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EXORCISME


doute, non^'pas toutefois du genre humain, mais de l’erreur. » Des déclarations de même portée se rencontrent dans le De idololalria, c. xi, et dans le De prasscriplionibus, c. xli. Voir Exorciste.

Minucius Félix n’est pas moins catégorique. Dans son Oclavius, c. xxvii, P. L., t. iii, col. 339-340, nous lisons : « Ce sont là choses sur lesquelles la plupart d’entre vous savent que les démons entrent en aveu chaque fois que, par les flammes de la prière et la torture des paroles, ils sont chassés des corps. Saturne lui-même, et Sérapis et Jupiter, et tous les démons objets de vos hommages proclament, vaincus par la douleur, ce qu’ils sont ; et assurément, surtout en votre présence, ils ne mentiront pas pour leur propre déshonneur. Quand ils confessent qu’ils sont des démons, croyez au témoignage véridique qu’ils rendent d’euxmêmes. Adjurés au nom du Dieu unique et véritable, ils commencent, malgré eux, à trembler dans les corps misérables qu’ils occupent, et alors ou ils en sortent immédiatement, ou ils disparaissent par degrés, selon que la foi du patient y aide et que la grâce du guérisseur est agissante. Ainsi, ils fuient épouvantés la présence de ces chrétiens que, de loin, dans vos assemblées publiques, ils maltraitaient. »

Ce que Tertullien et Minucius Félix attestent de la terreur que les chrétiens inspiraient aux démons, des « tourments » que la parole des exorcistes leur infligeait, Lactance le répétera encore, au ive siècle, en nous parlant de ces esprits qui « hurlent, tourmentés et torturés par la vertu de la divine puissance ; » mais, avant lui, et plus proche de Tertullien, un autre Africain illustre, saint Cyprien, l’avait redit, avec une grande précision de détails. Ad Demclriamim, c. xiv, XV. P. L., t. IV, col. 574-575 : « Rougis de rendre un culte à ceux dont tu es toi-même le défenseur ; rougis de demander protection à ceux dont tu es, toi, le protecteur. Ali 1 si tu voulais les entendre et les voir, quand, adjurés par nous, fustigés des fouets spirituels, soumis aux tourments des paroles (perborum lormentis), ils sont expulsés des corps qu’ils possédaient ; quand, avec des gémissements et des hurlements de voix humaine, sentant les coups et les flagellations de la puissance divine, ils confessent le jugement futur ! Viens et constate la vérité de ce que nous aflirmons. Et, puisque ce sont là les dieux que tu prétends honorer, crois au moins ceux que tu honores ; ou si tu veux t’en rapporter aussi à toi-même, il parlera du dedans de toi. et tu l’entendras, celui qui enserre actuellement ton intérieur, celui qui a jeté sur ton âme la nuit aveuglante de l’ignorance. Tu les verras, immobiles et enchaînés devant nous, trembler comme des captifs, en notre présence, ceux que tu acceptes et que tu vénères comme des maîtres. Assurément, alors, au moins, tu pourras avoir honte de tes terreurs, quand tu auras vu et entendu tes dieux avouer incontinent, en réponse à nos interrogations, ce qu’ils sont, et ne pouvoir, en dépit de votre présence, dissimuler plus longtemps leurs prestiges et leurs tromperies. »

Nous retrouvons des attestations analogues chez saint Hilaire de Poitiers, In ps. lxiv, n. 10, P. L., t. ix, col. 419 r « Une fois le diable bouleversé, dit-il, tous ses ministères de terreur le sont également, et le fracas même des puissances ennemies, qui faisait trembler les nations, en ressent un tremblement. Rappelons-nous les accents cadencés des devins, les cris désordonnés des bacchantes ; rappelons-nous ces statues d’airain qui parfois ont émis je ne sais quel bruit mal défini, troublant pour les âmes des auditeurs ; rappelons-nous enfin l’univers entier retentissant du chant des cérémonies profanes. Et maintenant que Jésus-Christ a été annoncé au monde, tout se tait, tout est confondu et chancelant ; car ces divinités des temples païens sont ch.îtiées par la puissance des fidèles ; elles sont tour mentées, déchirées, bridées par les paroles des croyants. Un mot retient, punit, chasse ces êtres invisibles et in compréhensibles pour nous ; les devins sont réduits au silence, les temples sont muets. « Les nations seront « troublées et craindront, « dit le psalmiste, et cela parce cpi’elles verront leurs dieux muets ou ne poussant que des gémissements de douleur lorsque nous leur imposons les mains. »

On voit, par ces dernières paroles, que l’imposition des mains faisait partie des rites de l’exorcisme. Le même détail nous est certifié par le diacre Paulin, en deux endroits de sa Vie de saint Arnbroise. Il raconte, en effet, op. cit., c. xxviii, P. L., t. xiv, col. 36, que le saint archevêque, « dans le temps où il habitait à Florence la maison de Decens, personnage chrétien important, guéril, par de nombreuses prières et par l’imposition des mains, le jeune flls de son hôte, que l’esprit impur tourmentait. » Il écrit pareillement, ibid. ; c. xLiii, col. 42 : « Dans ces jours, nous avons vii, par son commandement accompagné de l’imposition des mains, une multitude de personnes délivrées des esprits impurs. » En revanche, d’après Sulpice Sévère, Dialog., iii, c. vi, P. L., t. xx, col. 215, saint Martin, pour ses fréquents exorcismes, ne se serait astreint à aucun cérémonial déterminé. « Le bienheureux, dit-il, habitait un monastère situé à deux milles de la ville. Or, chaque fois qu’il mettait le pied hors de sa cellule pour venir à l'église, vous auriez vii, dans toute l'église, les énergumènes se mettre à crier et à trembler, comme feraient, devant leur juge, des troupeaux de criminels. C’est au point que les gémissements des démons annonçaient l’arrivée de l'évêque aux clercs, qui n’en avaient pas été informés par ailleurs. J’ai xii, à l’approche de Martin, un démoniaque se soulever et demeurer suspendu en l’air, les bras étendus, de telle sorte que ses pieds ne reposaient pas sur le sol.^Quand Martin entreprenait d’exorciser des possédés, il ne touchait personne de ses mains, il n’adressait à personne des mots de reproche, à la différence de la plupart des clercs, qui déversent un torrent de paroles. Une fois les énergumènes amenés, il ordonnait aux autres de se retirer ; puis, les portes fermées, revêtu d’un cilice et couvert de cendre, il priait, étendu par terre au milieu de l'église. Alors, vous auriez vu ces malheureux agités de diverses façons : les uns étaient soulevés et suspendus en l’air, les pieds en haut, sans que cependant leurs habits vinssent à retomber sur leurs visages et à découvrir leurs corps de manière inconvenante ; d’un autre côté, vous en rencontriez qui, inquiets et tourmentés, alors que personne ne les interrogeait, confessaient pourtant leurs crimes. Ils révélaient aussi leurs noms spontanément, celui-ci avouant qu’il était Jupiter, celui-là Mercure. Finalement, vous auriez vu tous les ministres du diable, tourmentés avec leur chef ; de sorte qu’il nous faut reconnaître en Martin l’accomplissement de ce qui est écrit : Quoniam sancti de angclis judicabunl. »

Relativement aux procédés usités dans l’exorcisme, il ne sera pas inutile de noter encore, surtout à raison du rôle attribué à la crosse de l’abbesse, quelque chose de ce qui se lit dans la vie de sainte Euphrasie, religieuse du commencement du ve siècle. Je reproduis, d’après les Acta sanctorum du 13 mars, un passage assez caractéristique. La sainte, à qui on avait amené une malheureuse démoniaque, s’adressant au démon : « Dieu te le commande, dit-elle, sors de cette femme ; car, si je prends la crosse de l’abbesse, je t’en fustigerai. Et le démon résistant et refusant de s’en aller, Euphrasie saisit la crosse et dit : Sors, ou je te frapperai, n’en doute pas. Il répondit : Comment pourraisje sortir d’elle ? J’ai conclu avec elle un pacte, et il m’est impossible de l’abandonner. Sans hésiter donc, Euphrasie se mit à frapper ; ce qu’ayant fait trois fois,