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ÉVÈQUES. QUESTIONS THÉOLOGIQUES ET CANONIQUES


moins dans l'Église latine ; car, quoique l’administration de la confirmation soit un acte de l’ordre épiscopal, le fait de nommer un délégué pour l’imposition du saint-chrême est un acte du pouvoir de juridiction qui dépend du souverain pontife, lequel peut le limiter et même le supprimer tout à fait. Cf. Sebastianelli, loc. cit., p. 163. 'oir Confirjiation.

Quant au sacrement de l’ordre, il relève également du pouvoir propre de l'évcque qui en est le ministre ordinaire, quoique, de la même manière que pour la confirmation, le souverain pontife puisse déléguer un simple prêtre, à titre de ministre extraordinaire, pour conférer la tonsure, les ordres mineurs et même le sous-diaconat, lesquels sont seulement d’institution ecclésiastique. Il est en outre incontestable que la collation de l’ordre de la prêtrise est exclusivement réservée aux évêques. Mais faut-il en dire autant du diaconat ? Le doute s’impose, à l’occasion de la bulle Exposcil d’Innocent VIII, du 27 avril 1489, dans laquelle le pape reconnaît à l’abbé général des cisterciens et à quatre autres abbés principaux, du même ordre, entre autres, ceux de Clairvaux et de Morimond, le pouvoir de conférer les ordres du sous-diaconat et du diaconat. Cette bulle se trouve dans la collection des bulles de l’ordre des cisterciens, par Henriquez, n. 121, et Clément VIII semble avoir tenu pour authentique la constitution d’Innocent VIII, dans son bref du 30 janvier 1604 à l’abbé des cisterciens ; et que ledit privilège ait passé en usage chez les cisterciens, on pourrait le conclure de leur rituel, édité en l’an 1721. Mais en revanche, plusieurs canonistes discutent l’authenticité de ladite bulle, et, comme le fait observer Sebastianelli, loc. cit., p. 167, il semble étonnant que, si les cisterciens furent bénéficiaires d’un pareil privilège, ils se soient, depuis plus d’un siècle, abstenus d’en user, sans qu’aucune révocation n’ait intervenu de la part des pontifes romains ; en outre, Gasparri, De sacra ordinalione, afïirme qu’il a rencontré, dans les archives du Vatican, l’original de la bulle en question, mais qu’il n’y est pas fait mention du diaconat. Pour tout ce qui regarde les diverses conditions de validité et de licéitô dans l’administration du sacrement de l’ordre, voir Ordres.

2. Quant aux sacramentaux, il faut distinguer ceux qui sont d’ordre sacerdotal, c’est-à-dire ceux qui sont administrés avec l’aspersion de l’eau bénite, et ceux qui sont d’ordre proprement épiscopal, c’est-à-dire ceux qui sont administrés avec l’onction des saintes huiles. Pour ce qui touche les premiers, conmie ils ont quelque analogie avec les sacrements, le ministre ordinaire en est le simple prêtre. Toutefois, parmi ces sacramentaux, quelques-uns exigent, dans celui qui les administre, outre le pouvoir d’ordre, le pouvoir de juridiction ; et certains d’entre eux se trouvent réservés aux évêques, à savoir, les bénédictions majeures et plus solennelles, telles que les bénédictions de cloches de vases sacrés, et d’abbés. Pour ce qui a trait aux sacramentaux d’ordre épiscopal, comme ils présentent une certaine analogie avec les sacrements d’ordre et de confirmation, le propre ministre en est l'évêque, au moins de droit ecclésiastique, et, sans un induit spécial du souverain pontife, l’administration de ces sacramentaux ne peut être confiée à un simple prêtre : telles sont, outre le sacre des rois, les consécrations d'églises et d’autels. Cf. Vecchiotti, Insliluliones canonicæ, Turin, 1886, 1. II, § 53 sq. ; E. Berardi, Praxis con/essariorum, Pavie, 1899, t. iii, p. 92 ; Sebastianelli, loc. cit., p. 195.

Pouvoir de juridiction.

A propos de la juridiction épiscopale, il y a des canonistes qui soutiennent

que les jjouvoirs de l'évêque s'étendent dans la mesure même où ils leur sont confiés par le souverain pontife. Mais cette manière de dire n’est pas exacte, car les

évêques "jouissent d’un véritable pouvoir ordinaire, dans leur diocèse, et ils ne sauraient être considérés comme de simples vicaires du pontife romain. D’autres établissent la règle générale que l'évêque jouit, ^', dans son diocèse, des mêmes droits que le souverain pontife, vis-à-vis de l'Église universelle, à l’exception de ceux que le saint-siège s’est spécialement réservé. Or là encore se trouve une erreur, car, ainsi que s’expriment plusieurs textes du droit, par exemple, c. 2, til. iii, 1. I ; c. I, tit. VII, Exlravaganles de Jean XXII, les évêques ne peuvent rien contre les dispositions du droit commun et les décrets des conciles généraux ; et ce serait le renversement de l’ordre de la hiérarchie ecclésiastique, si les évêques pouvaient dispenser des lois générales de l'Église, c’est-à-dire les inférieurs visà-vis des lois du supérieur, chaque fois que ce droit de dispense n’aurait pas été spécialement réservé ; d’autant plus que, comme l’observe Fagnan, Commentariuni in libros Decrelalium, Venise, 1765, 1. 1, tit. xvii, c. viii, la coutume des saints canons et des conciles est presque toujours de prescrire ou de défendre simplement ce qu’il faut faire ou ce qu’il ne faut pas faire, et rarement d’en venir à la prohibition de la dispense. Cf. Benoît XIV, De synodo diœcesana, c. i. Il est donc plus juste de prendre une règle moyenne entre ces deux opinions extrêmes, et de dire, d’une manière générale, que l'évêque peut exercer tous les droits qui répondent à l’utilité et à l’intérêt de son diocèse, exceptés ceux qui concernent l'Église universelle, ou ceux qui, soit par retrait, soit par exemption, ont été réservés à une autorité supérieure. Cf. Sebastianelli, loc. cit., n. 202. Or quels sont, en particulier, les droits que comporte la juridiction des évêques ? On peut les réduire à trois principaux : le droit d’enseigner, le droit de gouverner et le droit d’administrer.

1. Pouvoir d’enseignement.

L'évêque, en sa qualité de membre du magistère universel, a le droit d’assister au concile général, et, sous la direction de l’autorité infaillible du pontife romain, de prendre part aux définitions dogmatiques ou disciplinaires. Mais, comme pasteur privé, il ne peut rien définir lui-même, touchant les questions de foi ou de discipline, ne jouissant pas, en effet, du privilège personnel de l’infaillibilité. Cependant, en sa qualité de docteur et de gardien de la foi, il peut et doit user de son autorité pour enseigner les vérités définies, et proscrire, soit en dehors du synode diocésain, soit dans le synode, les erreurs déjà proscrites par le saint-siège. En outre, l'évêque, en sa qualité d’inquisiteur et de défenseur de la foi, peut condamner les opinions, contraires à la saine doctrine, qui sont répandues dans son diocèse, dénoncer et mettre à l’index les publications, livres, journaux et feuilles périodiques qui propagent des nouveautés en matière de foi, ou des maximes dangereuses pour les bonnes mœurs ; à cet efi’et, il peut décréter des peines ecclésiastiques, et procéder, contre les délinquants, comme délégué du siège apostolique, même s’il s’agit des réguliers exempts, c. ix, tit. vii, 1. V ; const. Dei Filius, du concile du Vatican ; const. 0/ficiorum ac munerum, 25 janvier 1897. Bien plus, il appartient à l'évêque d’examiner tous les livres qui se publient dans son diocèse à propos de questions de foi, de discipline ecclésiastique et de liturgie, et même aucun livre de ce genre ne peut s’imprimer sans son autorisation ; et les religieux-auteurs ne sont pas dispensés de cette loi, étant obligés, en effet, d’obtenir l’imprimatur de l'évêque en même temps que celui du supérieur dont ils dépendent. Cf. const. cit. de Léon XIII. Ofjiciorum et numerum. Voir Index. Toutefois l'évêque dépasserait ses pouvoirs s’il se permettait de définir des questions librement controversées entre théologiens ; et, s’il en agissait ainsi, son opinion ne vaudrait qu’autant que les raisons qui l’appuieraient.