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ÉVÊQUES. ORIGINE DE L'ÉPISCOPAT

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prcsbyieris est loculus). Tout cela était vrai cliez les anciens (apitci veleres eosdem fuisse prcsbytcros qnos et cpiscopos). Alors aussi les Églises étaient gouvernées par un collège de prêtres (communi presbyleroruin consitio Ecclesiæ gubernabanliir) ; c'était le cas pour Éphèse, Act., XX, 17, 28, et pour Philippes, Phil., i, 1, car les episcopi de Philippes étant plus d’un ne pouvaient être que des prêtres. — 4. Combien de temps dura cet état de choses ? Très peu de temps, ce semble. C'était, dit saint Jérôme, avant qu’on commençât à dire : < Moi, j’appartiens à Paul ; moi j’appartiens à Pierre, » I Cor., ii, 12, c’est-à-dire tout prés des origines, avant les dissensions qui éclatèrent dès l'âge apostolique. S’il en est ainsi, les diverses affirmations, contradictoi es en apparence, peuvent se concilier. Les apôtres seraient bien les instituteurs de l'épiscopat, mais il y aurait eu auparavant une période plus ou moins longue où les Églises se seraient gouvernées elles-mêmes sous la direction de leurs fondateurs. L’hypothèse n’a rien d’inadmissible. — 5. Par quelle autorité se fit le changement ? C’est ici le point vulnérable du système de saint Jérôme qui semble l’attribuer à la coutume ; il est vrai qu’il y met un correctif : Siciil crgo prcsbytcri sciant se ex Ecclesiæ consiietiidine ei qui sibi præpositiis fiierit esse siibjecios, ila episcopi noverint se magis consuetudine qiiam disposilionis dominicæ veiilate prcsbyieris esse majores. Ailleurs, il parle d'élection et de décret (decrcliim est ut unus de presbyteris electus superponerctur eeteris), sans dire qui fit cette élection, qui porta ce décret. D’après cela, l'épiscopat serait plutôt (magis) d’origine ecclésiastique. — En résumé, l’exégèse de saint Jérôme est irréprochable ; comme théologien, il sait que les évêques sont supérieurs aux prêtres par le pouvoir de l’ordre, qu’ils leur sont égal. ment supérieurs par la juridiction ; mais il n’a pas des idées bien arrêtées sur l’or gine de cette seconde prérogative. "Vient-elle d’une disposition de Jésus-Christ, ou d’un décret des apôtres, ou d’une institution ecclésiastique ? Voilà ce qu’il ne dit jamais clairement. Cꝟ. 1. Sanders, Éludes sur saint Jérôme, Bruxelles, Paris, 1903, p. 296-330.

2° Union intime des orù : -c3 du clergé et identification de l'évêque avec l'Église. — Saint Ignace d’Antioche affirme que le collège piosbytéral adhère à l'évêque « c mme les cordes à la lyre. » Ad Eph., IV, 1. Cette idée qui revient sous diverses formes dans les écrits des Pères est grosse de conséquences. Notre formule du clergé serait : l'évêque et les prêtres et les ministres inférieurs ; elle était plutôt pour les anciens : l'évêque avec les prêtres et les diacres. L'évêque conférait le baptême, consacrait l’eucharistie, célébrait les mariages, imposait le voile aux vierges, gérait les fonds de l'Église, jugeait, condamnait et absolvait, à moins qu’il ne déléguât quelqu’un pour remplir ces divers offices ; mais il n'était pas seul dans l’exercice de ses fonctions ; il était constamment entouré de son clergé qui semblait ne faire qu’un avec lui. On sait que dans la célébration de la liturgie les prêtres siégeaient à droite et à gauche de l'évêque, sur des sièges un peu moins élevés, tandis que les diacres se tenaient debout. Ils siégeaient aussi comme assesseurs auprès de son tribunal. Voilà pourquoi ils sont appelés par saint Jérôme « le sénat de l'Église » , par Origène « l’assemblée délibérante de l'Église » , par l’auteur des Constitutions aposloliques, . ii, c. xxviii, « la couronne de 1 Église et les conseillers de l'évêque » : conseillers effectifs et non purement honoraires, au point que s lint Cyprien proteste souvent qu’il ne fait rien sans les consulter.

Si les ordres du clergé étaient intimement unis ensemble jusqu'à ne former en apparence qu’une seule

personnalité morale, il en était de même du clergé et des laïques. Le clergé résumait l'Église et l'évêque le clergé : Ecclesia plebs saccrdoti unita et pastori suo grcx adluvrcns. Unde scire debes episeopum in Ecclesia cssc et Ecclesiani in episcopo. S. Cyprien, Epist., Lxix, ad Pupian., 8, P. L., t. iv, col. 406. Le sentiment de cette unité était beaucoup plus vif dans l’Eglise primitive que de nos jours et il sert à expliquer divers phénomènes qui pourraient nous causer quelque étonnement. Ainsi, dans sa lettre à Polycarpe, Ignace exhorte les fidèles de Smyrne et il le fait directement, vii, 1-vni, 1 ; viii, 3, comme si la lettre leur était adressée. Saint Paul lui en avait donné l’exemple dans ses Épitres à Tite et à Timothée. C’est le clergé ou l'évêque seul qui écrivaient au nom de l'Église qu’ils dirigeaient. Très souvent les formules étaient entièrement impersonnelles : « L'Église de Dieu résidant à Smyrne à l'Église de Dieu résidant à Philomélium. » Martyrium Polycarpi, titre. JVIais même alors on savait que l'évêque tenait la plume. La lettre de saint Clément de Rome aux Corinthiens n’a pas d’autre suscription ; et personne n’a jamais douté qu’elle ne fût l'œuvre de Clément. Denys de Corinthe sait qu’elle a été écrite par Clément, dans Eusèbe, H. E., 1. IV, xxiii, 11, bien que Clément n’y soit pas nommé et que le ton en soit impersonnel. On n’ignorait pas, en effet, que le souci de correspondre avec les Églises étrangères revenait à l'évêque. Voilà pourquoi Hermas, voulant transmettre sa révélation aux autres chrétientés, reçoit l’ordre de s’adresser pour cela à Clément : « Clément l’enverra aux autres villes ; car ce soin lui incombe. » Vis., 1], IV, 3. On a conclu de ce fait que Clément n'était pas évêque ; il aurait fallu conclure tout au rebours qu’il était évêque, puisqu’il représentait officiellement l'Église de Rome dans les relations extérieures. C’est comme évêque de Corinthe que saint Denys écrit aux ÉgUses de Lacédémone, d’Athènes, de Nicomedie, de Gortyne, d’Amastris, de Cnosses, de Rome. Eusèbe, H. E., 1. IV, XXIII, 2-9. En le voyant s’adresser directement aux Églises p ! utôt qu’aux évêques, on pourrait croire ces chrétientés acéphaLs, si l'évêque n’y était parfois mentionné incidemment : Primus à Athènes, Palmas à Amastris, Pinytus à Cnosses, Soter à Rome. La dernière lettre est surtout intéressante, parce qu’elle nous montre l'évêque faisant l’aumône et exerçant l’hospitalité au nom de sa communauté : « Vous conservez, ô Romains, l’antique coutume héritée de vos pères d’envoyer des subsides aux frères condamnés aux mines ; cette coutume, votre bienlieureux évêque Soter l’a non seulement maintenue mais développée, et par les offrandes généreuses qu’il envoie aux saints et par les consolations qu’il prodigue à ceux qui vont à lui, comme un père tendre à ses enfants. » Ibid., 10. N’est-ce pas la réalisation frappante du mot de saint Cypriem : « L'évêque est dans l'Église et l'Église dans l'évêque ? » Cette compénétration mutuelle de l'évêque et de l'Église était également bien sentie par saint Irénèe, lorsqu’il écrivait « au nom des chrétiens qu’il gouvernait en Gaule. » Eusèbe, H.E., . V, xxiv, 11. Il ne serait pas difficile d’accumuler des faits semblables ; mais CCS exemples suffisent pour répondre à ceux qui voient là une objection contre l'épiscopat monarchique. L’objection se tourne en argument, car il n’y a pas de monarchie plus absolue que celle où le chef s’identifie avec son peuple et peut dire : L'État, c’est moi.

V. L’origine apostolique de l'épiscopat. — 1° Relevé des témoignages généraux.

Nous entendons par témoignages généraux ceux qui attestent

non pas l'établissement de tel ou tel évêque par les apôtres, mais l’institution apostolique de l'épiscopat