètes qui ne font pas du verset 16 la continuation du conseil donné aux malades. Dans la phrase : « Priez les uns pour les autres afin que vous soyez guéris, otto)? îaBîiTs, » ils voient une invitation à demander la conversion des péchiurs. Van Steenkiste, op. cit., p. 73. Il le faut bien, puisque d’après eux il ne s’agit plus des malades. Or rien n’autorise à prendre ici au sens figuré le mot guérir ; le verset précédent s’oppose à cette interprétation arbitraire, et les exégètes qui l’adoptent aboutissent à une conclusion étrange : au verset 15 sauver signifierait guérir, et au verset 16 guérir signifierait sauver. Il est beaucoup plus naturel, il est nécessaire de laisser à chacun des deux mots son sens propre.

Force est donc de considérer connue faisant partie des recommandations adressées aux malades le conseil : « Confessezvous, etc. » Avant d’essayer de découvrir le sens du morceau, il convient d'écarter une explication suggérée à Estius et à certains théologiens catholiques par des préjugés d'école. In IV Sent., pars post., p. 4. Croyant que la rémission des péchés véniels est le principal effet de l’extrême onction, ils veulent retrouver cette idée dans saint Jacques. Il faut donc que cet effet soit toujours produit. Et ces commentateurs prétendent que la préposition si n’a aucune force conditionnelle dans la phrase : Si le malade a commis des péchés. De même on lit ailleurs : « Si je suis Père, où est l’honneur qui m’appartient ? » Mal., I, 6 ; « 5( pourtant il est juste devant Dieu qu’il rende l’aflliction à ceux qui vous afiligent… ; > I Thes., i, 6 ; « Si quelqu’un manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu… » Jac, i, 5. Dans ces divers exemples, si ne marque pas une condition, les phrases ont une valeur absolue ; Dieu est Père ; … la punition des persécuteurs est juste ; nous manquons tous de sagesse. Donc, conclut Estius, il en est de même ici. L’extrême onction d’aïu'ès saint.Jacques remet toujours des fautes vénielles.

Cette argumentation est sans valeur. Dans les passages de l'Écriture cités par Estius, s ; traduit la conjonction ù suivie de l’indicatif : la grammaire et le contexte montrent qu’il n’y a pas une véritable proposition conditionnelle ; si a le sens de puisque. Ici, au contraire, saint Jacques emploie y.av avec le subjonctif : le sens n’est pas douteux. Rien n’indique d’ailleurs que l’apôtre parle exclusivement de fautes légères ; au contraire, la phrase est générale ou si, comme le soutiennent beaucoup de commentateurs, elle vise une catégorie spéciale de péchés, ce sont les transgressions graves. Cf. Kern, op. cit., p. 70. C’est donc à la lettre qu’il faut entendre la promesse, elle est conditionnelle.

Si le malade a conuiiis des péchés… Le sens du parfait grec ici employé est très clair : quelqu’un se trouve avoir commis des péchés, ils restent, sont sur sa conscience. Beaucoup de tliéologiens et d’exégètes catholiques estiment qu’il s’agit plus probablement, sinon certainement, de fautes graves. Bellarmin, De e.vlrema unclione, 1. I, c. u ; ^chmilz, De effectibus sacramenti extremæ unctionis, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 71 ; Kern, op. cit., p. 70. Puller, op. cit., adopte ce sentiment, pousse l’idée jusqu’aux extrêmes conséquences et en tire tout un système. Op. cit., p. 23 sq. La forme conditionnelle, disent les partisans de cette interprétation, ne s’expliquerait pas ou s’expliquerait moins bien s’il était fait allusion ici à des fautes vénielles : tous les hommes n’en commettent-ils pas ? Et saint.Jacques n'écrit-il pas dans son Épître : « Nous péchons tous en beaucoup de choses, » iii, 2.

Connue l’observe très bien M. Boudinhon, La théologie de l’extrême onction, dans la Revue catholique des Églises, Paris, 1907, t. ii, n. 7, p. 391 sq., la frontière entre les pecccda gravia et les autres n'était pas