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EUTYCHÈS ET EUTYCHI ANISME

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de donner des explications : « Jusqu’ici, dit-il, je n’ai pas employé cette expression de « consubstantiel, car je reconnais que le corps du Christ est le corps de Dieu ; le corps de Dieu, je n’ai pas voulu l’appeler corps de l’homme, mais ce corps est humain, oJx tlno’i o-tôjjtoc à6vp(i')T : ov tô to-j 0£oO (jMp.oi., àvOptoTif/ov 5a ~'o (jtôjxx. » Mansi, ibid. En distinguant entre corps de l’homme et corps humain, Eutychès montrait qu’il n'était pas tout à fait incapable de raisonner, mais c'était chez lui un éclair de génie, qui resta isolé. On voit à quoi tendait la distinction : à écarter une expression qui aurait pu être interprétée dans un sens nestorien. Eutychès s’explique du reste lui-même là-dessus : En acceptant le mot consubstantiel » , je ne nie pas que le Christ soit Fils de Dieu, ojte yàp îiyco tô ôîjioo’j(T'.ov, àpvoOasvo ; toO Etvai aOrôv -jibv toO 0£Ov. » Mansi, ibid. L’explication n'était pas mauvaise, mais les Pères ne crurent pas devoir s’en contenter. La complaisance de l’archimandrite leur parut de mauvais aloi ; par son ton et son langage, il avait l’air de les accuser d’innovation dogmatique. Cette complaisance du reste ne fut pas poussée très loin. Invité à anatliématiser les deux points de doctrine qu’on lui reprochait : Jésus-Clirist ne nous est pas consubstantiel ; Après l’union il n’y a qu’une nature et non deux, il refusa net : « Je n’ai pas trouvé, dit-il, cette doctrine (dont vous me parlez) clairement exprimée dans les Écritures, et tous les Pères ne l’ont pas enseignée. Si je prononçais l’anathème, malheur à moi ! car il retomberait sur mes Pères. » Mansi, ibid., col. 745. « Acceptes-tu, lui dit le patrice Florent, deux natures dans le Christ et son égalité de substance avec nous ? — J’ai lii, répondit l’accusé, les écrits du bienheureux Cyrille, de saint Athanase et des autres saints Pères. Ils disent qu’avant l’union le Christ est de deux natures ; mais après l’union et l’incarnation, ils ne parlent plus de deux natures, mais d’une seule. — Confessestu, reprit Florent, deux natures après l’union ? — Ordonnez, dit Eutychès, qu’on lise les écrits de saint Athanase, afin que vous sacliicz qu’il n’a rien dit de tel. » Basile de Séleucie fit remarquer que de ne pas admettre deux natures après l’union équivalait à enseigner le mélange ou la confusion des natures. Le patrice Florent ajouta : « Quiconque se refuse à dire : des deux natures et deux natures n’est pas orthodoxe, ô (j.t, /iytov iv. ô-jo cp-Joswv y.a SJo oOtei :, où TttcTï-Jei opOai ;. Mansi, ibid., col. 748. C’est après ce dialogue que le synode libella la sentence et déclara Eutychès infecté de l’erreur de Valentin et d’Apollinaire.

Au témoignage de saint Épiphane, Hær., xxxi, 7, P. G., t. XLi, col. 488, Valentin enseignait que Jésus, chef-d'œuvre des éons, avait pris un corps céleste et qu’il n’avait fait que passer par le sein de Marie comme l’eau passe par un canal. On prêtait à Apollinaire une erreur semblable ; on l’accusait aussi de docétisme pur, ou simplement de nier la consubstantialité de la chair du Christ avec la nôtre. Voisin, L’apollinarisme, Louvain, 1901, p. 340-345. De plus, l'évêque de Laodicée attaquait l’intégrité de la nature humaine du Sauveur, en lui refusant les facultés supérieures de l’intelligence et de la liberté, et professait, ou du moins paraissait professer un monophysisme grossier d’après lequel la divinité et la cliair avaient été mélangées et confondues en une seule nature, la chair étant devenue en quelque manière consubstantielle à la divinité. Voisin, op. cit., p. 272 sq., 339-340. Les Pères du synode de 448 pensaient sans doute à toutes ces erreurs en lançant contre Eutycliès l’accusation de valentinisme et d’apollinarisme. Ils interprétaient dans le sens le plus défavorable les formules de l’archimandrite. Du fait que celui-ci refusait d’admettre sans détours que Jésus-Christ est consubstantiel

à sa Mère, ils conclurent qu’il niait la maternité véritable de la Vierge. Cette négation même ouvrait la porte à un grand nombre d’hypothèses : à la préexistence de la chair du Clu’ist et à son origine céleste, au docétisme, à la divinisation de la chair et à son mélange avec la divinité, à la négation de l’intégrité de la nature humaine. Par ailleurs, l’afilmiation pure et simple d’une seule nature après l’union sans aucune explication venait confirmer la possibilité de toutes ces hypothèses.

Cette exégèse pourra paraître peu bienveillante ; mais quand on songe aux déclarations équivoques, voire même contradictoires de l’accusé, à son obstination, à l’active propagande qu’il essayait de faire autour de lui, on comprend assez facilement que le synode ait pris les choses au pire, d’autant plus que le monophysisme n'était pas un mythe. Théodoret ne venait-il pas de réfuter cette doctrine dans son Eranistes ? Il faut reconnaître cependant que les formules eutychiennes pouvaient être tournées en bonne part ; malheureusement le vieil arcliimandrite était incapable de les expliquer clairement d’une manière orthodoxe. Il paraît bien que c'était seulement la peur du nestorianisme qui lui faisait éviter comme dangereuse l’affirmation de la consubstantialité du Christ avec nous. Dire que Jésus nous était consubstantiel, n'était-ce point faire entendre qu’il était une personne humaine comme nous ? De là la distinction entre Tiiifj^a àvOpf.iTtou et Troij.x àvOpojTCivov. Dans le fait, nous l’avons vii, Eutycliès a repoussé à plusieurs reprises les erreurs de Valentin et d’Apollinaire. Quant à la fameuse formule : Deux natures avant l’union ; une seule après, elle était sans doute fort équivoque, mais l’hérésiarque se réclamait sur ce point de saint Cyrille. Il invoquait aussi l’autorité de saint Athanase, de saint Grégoire le Thaumaturge, des papes Jules et Félix, tous partisans d’une seule nature dans le Christ : Sciens vcro sanctos et beatos patres nostros Julium, Felicem, Athanasium, Gregoriuni, sanctissinios episeopos, réfutantes duarum naturarum vocabulum, et non (uidens de natura tractare Dei Verbi… aut anathematizare supradictos patres nosiros, rogabam ut innotescerent ista sanctitati vestræ. Epist. ad Leonem, 1, P. L., t. Liv, col. 716. Tout comme saint Cyrifie, Eutychès ne se doutait pas que les écrits de saint Athanase et des trois autres Pères signalés où il est fait mention d’une seule nature dans le Christ étaient d’origine apollinariste. Voisin, op. cit., p. 186-216.

La fameuse formule pseudo-athanasienne : jxîa cpjatç, u.ia ii : 6- : i<X(s :  ; -o-j 0eoj Aôy&u <Tc(Tapy.(o ; j.£vr], avait été interprétée par l'évêque d’Alexandrie dans un sens tout à fait orthodoxe. Le même avait dit, sinon en propres termes, du moins équivalemment : deux natures avant l’union, une seule après. Il avait écrit dans sa Lettre à Acace de Mélitène : « Lorsque nous considérons dans notre entendement, wç Èv è/voc’ai ; 6£-/_ô, a£voi, ce dont est formé le seul et unique Fils et Seigneur Jésus-Christ, nous disons que deux natures se sont unies ; mais après l’union, parce que la division des deux natures se trouve enlevée, nous croyons que la nature du Fils est unique, parce qu’il est un véritablement ; tout en ajoutant : nature unique du Fils fait homme et incarné, ij.zxci 8É i'£ ir, v é'vwa-iv, wç àvï ; p-on£v7) ; rfi-i] Tïi ; £i ; 5-jo S'.axoariç, iJ.ix-i £'.vai 7ti(7T£Ûo ; x£v T'/jv toû Yioi ç-jaiv, (î) ; Ivôç, n'/.r^w ÈvavOpioirriTavTOç y.ai cîaap/.to ! j.£vo-j. P. G., t. Lxvir, col. 192-193. Voir aussi les deux lettres à Succensus, où la fornmle [j.ia cpJfTiî est longuement expliquée avec toute la clarté désirable. Ibid., col. 227-246.

Quand il parle de deux natures, c ?j « 7£'.ç, avant l’union et d’une seule après, Cyrille se place au point de vue de Xestorius et prend le mot 9JT1 ; dans le sens d’une nature concrète subsistant en clleMnême