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EXORCISME


prière qu’est accordée par Dieu la fuite des démons, et, à cause de sa sainteté, elle obtient facilement de son divin Époux cette grâce, comme toute autre grâce : c) cette même Église semble avoir reçu un pouvoir spécial de commander aux démons, car, dans l’ordination des exorcistes, elle communique à ceux-ci ce qu’elle appelle une puissance, et elle désigne apparemment par ce nom autre chose qu’une simple faculté ou mission de prier solennellement et à titre officiel. Toutefois Dieu peut avoir, dans chaque cas particulier, d’excellentes raisons, connues de lui seul, de s’opposer au départ des démons, et ainsi le pouvoir d’exorciser ne saurait être efficace sans conditions. On conçoit du reste que, dans la fixation de ces conditions, Dieu accorde une attention particulière aux qualités et aux dispositions tant du ministre que du patient. Rien d'étonnant donc que l'Église aussi, dans ses prescriptions relatives à l’exorcisme, insiste sur la conduite irréprochable de l’exorciste, sur le recours au jeûne et à la prière, expressément recommandés par NotreSeigneur, sur la multiplication des signes de croix, sur l’emploi des reliques, de l’eau bénite, etc., sur la nécessité de commander à l’esprit malin et de lui commander au nom de Dieu. Voir Exorciste.

Exorcismes préparatoires au baptême.

L'Église,

qui a, dès le ii° ou le ni"-e siècle, établi un ordre distinct de clercs en vue des exorcismes, a aussi, de bonne heure, nous l’avons vu parla doctrine de saint Cyrille de Jérusalem, introduit, pour tous les catéchumènes adultes ou enfants, les exorcismes préparatoires à la régénération baptismale. Ce n’est pas assurément qu’elle vît dans tous les non-baptisés autant de possédés au sens rigoureux du mot, ou qu’elle crût, par cette cérémonie particulière, pouvoir suppléer ou prévenir l’effet propre du sacrement. Mais tout péché, soit actuel, soit originel, constitue celui qui en est entaché dans une véritable dépendance à l'égard du démon, encore que les marques de cette servitude n'éclatent pas nécessairement aux yeux. Satan voit, il est en droit de voir dans tous les pécheurs des compagnons de malice et de malheur, appelés à partager son sort éternel, à devenir les sujets de cet empire maudit dont il est le chef. « Quiconque commet le péché, dit Notre-Seigneur, Joa., viii, 34, est l’esclave du péché. » Pareillement, il est l’esclave du démon, premier auteur du péché et inspirateur de tout péché ; il est pris, dit saint Paul, Eph., vi, 11, dans « les embûches du diable ; » il tombe « dans le filet du diable. » I Tim., III, 7 ; II Tim., ii, 26. Bien plus, Notre-Seigneur et les apôtres nous attestent que les pécheurs « ont le diable pour père, » qu’ils sont ses « fils » , « issus de sa race. » Joa., VIII, 44 ; Act., xiii, 10 ; I Joa., iii, 8, 10. Cette dangereuse accointance avec le prince de l’enfer ne saurait, dans un catéchumène, être rompue, détruite, que parle sacrement même du baptême ; c’est le baptême seul qui, d’un « enfant de colère » , Eph., ii, 3, d’un fils du diable, peut faire un enfant de grâce, un fils de Dieu et de l'Église. L’exorcisme, qui précède le rite sacramentel proprement dit, nous apparaît comme une représentation anticipée de son effet principal, qui est la délivrance du péché et, par conséquent, la délivrance du joug du démon. Voir t. ir, col. 1984. De là vient que saint Augustin, dans la controverse avec les pélagiens, a maintes fois allégué, Episl., cxciv, n. 46, P. L., t. xxxiii, col. 890 ; Contra Julian., III, 8, P. L., t. xxxiv, col. 705, l’application de l’exorcisme aux enfants, comme une des preuves du péché originel. Voir t. ii, col. 195-196. Mais, outre sa portée symbolique, l’exorcisme baptismal a une double efficacité préparatrice au baptême : il écarte les obstacles qui viendraient du démon et produit dans le sujet les dispositions requises. Ce point de doctrine est encore très bien mis en lumière par

saint Thomas, Sum. theol., III', q. lxxi, a. 3 : » Quelques-uns, dit-il, ont prétendu que les rites de l’exorcisme ont une signification, mais ne produisent rien. Cette opinion est erronée, car l'Église se sert, dans les exorcismes, de formules impératives pour refouler la puissance du démon, par exemple, quand elle dit : Sors donc, diable maudit, etc.D’où il faut conclure que les exorcismes produisent un effet, différent pourtant de celui que produit le baptême même : par le baptême, l’homme reçoit la grâce pour la pleine rémission de ses fautes, tandis que les rites de l’exorcisme écartent deux obstacles à la réception de la grâce salutaire. Le premier obstacle, externe et consistant dans les efforts du démon pour s’opposer au salut de l’homme, est écarté par les souffles purificateurs, expulsifs de la puissance diabolique, suivant la parole citée de saint Augustin, De sijmbolo, 1. I, c. i : Parvuli exsufflanfur et exorcizantur, ut pellatur ab eis diaboli potestas inimica, quse decepil homincm ; il est écarté, dis-je, de telle sorte qu’il n’empêche point la réception du sacrement. Mais la puissance du démon sur l’homme, quant à la tache du péché et à l’obligation d’en porter la peine, subsiste jusqu'à ce que le péché soit effacé par le baptême ; et c’est en ce sens que saint Cyprien dit : « Sache que la malice du diable peut demeurer jusqu’au bain salutaire ; dans le baptême, par contre, toute méchanceté disparaît. » Le second obstacle est interne et consiste en ce que, par suite de l’infection du péché originel, les sens de l’homme sont fermés à la perception des vérités du salut. C’est pourquoi Raban Maur dit. De institulione dcricorum, 1. I, c. xxvii, a que la sagesse et la puissance divines opèrent le salut du catéchumène par la salive symbolique et le contact du prêtre, en ouvrant les narines pour faire percevoir la bonne odeur de la connaissance de Dieu, en ouvrant les oreilles pour faire entendre les commandements de Dieu, en éveillant au fond du cœur les sentiments qui nous font répondre à la grâce. » Dans le Rituel romain, sous les deux titres : Ordo baptismi parvulorum, Ordo baptismi adultorum., nous retrouvons, prescrites pour l’exorcisme, la plupart des cérémonies que saint Cyrille de Jérusalem et d’autres anciens connaissaient déjà et qu’ils ont commentées. Après les premières interrogations et les premières réponses, qui aboutissent à la constatation du désir d'être baptisé, le prêtre souffle légèrement, à trois reprises, sur le visage du postulant, en prononçant ces paroles explicatives du geste : « Sors de lui, esprit impur, et cède la place au Saint-Esprit Paraclet. » Il devra tracer un grand nombre de signes de croix sur la tête et sur toute la personne du catéchumène, et il en ouvre immédiatement la série, en le signant sur le front et sur le cœur. Ensuite, il lui impose les mains, ' pour signifier la descente de la grâce et des dons célestes ; il lui introduit entre les lèvres quelques grains de sel préalablement bénit, symbole de sagesse ; du bout de son doigt, humecté d’un peu de salive, il lui touche les narines et les oreilles, en redisant le mot de NotreSeigneur : Ephphetha, pour entr’ouvrir ses sens aux choses du salut et les fermer aux suggestions et aux inlluences du démon ; enfin, lui ayant fait déclarer qu’il renonce à Satan, à ses pompes et à ses œuvres, il l’oint d’huile sur la poitrine et entre les épaules, comme pour le fortifier, à la manière des athlètes antiques, en vue des luttes à venir. Mais surtout il multiplie les invocations à Dieu et les adjurations et objurgations au démon. A celui-ci il dit, par exemple : « Je t’exorcise, esprit immonde, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, pour que tu sortes et t'éloignes de ce serviteur de Dieu N. Celui qui te le commande, être maudit et damné, c’est celui-là même qui a marché sur les flots de la mer et qui a soutenu Pierre, commençant à s’y enfoncer. Par conséquent, diable mau-