Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/288

Cette page n’a pas encore été corrigée
1875
1876
EXTASE


du corps ou de la fixité du regard, qu’elle soit pro- _ duite par la concentration de la pensée sur un objet, ' qu’elle se manifeste sans cause naturelle apparente, | ou qu’elle soit la conséquence de certains états de, faiblesse, de certaines maladies, l’extase produit des j effets que nous avons à connaître, puis à juger.

l » Sur le corps. — 1. Immobilité. — Le corps souvent garde la position dans laquelle l’extase l’a saisi, il s’y trouve comme figé : on a comparé des extatiques à ; des>tatues de marbre : slatua marmorea, disait-on' de sainte Madeleine de Pazzi ; l’historien de Denys le Chartreux écrit que, dans l’extase, il avait l’immobilité de la mort, moriuus et imniobilis, et l’on comparait saint Pascal Baylon à un homme cloué au sol. Imbert Gourbeyre, La stigmalisaiion, t. II, p. 248. On lit dans sainte Thérèse : « Dans le temps même du ravissement, le corps est comme mort et dans une totale impuissance ; il reste dans la position où il a été surpris, debout ou assis, les mains ouvertes ou fermées. » Vie, c. xx. Le corps immobile garde parfois sa flexibilité, les membres ne sont ni raides ni flasques, mais mobiles et légers, fexibilitas cerea ; ils prennent et gardent l’attitude qu’on leur donne. Ils peuvent même continuer un mouvement qu’on leur a imprimé, le bras qu’on a fait remuer continue à osciller. D’autres fois, le corps de l’extatique demeure rigide comme une barre de fer : Christine de Stumbele, Elisabeth de Spalbeck, sainte Catherine de Sienne, sainte Françoise Romaine gardaient pendant leurs extases une entière rigidité, elles étaient comme pétrifiées ; le confesseur de Marie Bagonesi écrit : Ssepe ipsam reperi in modum pelrie rigidam et exiensam ioiam. La sligmalisation, t. ii, p. 250 sq.

2. Insensibilité.

L’insensibilité extatique peut être complète : le tact, l’ouïe, l’odorat, le goût ne manifestent plus aucune impressionnabilité, les commotions les plus fortes, les plus douloureuses incisions ne sont pas perçues. Il semble que l'âme « congédie les sens pour s’envoler vers ce qu’elle aime, délaissant ce qu’elle anime. » Marie d’Agréda, Cité mystique, part. J, 1. I, c. III, n. 26. Cette insensibilité peut être partielle : une des convulsionnaires de Saint-Médard, la Sonnet, appelée la Salamandre, se couchait audessus et même au milieu des flammes, sans éprouver la moindre douleur ; elle y demeurait parfois si longtemps qu’elle s’y endormait ; ses souliers, la semelle de ses bas brûlaient, elle ne sentait rien. Carré de Montgeron, La vérité sur les miracles du diacre Paris, t.' III, p. 708. Les cas" d’insensibilité totale ou partielle sont très^ ; nombreux :. ImbertGourbeyre, La stigmatisation, Vu, p. 254 sq., en cite quelques-uns const ; ités chez saint' ! Joseph de Cupertino, " sainte Catherine' de Sienne, sainte Colette, sainte Françoise Romaine, lai Bs « Osanne, Ursule Benincasa, * etc. ; la voyante de^ Lourdes ne sentait pas la flamme du cierge qui léchait ses doigts. Les expériences de Pierre Janet montrent que, dans les maladies nerveuses, l’insensibilité partielle est très fréquente ; ce fut l’erreur des siècles passés de la regarder comme un stigmate du diable, comme aussi d’en faire un critérium de la sorcellerie.

3. Cris.

Parfois, au moment où il est saisi par l’extase, le patient pousse un grand cri, suivi d’un long gémissement, accompagné, dans certaines circonstances, d'(toufi’ements et d’un bruit de craquement d’os. Les bollandistes disent de saint Joseph de Cupertino : Prorumpebat primum in allum ejulatum, deinde vcro in vehrmentem planctum. Acta sanctorum, au 18 septembre, p. 1020, n. 25 ; cf. n. 37, 38 ; le saint interrogé déclara que ce cri était un cri d’amour^ de^ Dieu. A’oir Benoît XIV, De servorum Dei bcatificationc, 1. V, c. xlix, n. 11. Sainte Françoise

Romaine poussait, vers la fin de l’extase, des gémissements qui venaient du regret qu’elle éprouvait de quitter la vision céleste. Acta sanctorum, au 9 mars. Le cri subit, on l’entend aussi au début des crises hystériques et épileptiqucs, cri de terreur qui effraie, mais jamais le cri maladif n’est suivi du calme céleste dont parle si bien sainte Angèle de Foligno : « Quand l'âme commence à sentir le feu divin, il s'élève de son fond une clameur et une rumeur. C’est à peu près ce qui arrive aux pierres dans une fournaise, quand on veut les réduire en chaux. Au premier contact du feu, elles crient, mais quand la réduction est opérée, elles s’apaisent et se taisent. Ainsi l'âme d’abord crie contre Dieu et se lamente… Puis quand, unie à Dieu, elle est établie sur la vérité qui est son siège, on n’entend plus ni cris ni plaintes. » Trad. des Études, 20 décembre 1910, p. 810.

4. Expression du visage.

On a signalé bien des fois avec quelle mobilité et quelle vivacité certaines personnes expriment les diverses hallucinations gaies, tristes, religieuses ou profanes qui surgissent dans leur esprit, sous l’influence de la maladie ou de la suggestion. Les yeux levés, dans une attitude de religieuse admiration, elles voient, semble-t-il, le ciel s’ouvrir ; ou bien c’est une indicible horreur que reflètent leurs traits. La troisième période de l’attaque hystérique a été nommée celle des attitudes passionnelles.

Le visage des saints, dans l’extase, est transfiguré ; les yeux largement ouverts, pour l’ordinaire, sont fixés au ciel, la physionomie prend les expressions les plus diverses : joie, bonheur, amour, pitié, larmes, douleur, effroi, toutes les passions humaines s’y reflètent avec une intensité admirable. Sainte MarieMadeleine de Pazzi, pâle ordinairement, était, pendant l’extase, d’une beauté angélique. Acta sanctorum, au 25 mai, p. 258, n. 46. Marie de Moerl, la stigmatisée du Tyrol, Louise Lateau, Bernadette, eurent de ces extases triomphantes qui transformaient et illuminaient leurs visages ; haletantes d’admiration, elles semblaient aspirer le ciel et leurs traits n'étaient plus de la terre. Benoît XIV, De servorum Dei beatificatione, 1. IV, c. xxvi, n. 14, affirme que, si l’on voulait compter les faits semblables qui se trouvent dans la vie des saints, on n’en finirait pas.

5. Phénomènes lumineux.

Il arrive parfois que la splendeur qui illumine le visage des saints, brille aussi sur leurs mains ; le fait se lit dans la vie de sainte Geneviève, Acta sanctorum, au 3 janvier, p. 142, n. 44 ; de saint Philippe de Néri, ibid., au 26 mai, p. 585, n. 361 ; de saint îMarien de Ratisbonnc, ibid., au 7 février, p. 367, n. 77 ; de saint Columba, Montalembert, Les moines d’Occident, t. iii, p. 124, et de plusieurs autres ; sur leurs pieds, cf. Gcerres, Mystique, 1. IV, c. vu ; elle se dégage de tout leur être, elle éclaire l’obscurité : sainte Zite a beau s’enfermer dans le lieu le plus retiré de sa maison, on voit, pendant la nuit, des rayons lumineux s'échapper de sa retraite, Acta sanctorum, au 27 avril, p. 208, p. 17 ; saint Arsène apparaît tout en feu pendant l’oraison, ibid., au 19 juillet, p. 622, n. 13, et l’on raconte le même prodige de saint Fintan et de saint Comgall, comme aussi de saint Facond et de saint François de Borgia. Ibid., au 17 février, p. 19, n. 18 ; au 10 mai, p. 581, n. 3 ; au 12 juin, p. 131, n. 25 ; au 10 octobre p. 285, n. 223.

Au lieu d'émaner du corps, la lumière peut être extérieure et rayonner d’une source invisible ; des globes enflammés, des traînées éclatantes environnent l’extatique d’une auréole. Le B. Ambroise de Sienne prêchait ; une clarté céleste vient se poser sur sa tête et l’illumine jusqu'à la fin du discours. Acta sanctorum au 20 mars, p. 191, n. 53. Ribet cite d’autres