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EXPLICITE ET IMPLICITE


croyance explicite est nécessaire à l’égard des principaux mystères, des vérités concernant la vie future ; il faut également la connaissance explicite de quelques prières essentielles, principalement du Paler, et des sacrements que l’on doit recevoir. Cf. S. Thomas, Sum. IheoL, IIa-IIæ =, q. ii, a. 5-8. Les autres vérités, les autres pratiques peuvent n’être admises qu’implicilemen ! , c’est-à-dire d’accord avec l’Église, en croyant tout ce qu’elle croit et en étant prêt à accomplir tout ce qu’elle commande. Tel est l’enseignement traditionnel. Les vérités, que nous avons l’obligation de croire explicitement, peuvent être dites, à cause de cela même, en un certain sens, fondamentales ; mais ce n’est point le sens que les protestants ont attaché aux articles fondamentaux. Voir ce mot, t. i, col. 2026. Cf. Franzelin, De tradilione, th. xxiii, n. 3. On ti’ouvera ces notions à l’art. Foi.

Révélation implicite ou explicite.

La notion de

la révélation implicite ou explicite fonde toute la théorie du progrès du dogme. Voir Dogme, t. iv, col. 1606-1647.

La distinction entre les vérités dont la croyance explicite est de nécessité de précepte, et celles dont la croyance implicite suffit, engendre cette conclusion immédiate : au début, la révélation chrétienne a dû proposer explicitement, c’est-à-dire expressément, en termes propres ou équivalents, les principaux mystères et ce qui est nécessaire au chrétien pour opérer son salut ; elle a pu — et c’est un fait démontré par l’étude des origines — ne proposer d’autres vérités que d’une façon implicite. Le progrès du dogme s’applique donc surtout à ces dernières vérités, dans lesquelles, quant au sens même que recouvrent les formules du dogme, il y a passage de l’implicite à l’explicite. Cf. Dogme, t. iv, col. 1575.

1. Les théologiens ramènent à trois les manières implicites dont une vérité est contenue dans une autre : généralement, formellement, virtuellement.

a) Une vérité est contenue dans une autre d’une manière implicite, mais simplement générale, lorsque cette autre ne comporte aucune détermination particulière qui puisse faire pressentir la vérité implicitement contenue : par exemple, le mystère de la Trinité est implicitement contenu dans la notion de Dieu. Un tel passage de l’implicite à l’explicite constituerait dans le dogme un progrès, mais non plus in codera sensu ; ce n’est donc plus le développement normal du dogme. Un pareil développement suppose une nouvelle révélation.

b) Une vérité est contenue dans une autre d’une nianière implicite formelle, quand elle y est comprise comme les parties dans le tout, le particulier dans l’universel. On l’en extrait sans le secours d’un moyen terme : c’est une déduction immédiate ; par exemple, de cette proposition générale : Le pape est le vicaire du Clirist, on déduit immédiatement cette autre, qui est de foi, comme la première : Pie X est le vicaire du Christ. Dans un tel passage, il y a, à proprement parler, le développement dogmatique, tel que l’admet la doctrine catholique, parce que, selon la définition du concile du Vatican, le dogme progresse in eodem sensu eademque sententia. Const. De fide calholica, c. IV, Denzinger-Bannwarth, n. 1800. Voir Dogme, t. IV, col. 1647.

c) LTne vérité est contenue dans une autre d’une manière implicite virtuelle, lorsqu’il faut faire appel, pour l’en déduire, au secours d’un moyen terme. Ce n’est plus le développement dogmatique, mais theologique qui use de ce procédé, et l’on aboutit simplement à des conclusions Ihéologiques, contenues virtuellement dans le dogme lui-même. Exemple : la science humaine parfaite du Christ qui se déduit du dogme de l’incarnation par le moyen terme de la vision béatiflque.

Certains auteurs pensent qu’une vérité virtuellement renfermée dans un dogme peut devenir article de foi, par la promulgation de l’Église ; parce que ce qui, par rapport à nous, serait resté toujours virtuellement implicite, n’est point tel pour l’Église qui bénéficie de l’assistance du Saint-Esprit. Voir de Grandmaison, Développement du dogme chrétien, dans la Revue pratique d’apologétique, 19()S, t. ii, p. 895. Il semble qu’il y ait ici confusion : l’Église, même avec l’assistance du Saint-Esprit, ne peut pas faire qu’un moyen tenne ne soit nécessaire ou non pour déduire une vérité. Or, si l’on est obligé d’employer un moyen terme, c’est-à-dire de déduire, par un raisonnement proprement dit, la vérité nouvelle, ce n’est plus la révélation seule, mais la raison qui entre en jeu, et la vérité que l’on déduira ainsi sera le résultat d’un développement théologique, mais non dogmatique. Ce sera une vérité logiquement connexe à la révélation, mais non une vérité révélée. L’exemple de l’immaculée conception ne prouve rien contre cette affirmation : on a objecté que ce dogme ne pouvait être formellement implicite dans la tradition, sans quoi « la simple exposition des termes aurait dû rendre cette contenance manifeste. » Il faut répondre : autre chose est l’identité ou la convenance réelle des termes d’une proposition générale et de la proposition particulière qu’elle renferme d’une manière formelle implicite ; autre chose est la connaissance que nous avons de cette identité. Le sens exact et complet d’une vérité révélée peut, pour être parfaitement connu, demander un long travail d’investigations et de discussions. Tel a été le cas de l’immaculée conception, qu’il faut considérer comme une vérité formellement contenue dans le dogme de la pureté parfaite de Marie. Voir Dogme, t. iv, col. 1576-1577.

Le passage de l’implicite à l’explicite, lorsqu’il s’agit de ces vérités, contenues dans le dépôt de la révélation, comporte ordinairement trois stades, que le cardinal Franzelin a analysés. De tradilione, th. xxiii, n. 4. 1° stade : croyance purement implicite, ou simplement pratique, sans mélange d’aucune controverse ; 2 « stade : période de controverse où, sous les coups des arguments pour et contre, la vérité s’obscurcit, jusqu’à ce que, grâce à l’assistance de l’Esprit-Saint, on arrive, dans l’Église, à une croyance explicite sur le point en litige ; 3 « stade : consécration de cette croyance explicite par le magistère extraordinaire de l’Église, ou encore (plutôt théoriquement) par le simple magistère ordinaire. ::

2. Quant aux vérités dont la croyance a dû être explicite dès le début, parce que nécessaire de nécessité de précepte (ou de moyen), il faut admettre, sous peine de contradiction, que la proposition de ces dogmes a dû être, au moms dans ce qu’ils ont d’essentiel, explicite dès l’origine. Peut-on cependant, pour ces dogmes fondamentaux eux-mêmes, parler de passage de l’implicite à l’explicite ? Oui, mais en n’appliquant pas la qualification d’implicite au sens de dogme, c’est-à-dire à ce qui, dans le dogme, est l’objet de l’acte de foi, mais soit à des modalités accidentelles, soit surtout à la formule définitive du dogme qui est contenue implicitement dans la croyance primitive explicite. Le passage de l’implicite à l’explicite est donc ici le passage de la simple croyance à la définition précise. Voir Dogme, t. iv, col. 1603. Le P. Billot, De immutabilitate traditionis, 2e édit., Rome, 1907, c. II, § 2, a mis au point les trois stades par lesquels passent ainsi les dogmes, même fondamentaux.

— i « ’stade : simple croyance, où les premiers chrétiens se contentaient de professer la foi reçue directement des apôtres. C’est à cet état de simple croyance qu’il faut rapporter les premières confessions relatives à la Trinité, S. Ignace, Ad Magn.,