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EXORCISTE


fail de cette arrogance féminine se conçoit certes mieux, étant donné que l’exorcisme n'était pas, parmi les hommes, une fonction réservée à quelques-uns. Origènc, il est vrai, parle des « démons que beaucoup de chrétiens expulsent des corps, » voir Exorcisme, col. 1773 ; mais la restriction que semble impliquer cette manière de dire vise sans doute les charismes, qui n'étaient pas donnés à tout le monde ; elle ne vise pas, elle ne peut pas viser la distinction entre clercs et laïques, puisque, au même endroit, Conl. Celsum, 1. VII, n. 4, P. G., t. XI, col. 1425, la puissance de la grâce et la faiblesse des démons sont précisément mises en relief par cette circonstance que ce sont les gens les plus simples qui chassent les démons, sans qu’il soit besoin pour cela de sages ou de savants théologiens.

Peu de temps après Tertullien, l’emploi du terme exorciste a déjà évolué vers une acception plus restreinte. Dans une lettre à Fabius d’Antioche, dont Eusèbe, H. E., vi, 43, P. G., t. xx, col. 621, nous a conservé des fragments, le pape saint Corneille, 251-253, écrivait, à propos du schisme de Novatien, P. L., t. III, col. 768 : « Il ignorait donc, ce champion de l'Évangile, que, dans l'Église catholique (de Rome), il ne peut y avoir qu’un évêque ? Tandis qu’elle a — il le savait, et, comment ne l’aurait-il pas su ? — quarante-six prêtres, sept diacres, autant de sous-diacres, quarante-deux acolytes, des exorcistes et des lecteurs avec des portiers au nombre de cinquante-deux. » Cjiiieille rangeait donc la fonction ou la dignité des exorcistes dans la même catégorie que celles des autres 'iiinistres ou dignitaires énumérés par lui, y compris les diacres et les prêtres ; il en faisait un ordre. C’est le texte le plus ancien où nous trouvions explicitement mentionnés les sept ordres qui sont aujourd’hui en usage dans l'Église latine. Les deux premiers seulement de la série septénaire, le presbytérat et le diaconat sont contemporains des origines du christianisme. La chose est certaine, puisque tous les autres sont ignorés des écrivains du Nouveau Testament et des témoins de la tradition apostolique ; elle a été sole ; iiiellement reconnue dans cette défense, promulguée par Urbain II au concile de Bénévent, de 1091. « Que personne ne soit promu à l'épi scopat, s’il ne conste qu’il a vécu religieusement dans les ordres sacrés. Or nous appelons sacrés le presbytérat et le diaconat, parce que ce sont les seuls qu’on lise avoir existé dans la primitive Église. » Le sous-diaconat et les quatre ordres mineurs firent leur apparition successivement en partie au début du iii'e siècle, en partie déjà au iif. Les exorcistes sont mentionnés sur les monuments chrétiens. Voir col. 322. Le pseudo-IV » concile de Carthage suppose tous ces ordres passés dans la pratique générale, et trace à l'évêque ordinateur les règles à suivre pour l’administration de chacun d’eux. Carthage (/ y co/icz7e de), t. ii, col. 1810. Son 7 « canon est ainsi conçu : « Quand un exorciste est ordonné, l'évêque, en lui remettant le livre où sont inscrites les formules de l’exorcisme, dit : Accipe et commenda memorieeethabe potestatem imponendi manus super enerfjiimenos, sine baplizalos, sive calechumenos. » Ce sont les paroles qui, actuellement encore, d’après le Pontifical romain, doivent servir à la collation du même ordre. D’ailleurs, l’institution d’une catégorie spéciale de clercs exorcistes n’empêcha point que l’exorcisme continuât, pendant quelque temps, à être pratiqué par d’autres qu’eux, tant laïques que clercs. Aujourd’hui, en principe, les clercs d’un ordre supérieur, tous les prêtres en particulier, parce qu’ils ont reçu et possèdent éminemment l’ordre d’exorciste, peuvent aussi en remplir le ministère. J’ai dit en principe, car, dans beaucoup de diocèses, sinon dans la plupart, des statuts particuliers subordonnent sagement l’exercice de

cette fonction à l’autorisation préalable de l'évêque. C’est ainsi que le concile provincial de Vienne, de 1858, fit. IV, c. X, Colleclio lacensis, t. v, col. 186, 187, après avoir signalé les très graves inconvénients de la précipitation en pareille matière, exige, pour chaque cas, une permission écrite de l’ordinaire.

Qu’il n’y ait pas toutefois sur ce point de disposition canonique générale, c’est ce qui ressort clairement d’une réponse de Benoît XIV aux évêques de Pologne. Ceux-ci s'étaient plaints de ce que des réguliers exorcisaient sans leur permission. Le pape leur fit observer qu’il n’avait pas connaissance d’une défense portée par eux, mais qu’ils pouvaient et devraient porter cette défense, dont lui-même alors aurait soin d’assurer l’observation. Ajoutons encore que la discipline de l'Église latine n’est pas sans offrir des traces de quelques fluctuations concernant l’ordre d’exorciste. Ainsi, dans un traité De septem ordinibus Ecclesiæ, qui nous a été conservé sous le nom de saint Jérôme, P. L., t. xxx, col. 148-162, on ne mentionne ni les acolytes ni les exorcistes et l’on indique, en revanche, l’ordre des « fossoyeurs » , comme le plus bas parmi les ordres mineurs. Saint Pierre, compagnon de martyre du prêtre saint Marcellin sous Dioctétien et Maximien, en 302, est peut-être le plus ancien exorciste dont l’histoire ecclésiastique nous ait conservé le nom. Voir Laderchi, Basilic. SS. Marcellin. et Pelri. Saint Paulin de Noie rapporte que saint Félix, après avoir exercé l’ordre du lectorat, fut élevé à celui d’exorciste. Saint Martin fut ordonné exorciste par saint Hilaire, au témoignage de SulpiceSévère. Vita S. Martini, v. On n’est pas d’accord sur la question de savoir si l’accomplissement des exorcismes préparatoires au baptême était une fonction réservée aux exorcistes.

En Orient, l’ordre des exorcistes, s’il a été connu comme tel, ne l’a été ni partout ni toujours. Les historiens ne sont pas d’accord, non plus que les canonistes, sur la portée de ce canon 26 du concile de Laodicée (vers 360) : ott oO 6îî ilopxt'Çetv tou ; p.r Tcpoayôivxaç ùtio èTtiaxdiro-j. Denys le Petit a traduit : Quod hi qui non sunt ab episcopis ordinati, tam in ecclesiis quam in domibus exorcizare non possinl. Mais il est permis de se demander si c’est bien d’ordination que parle le texte grec, et Probst pense qu’on n’y a en vue que les infidèles à catéchiser. Cf. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 1014. Quoi qu’il en soit, les Constitutions apostoliques, qui ont été composées en Syrie vers l’an 400, cf. Funk, Didascalia et Conslit. apost., t. i, p. xix, rangent les exorcistes au nombre des simples ministères ecclésiastiques, non seulement en dessous des évêques, des prêtres, diacres, sous-diacres et lecteurs, qui constituent des ordres au sens strict et reçoivent leur pouvoir propre par une ysipoTovîaou imposition des mains, mais à la dernière place parmi tous ceux, confesseurs, viergesou veuves, pour qui il n’y a point de yeipotovc’a. Il est dit expressément Const. apost., 1. VIII, 26, édit. Funk, t. I, p. 529 : « L’exortiste n’est pas ordonné (par imposition des mains), cette récompense des combattants dépendant de la libr'^ et généreuse volonté et de la grâce de Dieu par le Christ dans la présence du Saint-Esprit ; car une révélation divine fait connaître celui qui a reçu lecharisme des guérisons, et la grâce qui est en lui devient manifeste pour tous. Que si l’on a besoin de lui comme évêque, prêtre ou diacre, alors il est ordonné. « Cette constitution du pseudo-Clément a été tout à la fois interprétée et résumée parBarhebrœus, Nomocanon, vii, 8, Mai, Scriptorum vet. nova cotlectio, t. X, p. 52, en ces termes : « Que l’exorciste ne soit pas constitué tel par imposition des mains, mais uniquement par l’ordre et la ijerniission de l'évêque. » A partir du vi<e siècle, les Orientaux, qui n’avaient ja-