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ÉVÊQUES. ORIGINE DE L’EPISCOPAT


provinces d’Egypte. » Dans Le Quicn, Oriens christiainis, Paris, 1770, t. ii, p. 342. La caution est médiocre et le crédit d’Eutychius très faible. Néanmoins le renseignement ne doit pas être rejeté a priori. En dehors d’Alexandrie et de ses environs immédiats, la diffusion du christianisme en Egypte ne paraît pas avoir été très rapide ; peut-être n’y eut-il point durant un siècle et demi d’autre centre chrétien assez important pour réclamer la présence d’un évêque. Il est encore possible que l’Église d’Alexandrie se soit modelée sur celle de Jérusalem. On sait quels rapports étroits unirent constamment ces deux Églises nées l’une et l’autre au sein du judaïsme. A Alexandrie, douze prêtres, ni plus ni moins, entouraient l’évêque ; or c’est le nombre fatidique des prêtres dans les Églises fondées par saint Pierre, suivant un document judéochrétien. Recognit. clément., iii, 66 [Zachée ordonné évêque de Césarée en Palestine avec douze prêtres et quatre diacres] ; vi, 15 [Maron ordonné évêque de Tripoli avec douze prêtres et des diacres]. Enfm tous les sièges épiscopaux de l’Egypte, de la Thébaïde et de la Syrie relevaient du patriarche d’Alexandrie qui donnait la consécration à tous les évêques de son ressort. Ce fait semble indiquer une dérivation commune.

— c) On serait tenté de raisonner de même pour l’Église d’Antioche. Saint Ignace appelle l’Église d’Antioche « l’Église, qui est en Syrie » , tr, ; v/.t.’/.riTÎy. : tr, ; âv Sjp’a. AdEph., XXI, 2 ; Ad Magnes., xiv ; Ad Trall., xiii, 1. « Souvenez-vous de l’Église qui est en Syrie dont, en mon absence. Dieu est le pasteur. Seul Jésus-Christ la gouvernera et votre charité. » Ad Rom., ix, 1 : îj-ôvo ; a-JTr, v I. X. ini<7v.onr’ji’.. Bien plus il s’appelle lui-même « l’évêque de Syrie » , ibid., ii, 2 : tôv èuî<Ty.oTzoi S-jpt’a ?. Il ne s’ensuit pas absolument qu’Ignace fût seul évêque de Syrie, car « l’Église qui est en Syrie » peut n’être qu’une expression abrégée pour « l’Église d’Antioche de Syrie » , Ad.Smyrn., xi, 1, ou « l’Éghse d’Antioche en Syrie » , Ad Philad., x, 1 ; Ad Polijc, VII, 1, et « l’évêque de Syrie » peut n’être que l’équivalent de « l’évêque syrien » . D’un autre côté, Ignace écrit aux Philadelphiens que « les Églises voisines ont envoyé [à Antioche] soit des évêques soit des prêtres et des diacres, » x, 2 : a( k’Yyiara î/.x), v|T ; a’. £TC£ ; j.’! /av 17rt<7’/.Ô7rouç, ai os Ttpsdo’JTô’pou ; xxl ^tav.ôvov ;. Comme il s’agit certainement des Églises voisines d’Antioche’— et non des Églises voisines de Philadelphie — il en résulte qu’il existait des sièges épiscopaux dans un rayon relativement restreint. Peut-être pourrait-on tout concilier en entendant par Syrie le district d’Antioche ou Syrie première, c’est-à-dire la vallée de l’Oronte. On sait que le paganisme fut très vivace dans cette région, dont aucun évêché n’est mentionné avant le iii<’siècle. Voir Le Quien, Oriens christianns, t. ii, p. 778-800. — d) Faisant fond sur le témoignage de Théodore de Mopsueste, Duchesne a soutenu que « dans l’ancienne Gaule celtique, avec ses grandes subdivisions en Belgique, Lyonnaise, Aquitaine et Germanie, une seule Église existait au iie siècle, celle de Lyon, » Fastes épiscopaux de l’cmcienne Gaule, Paris, 1894, t. i, p. 38, que « tous les chrétiens épars depuis le Rhin jusqu’aux Pyrénées ne formaient qu’une seule communauté et reconnaissaient un chef unique, l’évêque de Lyon. » Ibid., p. 39. La coiiclusion est celle-ci : « Avant la fin du iiie siècle — sauf la région du bas Hhônc et de la Méditerranée — peu d’évêchés en Gaule et cela seulement dans les villes les plus impor-’tantes. A l’origine, au i’^'e siècle chrétien pour notre I pays (150-250), une seule Église, celle de Lyon, réunissant dans un même cercle d’action et de direc-’tion tous les groupes chrétiens épars dans les diverses provinces de la Celtique. » Ibid., p. 59. Il est certain i <|ue le déve’oppement de l’organisation épiscopale I

fut plus lent dans l’extrême Occident, en Gaule, en Espagne, en Bretagne, qu’en Orient, en Afrique et en Italie ; toutefois, quiconque étudiera la critique pénétrante à laquelle Harnack a soumis la thèse de Ducliesne, Die Mission iind Ausbreitnng des Cliristentums in den ersten drei Jahrhunderten, Leipzig, 1902, p. 323-332, restera convaincu que la thèse est insuffisamment établie et que la plupart des arguments n’ont pas la portée que l’auteur leur attribue.

— e) L’exemple classique d’un évêque préposé seul à une immense province est celui de l’évêque de Tomes en Scythie. « Cette contrée, dit Sozomène, VI, 21, renferme un grand nombre de villes, de bourgs et de villages. Une ancienne coutume maintenue jusqu’à nos jours veut qu’il n’y ait pour ces Églises qu’un seul évêque. » En plein xe siècle, Nicétas de Colosses [Chonas] dit qu’à l’époque du concile de Nicée plusieurs provinces dépendaient d’un seul évêcjue, « comme c’est le cas de nos jours encore, ajoutet-il, pour la Scythie et la Russie. » Thesaur. fid., v, 5. 2. Multiplication des sièges épiscopaux. —’Théodore de Mopsueste l’attribue à deux causes : a) au nombre toujours croissant des fidèles ; b) à l’émulation de ceux à qui ce soin incombait. Le terme employé (jtto ?i/, 0Ti(jit’« ç) n’implique point par lui-même un motif inavouable, car çiXonixîa ne signifie pas seulement « ambition, vaine gloire, rivalité » , mais aussi « libéralité, munificence, émulation » bonne ou mauvaise ; et c’est dans le sens favorable que l’entendit le traducteur ancien (postea vcro et illis adjecti sunt alii tiberalitate eorum qui ordinationes faciebant). Il vaut mieux laisser au mot son ambiguïté. Théodore semble vouloir dire que les métropolitains multipliaient les évêchés dans leur province respective pour étendre leur influence et n’être pas au-dessous des autres. D’ailleurs, le motif est secondaire, tandis que le fait allégué est d’une grande importance historique. Il est incontestable qu’on eut d’abord égard au besoin des fidèles. Dès qu’une chrétienté se constituait, un évêque en était chargé. On n’attendait même pas toujours que le nombre des chrétiens fût considérable. Il y eut souvent des évêques missionnaires qui avaient pour mandat de se créer un diocèse en convertissant les païens. Tel, Grégoire le Thaumaturge qui, au dire de son biographe, saint Grégoire de Nysse, n’aurait trouvé en arrivant à Néo-Césarée que dix-sept néophytes. Tel, son frère Athénodore et bien d’autres aussi. On peut suivre la progression de l’épiscopat en Egypte, dans l’Afrique romaine et en Asie Mineure. — a] Si l’on en croit Eutychius, il n’y aurait eu d’abord qu’un seul évêque en Egypte. Démétrius (189-232) aurait créé trois évêchés nouveaux et son successeur Héraclas (232-249), vingt autres. Au commencement du ive siècle, l’évêque schismatique Mélèce plaça des suffragants en plusieurs localités qui n’étaient parfois que d’humbles bourgades et le patriarche d’Alexandrie, Pierre, crut devoir de son côté augmenter le nombre de l’épiscopat catholique. Dans un laps de temps de dix ou onze ans (300-311), il ne consacra pas moins de cinquante-cinq évêques. Actes publiés par Mai, P. G., t. xviii, col. 455, ce qui suppose évidemment la création de nouveaux sièges ; tandis que les partisans de Mélèce, au moment du concile de Nlcée, étaient encore vingt-neuf. Au dire de Pallade, l’ambitieux Théophile avait établi des évêques jusque dans des villages ; et il se fit accompagner à Consta itinople par trente-cinq de ses créature. Du temps de saint Athanase, Apoi. 71, P. G.. t. xxv, col. 373, il y avait déji, dans l’Egypte, la Libye et la Penlapole, près de cent évêques. — h) t^nc progression encore plus extraordinaire s’observe dans l’Afrique romaine. Les chiffres précis manquent pour les premiers temps, mais on peut admettre que le nombre