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EVANGILES APOCRYPHES


qu’ont dû vaincre les Évangiles canoniques pour s’imposer définitivement : pendant les premières années du iie siècle, il y a encore, dans diverses régions, un travail actif spr les traditions cvangcliques. A un autre point de vue, les Évangiles apocryphes jettent une vive lumière sur les conditions de la vie et de la pensée dans l'Église primitive. Destinés le plus souvent à des milieux populaires, issus parfois de ces mêmes milieux, ils font connaître, mieux que les écrits des docteurs, le christianisme moyen. Si, d’ailleurs, nombre de ces productions ont été condamnées de bonne heure par les chrétiens orthodoxes, plusieurs ont circulé longtemps encore dans l'Église. Ce sont naturellement les Évangiles hérétiques qui ont disparu les premiers, au fur et à mesure que s'éteignaient les sectes qui leur avaient donné naissance. Ceux qui, sans être hérétiques, faisaient double emploi avec les livres canoniques disparurent ensuite ; VÊvawjile des Hébreux était encore d’un usage courant dans certaines communautés du ive siècle, et l'Évangile de Pierre a été retrouvé dans un tombeau d’Akhmin qui date au moins du viii<e siècle. Les Évangiles de l’enfance auront une destinée plus brillante ; soit directement, soit par des remaniements successifs, ils inspireront longtemps la piélé populaire. Enfin, plusieurs apologistes ont tiré de l'étude des apocryphes des preuves en faveur de la vérité des Évangiles canoniques. Le contraste entre la simplicité et la dignité de ceux-ci et l’extravagance de beaucoup de ceux-là établit la valeur unique de nos Évangiles et fournit une réfutation parfaite des théories qui voudraient mettre les narrations évangéliques sur le même pied que ces productions de mauvais aloi.

On trouvera l’indication la plus complète de la littérature relative aux apocryphes dans F.. Hennecke, eutestamentliche Apocnjphen, ïubingiie, 1904 ; Ilandbucli zu den Keiitestamentlichen Apokrijplten, Tnhingue, 1904. Voir aussi O. Bardenhewer, Geschichle dcr allkircldichen I.illeratur, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. i, p..365-411 ; A. Ehrhard, Die allchristliche Litleratur tincl ilire Erlorschany von 1884-1900, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 123-147 ; et les différentes encyclopédies : Smith et Wace, Dictioiiary of christicin biograpluj, 1882, t. ii, art. Gospels apocrijphal, par Lipsius ; Hastings, Dicd’o/inry o/ the Bible, 1904, t. v, p. 420-438, art. Apocnjplial Gospels, par J. G. Tasker ; Hastings, Dictionanj of Christ and the Gospels, 1906, t. i, p. 671-685, art. Gospels (apocnjphal), par Findlay ; Realencgclopadie fur protestanlische Théologie und Kirche, 3° édit., 1896, t. i, p. 653-664, art. Apokrijphen des Nenen Testamentes, par R. Hofmann. W. Bauer, Das I.eben Jcsn im Zeilallcr dcr nentestamentlichen Ai>ul<njphen, Tubingue, 1909, a mis en œuvre d’une manière assez heureuse les matériaux d’origine apocryphe.

Plusieurs classifications ont été proposées pour les Évangiles apocryphes, nous adopterons celle de Findlay, loc. cit., qui combine celles de Harnack, Gescliiclde der allchristlichen Litleratur, t. i, p. 4 sq., et de Tasker, loc. cil. : — 1° Évangiles de type synoptique pouvant être considérés comme incorporant des traditions anciennes : Êi'. des Hébreux, des Égijpliens, de Pierre ; le fragment d'Év. du Fayoum et les fragments d’Oxyrhinque ; 2° Évangiles dont le caractère hérétique est reconnu par tous : Évangiles des douze apôtres, de Thomas, de Philippe, de Marcion, et un grand nombre d’autres dont on ne connaît que les noms ; 3° Évangiles suppléments, qui prétendent remplir les lacunes de nos connaissances : 1. sur l’enfance de Jésus, ses jtarenls : Protévangile de Jacques et ses remaniements ; Évangile de Thomas, le pinlosophe Israélite ; Évangile arabe de l’enfance ; Histoire de Joseph le cliarpenlier ; Transitas Mariae ; 2. sur la passion et la résurrection du Sauveur : Évangile de Nicodème.

. Évangiles de type synoptique. — ° Évangile des Hébreux (ou selon les Hébreux). — D’après

Eusèhe, H.E., ]. IV, xxii, 8, édit. Schwartz, t. i, p.372 ; P. G., t. XX, col. 384, Hégésippe dans ses Mémoires citait V Évangile selon les Hébreux, rh -Axf)' 'Egpacoj ; îJay-, - ;)arjI. Mais était-ce Hégésippe lui-même qui donnait ce titre à sa source ou Eusèbele conclut-il des citations faites par l’auteur des Mémoires ? La question n’est pas résolue. Le titre est donné pour la première fois d’une manière certaine par Clément d’Alexandrie, Strom., II, IX, 45, édit. Stâhlin, t. ii, p. 137 ; P. G., t. viii, col. 981. Au témoignage de saint Jérôme, De vir. ilL, 2, P. L., t. xxiii, col. 611, Origène regardait l'Évangile selon les Hébreux comme une source de valeur pour l’histoire du Christ. En fait, dans ce qui nous reste de ses œuvres, l’on trouve au moins trois références précises à cet Évangile : In Joa., tom.ii, 6, P. G., t. xiv, col. 132 ; Homil., XV, in Jer., P. G., t. xiii, col. 433 ; In Malth. tom. XV, 14, P. G., t.xiii, col. 1293 sq. D’après Eusèbe, II. E., III, XXV, 5, édit. Schwartz, t. i, p. 252 ; P. G., t. XX, col. 269, l'Évangile selon les Hébreux, « dont aiment surtout à se servir les Juifs qui ont reçu le Christ, » était rangé par quelques-uns parmi les livres incontestés, rni.r)ii-r{o-jp.vjci. Mais c’est surtout par saint Jérôme que nous connaissons cet Évangile. Il avait découvert, d’abord chez les chrétiens de Béroa en Syrie, plus tard dans la bibliothèque de Césarée de Palestine, un Évangile araméen, écrit en caractères hébreux et différent des Évangiles canoniques. Jérôme en avait fait pour son usage personnel une version grecque et une autre latine. A son époque, une grande incertitude régnait sur l’origine de ce livre ; plusieurs le tenaient pour l'œuvre originale de saintMatthieu, et à divers endroits Jérôme semble pencher vers cet avis ; d’autres l’identifiaient nxecV Évangile des douze apôtres et ceux qui n'étaient pas très au courant pouvaient croire que ce livre était en usage chez lesébioniteshéré tiques aussi bien que chez les autres chrétiens orientaux. D’ailleurs, il était à cette époque complètement inconnu del’Occident, puisque Jérôme n’en connaissait plus ni version latine ni version grecque ; et sa désignation d'Évangile selon les Hébreux indiquait sufïisamment qu’il ne circulait que parmi les communautés chrétiennes parlant hébreu ou plutôt araméen. Le fait qu'à certains moments Jérôme pouvait l’identifier avec le Matthieu hébreu montre qu’il ressemblait davantage au premier Évangile qu'à tout autre. D’ailleurs, à d’autres moments Jérôme affirme qu’il dilTère sur quelques points de notre Matthieu canonique. Les textes de saint Jérôme sont rassemblés dans Handmann, Zahn, Harnack. Voir plus loin. L'étude des citations d'Épiphane, Hier., xxix, 9 ; XXX, 3 ; XLVi, 1, P. G., t. xli, col. 405, 409, 840, n’est pas contraire à ces conclusions. Seulement, Épiphane demeure responsable de la confusion créée entre l'Évangile des Hébreux et l'Évangile des ébionites, voire même le Dialessaron de Tatien, confusion qui n’a été entièrement dissipée que par Hilgenfel !. On suit la trace de l'Évangile selon les Hébreux jusque dans la Stichométrie dite de Nicéphore, qui le range parmi les antilegoniena. Tischendorf avait signalé, Nolitia edilionis codicis Sinaitiei, 1860, p. 58, l’existence, dans un ms. minuscule du ix-xe siècle (cursif 566 des Évangiles, s 77 de von Soden), de quatre notes marginales se référant à Matth., iv, 5 ; xvi, 17 ; xviii, 21 ; XXVI, 74, et renvoyant à ib 'lo-jSaï-iùv ; la troisième note est d’accord avec une citation hiéronymienne. En 1911, M. Schmidtke a fait connaître que des notes du même genre se retrouvaient dans les mss 175, i 370 et 371, S 30 (selon la notation de von Soden) ; ces variantes se réfèrent à Matth., V, 22 ; vii, 5 ; X, 16 ; XI, 12, 25 ; xv, 5 ; xvi, 2 ; xxvii, 65. Elles se rencontrent dans des mss appartenant à une même famille et dont l’origine serait, d’après M. Schmidtke, une édition du Nouveau Testament