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EUSTATHE DE SEBASTE


circonstance de son histoire, s’il l’eût sue ; et il était difficile qu’il ignorât une chose de cette nature qui se serait passée dans son pays… Que si néanmoins on aime mieux s’en tenir à l’autorité de Socrate et de Sozomène, je ne vois pas qu’il soit impossible de mettre un Eulale, évêque de Césarée, entre saint Léonce, qui assista au concile de Nicée, et Hermogéne qui peut être mort vers l’an 340. Mais le moyen que saint Basile eût ignoré qu’il avait déposé Eustathe ? » Op. cit., note 24, p. 649. Loofs, op. cit., p. 95, et Realencijclopàdie, col. 628, suivi par Mgr Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1907, t. ii, p. 381, font de cet Eulalios un évêque de Sébaste et le père de notre Eustathe.

Chassé du clergé par cet Eulalios « mécontent de le voir afïichcr un costume extraordinaire » (le costume des ascètes), Duchesne, loc. cit., Eustathe s’adressa à Hermogéne, évêque de Césarée. Celui-ci, le soupçonnant d’arianisme, lui fit signer une profession de foi cathoUque, S. Basile, Epist., ccxliv, 9, P. G., t. XXXII, col. 924, et sur cette garantie consentit à lui conférer un ordre supérieur à celui qu’Eulalios lui avait interdit, c’est-à-dire probablement à l’ordonner diacre ou prêtre. S. Basile, Epist., cclxiii, 3, ibid., col. 977. A la mort d’Hermogène (avant 341), Eustathe se rendit auprès d’Eusèbe de Nicomédie, le chef du parti arien, S. Basile, Epist., ccxliv, col. 924, mais ne tarda pas à se brouiller avec lui pour des affaires d’administration. Sozomène, 1. IV, c. xxiv. Eusèbe le déposa vers 342. Eustathe fut même, au dire de Sozomène, ibid., excommunié par un synode de Néocésarée dans le Pont. Il parvint cependant à se faire accueillir de nouveau dans son pays, grâce à de nouvelles déclarations d’orthodoxie. Saint Basile, Epist., CCLXIII, 3, col. 977, de qui nous tenons cette information, dit qu’il omet beaucoup de choses jusqu’à l’épiscopat d’Eustathe. Au nombre de ces choses omises on peut placer, semble-t-il, outre le concile de Néocésarée, celui de Gangres, qui dut se tenir probablement en 340, bien qu’on ait proposé des dates très divergentes, 343, 365, 372, 376. Voir Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 1029 sq. Nous possédons la lettre que ce synode adressa, au sujet d’Eustathe, aux évêques de l’Arménie Mineure (destination qui paraît bien prouver, pour le dire en passant, que l’Eustathe en question est bien le nôtre). On y déclare que le concile s’est réuni « pour régler certaines questions ecclésiastiques et examiner l’affaire d’Eustathe, .. Beaucoup d’illégalités avaient été commises par les eustathiens, c’est pourquoi on a cherché à remédier au mal causé par lui. » Mansi, t. II, col. 1097. Suit l’énumération de ces désordres, qui aura mieux sa place à l’art. Eustathiens. « A en juger par ce document, Eustathe aurait dépassé la mesure et repris les exagérations déjà réprouvées des anciens encratites. Mais le développement de sa carrière autorise à croire que le concile est excessif en ses reproches, soit qu’il eût été mal informé sur les abus qu’il condamne, soit plutôt qu’il ait attribué à Eustathe les excès d’adhérents trop zélés. » Duchesne, loc. cit., p. 382. Cette dernière opinion était celle de beaucoup de contemporains de Sozomène, Vita S. Basilii, c. v, n. 4, de l’édition bénédictine. Toutefois la lettre synodale ne parle pas seulement des partisans d’Eustathe, -wv -/.ai’EJ(7t-j ; 910v, mais encore d’Eustathe lui-même, -jti’a-jTOj. Hefele, loc. cit., p. 1044-1045. Si Eustathe se soumit aux décisions du concile, comme semble le dire Sozomène, sa soumission ne dut pas être parfaite et persévérante, puisqu’il fut plus tard, de ce chef, condamné comme parjure à un concile d’Antioche, Duchesne, loc. cit., p. 383, peut-être vers 356. Tillemont, op. cit, p. 82. Cependant Eustathe continua sa propagande ascé tique, qu’il parvint à étendre jusque dans Constantinople, grâce à l’influence de Marathonius, ancien fonctionnaire devenu diacre de l’évêquc Macédonius. On ne sait quelles circonstances portèrent Eustathe, vers 356, à l’évêché de Sébaste, métropole de l’Arménie Mineure. S. Basile, Epist., cclxiii, col. 977. Les ariens qui n’étaient pas étrangers à cette élection, comptaient sur lui. Athanase, Epist. ad cpiscop.^Egypt., 21.

Eustathe fonda, au début de son épiscopat, un grand hospice dont il confia la direction à l’un de ses compagnons d’ascèse, nommé vérios. Celui-ci, jaloux de s’être vu préférer Eustathe pour la dignité épiscopale, s’aigrit contre lui, l’accusant d’avarice et s’efforçant « de noircir sa réputation par divers bruits que saint Épiphane, i/œr., lxxiv, P.G., X.. xlii, col.504 sq., assure n’avoir été que des calomnies. » Tillemont, op. cit., p. 88. vérios entraîna avec lui un assez grand nombre d’hommes et de femmes, « qui étaient obligés de demeurer en pleine campagne et de se retirer dans des trous et dans des bois, parce qu’on ne les voulait recevoir ni dans les églises, ni dans les villes, ni dans les villages. Ils faisaient profession d’abandonner toutes choses, et néanmoins ils s’adonnaient presque tous à la gourmandise et au vin. » Tillemont, ibid., d’après saint Basile, loc. cit. Sur les erreurs d’Aérios, voir t. i, col. 515-516.

C’est aussi vers ce temps (357) que saint Basile revint d’Athènes en Cappadoce. Peut-être est-ce sur les conseils d’Eustathe, consulté comme maître d’ascétisme, qu’il entreprit d’aller visiter les solitaires d’Egypte, de Palestine, de Syrie et de Mésopotamie. En tout cas, revenu de ce voyage et installé dans la vallée de l’Iris, il y recevait parfois la visite d’Eustathe. Tillemont, op. cit., p. 84.

Cependant la lutte s’était engagée sur le terrain doctrinal. Eustathe dut y prendre part. « De concert avec Basile d’Ancyre et Eleusius de Cyzique, il conduisait la droite homoiousiaste et combattait avec la plus grande énergie Aèce et ses fauteurs. Après un moment de succès, il vit le parti adverse reprendre pied et reçut l’un des premiers assauts. Un concile réuni à Mélitène (358), sous l’influence d Eudoxe, le déclara déchu de l’épiscopat, on ne sait pourquoi, mais sans doute sous quelque prétexte fourni par ses singularités ascétiques. Un prêtre de Mélitène, Mélèce, accepta sa succession et fut ordonné à sa place. Mais les gens de Sébaste n’en voulurent pas et Eustathe resta évêque, déclarant que, ceux qui l’avaient déposé étant des hérétiques, il n’avait pas à tenir compte de leurs sentences. Une crise plus dure pour lui fut celle qui aboutit, au commencement de l’année 360, à la condamnation de V homoiousios et à la destitution de ses tenants. Comme les autres chefs de son parti, il dut s’exécuter au dernier moment et mettre sa signature au bas de la formule de Rimini ; comme eux, en dépit de ce sacrifîce, il fut déposé pour d’autres raisons. Avec lui tombèrent Sophrone, évêque de Pompéiopolis en Paphlagonie, et Helpidius, évêque de Satala en Arménie Mineure, celui-ci coupable, comme le métropolitain de Sébaste, d’avoir pris ses aises avec les sentences de Mélitène. Eustathe fut exilé en Dardanie. » Duchesne, loc. cit., p. 384r-385.

Ces événements se passaient en 360. Entre temps, Eustathe avait anathématisé la consubstantialité au concile d’Ancyre (358). Il s’y était néanmoins opposé aux purs ariens, avec les tenants de V homoiousios, et fut député par le concile à Constance, devant qui il défendit cette doctrine. S. Basile, Epist., cclxiv, col. 980.

Dom Ceillier a fort bien exposé les faits qui suivirent. Nous lui empruntons son récit, en y intercalant les principales références. Après la mort de Constance (361), Eustathe et Sophrone de Pompéiopolis, « qui