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EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE


pain ou du vin. Qu’il dise que le corps est avec, dans ou sous le pain, ces mots, dans sa pensée, ne constituent pas une explication ; et la preuve en est qu’il les emploie indistinctement l’un ou l’autre. Ainsi, dans l’Apologie de la Confession d’Aigsbourg, a. 10, Mclanchthon résume en ces termes la croyance à la présence réelle : « Nous défendons la doctrine reçue dans toute l'Église, que dans la cène du Seigneur il y a vraiment le corps et le sang du Christ et qu’ils sont donnés avec les choses qui se voient, à savoir le pain et le vin. » Tittmann, op. cit., p. 124. Les Articles de Smalkalde, a. 6, s’expriment autrement : « Le pain et le viii, à la cène, sont le vrai corps et le vrai sang du Christ. » Ibid., p. 253. Le Petit catéchisme se sert de la formule suivante : « Le sacrement de l’autel est le vrai corps et le vrai sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ sous le pain et le vin. » Ibid., p. 296. Le Grand catéchisme a une formule différente : « Le sacrement de l’autel est le vrai corps et le vrai sang de NotreSeigneur Jésus-Christ dans et sous le pain et le vin. » Ibid., p. 423. Les documents postérieurs ne sont pas plus clairs ; la Formule de concorde dit simplement : « Nous croyons, enseignons et confessons que, dans la cène du Seigneur, le corps et le sang du Christ sont vraiment et substantiellement présents, et qu’ils sont vraiment distribués et reçus avec le pain et le vin. » Ibid., p. 461.

Luther a cependant tenté une explication ; et, pour faire comprendre comment le corps du Christ peut être présent avec le pain, il a eu recours à la curieuse théorie de l’ubiquité : dans le Christ, la nature humaine étant inséparablement unie à la divinité, elle se trouve partout comme la divinité elle-même. Cf. Bossuet, Histoire des variations, 1. II, 41. Mais cette explication ne fut jamais pleinement admise dans le luthéranisme et n’a trouvé place dans aucun document officiel. On aima mieux se contenter d’affirmer la présence réelle, tout en maintenant la permanence du pain et du viii, sans se soucier de concilier ces deux affirmations.

2. Le dogme.

Il est exprimé dans le canon 2 ainsi conçu :

Si quis dixerit, in sacroSi quelqu’un dit que, sancto eucharistiae sacradans le très saint sacreinento remanere substanment de l’eucharistie, il restiam panis et vini una cum te la substance du pain et corpore et sanguine Domidu vin avec le corps et le ni nostri Jesu Christi, negasang de Notre-Seigneur Jévcritque mirabilem illani sus-CIirist, et nie cotte merci singularem conversioveilleuse et unique convernem totius substantiae pasion de toute la substance nis in corpus et totius subdu pain au corps et de toute stantiæ vini in sanguinem, la substance du vin au sang, manentibus dumtaxat spequi ne laisse subsister que ricbus panis et vini, quam les apparences du pain quidem conversionem cæt du viii, conversion que tliolica Ecclesia aptissime l'ÉglisecatholiqueappelIedu Iranssubstantiationem apnom très approprié de transpellat, anathema sit. Densubstantiation, qu’ilsoitanazinger-Bannwart, n. 884. thème.

Le c. IV ajoute l’affirmation de la croyance permanente de l’Eglise à cette doctrine.

Deux choses sont définies dans ce canon : a) Après la consécration, il ne reste plus ni pain ni viii, mais seulement les apparences du pain et du vin. — Il ne reste plus ni pain, ni vin. Ainsi le dogme catholique échappe à cette incompréhensible hypotiiôse de la dualité des substances, dans laquelle Luther s'était trouvé enfermé et qu’il avait vainement tenté de rendre acceptable. Ainsi surtout, il sauvegarde absolument le sens littéral des paroles de l’institution, comme le remarque le c. iv : Christus… corpus suum id, quod specie panis offerebal, vere esse dixil. Quand Jésus dit : ceci est mon corps, c’est déna turer ses paroles que de les traduire, comme le faisait Luther, par : ceci contient mon corps, '"mon corps est sous ce pain, ce pain est mon corps ; et ce fut, en effet, une des faiblesses de l’argumentation de Luther contre les sacramentaires. Bossuet, Histoire des variations, 1. II, 31-35. Le sens littéral exige que ce que Jésus présente à ses disciples ne soit plus du pain, mais seulement son corps.

Rien n’est changé cependant quant aux apparences : c’est une vérité d’expérience. Le poids, la couleur, le goût, la résistance au toucher, la composition chimique ou les actions physiques demeurent les mêmes ; les sens qui ne perçoivent que les phénomènes continuent à percevoir, sans se tromper, du pain et du vin ; mais à ces apparences correspond une réalité nouvelle et non perceptible, que la foi seule nous fait connaître : le pouvoir divin des paroles consécratoires a mis à la place du pain et du vin le corps et le sang de Jésus-Christ.

Que s’est-il donc passé?

b) Il s’est fait un changement de la substance du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ ; et, ce changement, l'Église l’appelle du mot très approprié de trcuissubstanlialion. — Pour expliquer cette doctrine sans sortir de la pensée du concile, il importe de pas perdre de vue deux observations qui, utiles pour l’exposé de tous les dogmes, le sont particulièrement en une matière aussi mystérieuse que celle-ci ; la première est que le concile n’a pas voulu trancher les questions débattues entre les théologiens catholiques ; la seconde est qu’il n’a pas voulu canoniser une philosophie, ni river le dogme à un système.

Soit avant que le concile ait défini le dogme de la transsubstantiation, soit depuis, les théories théologiques qui ont essayé de pénétrer davantage le mystère ont été nombreuses, et les divergences entre elles souvent très accusées. Billot, De Ecclesiæ sacramentis, 4e édit., Rome, 1906, 1. 1, p. 333-345. Parmi elles, il en est qui se tiennent plus près des termes de la définition conciliaire, d’autres qui s’en écartent assez notablement, surtout en ce qui touche la notion de conversion. Le concile n’entre dans aucune théorie et n’impose aucun système ; les discussions conciliaires ne laissen à cet égard aucune incertitude, puisque, dans la seule séance du 21 septembre 1551, nous retrouvons cette affirmation répétée jusqu'à trois fois par le cardinal-légat, par l’archevêque de Sassari et par celui de Grenade, Theiner, t. i, p. 502, 504 ; puisque, dans la congrégation générale du 9 octobre, l'évêque de Bitonto, parlant au nom de la commission qui avait rédigé les canons, y revient plusieurs fois, en réponse aux observations qui lui étaient faites par des membres du concile. Theiner, t. I, p. 526. Toutes les théories seront donc orthodoxes, pourvu qu’elles satisfassent aux exigences du dogme et qu’elles sauvegardent ces deux vérités : après la consécration, il n’y a plus ni pain ni viii, mais le corps et le sang du Christ ; la consécration opère le changement de la substance du pain et du vin au corps et au sang du Christ.

On en peut dire autant des systèmes philosophiques. Le concile ne connaissant que la philosophie scolastique, c’est à elle qu’il emprunte les mots mêmes par lesquels il formule le dogme ; la définition qu’il donne de la transsubstantiation est presque la transcription littérale d’un passage de saint Thomas, Sum. theot., 111% q. Lxxv, a. 4. La doctrine a donc été exposée en fonction de la philosophie scolastique, et on ne peut nier qu’elle aide, mieux que toute autre philosophie, à saisir la pensée du concile et à ne s’en point écarter dans les explications qu’on voudrait donner du dogme. Mais l'Église ne prétend point s’immiscer