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EUSTATHE D’ANTIOCHE (SAINT)


ques sources par le terme plus général d’àizStï^, a eu certainement sa place dans le débat et en réalité, on va le voir, joua le principal rôle. L’accusation d’immoralité devait faciliter la déposition et la rendre plus acceptable h tous en déshonorant l’évêquc aux yeux du peuple et de la cour, mais ce que les eusébiens tenaient surtout à frapper, c’était leur adversaire dogmatique, et comme ils se posaient encore en défenseurs de la foi de Nicée, le seul moyen de faire tomber Eustathe était de l’accuser de n’admettre que nominalement la distinction des personnes dans la Trinité. » Gavallera, op. cit., p. 63-64.

Grâce à toutes leurs menées, les eusébiens réussirent à faire proclamer la déposition d’Eustathe. Nous avons vu ce que valaient les deux premiers chefs d’accusation. Quant au troisième, le sabellianisme d’Eustathe, voici le jugement d’un critique compétent : « Je ne vois pas que ce qui nous reste des œuvres d’Eustathe prête quelque fondement à cette accusation. La pleine divinité du Verbe y est puissamment affirmée, mais la distinction d’avec le Père est également mise en lumière. Sur la théologie d’Eustathe, consulter une note substantielle de Dupin, Auteurs ecclésiastiques, ive siècle, t. I, p. 132-133, et, en ce qui concerne la christologie, mon édition de l’homélie in Lazarum, p. 12, note 1. » Gavallera, op. cit., p. 38, en note. Aussi bien, le véritable motif de la déposition d’Eustathe était tout autre : c’était son opposition aux ariens et son zèle à défendre la foi de Nicée. A part les témoignages intéressés de Philostorge et d’Eusèbe, l’ensemble des documents concordent pour représenter cette déposition comme une vengeance du groupe eusébien. E. Venables, op. cit., p. 382, voudrait voir la véritable cause dans la rivalité d’Eusèbe de Ccsarée et d’Eustathe se disputant la faveur de Constantin. Dans cette lutte d’influence, Eustathe aurait été le vaincu. F. Gavallera déclare n’avoir « trouvé aucun document à l’appui de cette assertion, » et ajoute que la « supposition pourrait être plus vraie d’Eusèbe de Nicomédie. » Op. cit., p. 64, note 4.

Les accusations portées contre Eustatlie et sa déposition soulevèrent des protestations à Antioche. Les eusébiens se hâtèrent de partir pour Nicomédie, Théodoret, H. E., i, 20, col. 967, où ils n’eurent pas de peine à mettre Constantin de leur côté. Constantin envoya à Antioche le stratège Musonianus, pour réprimer la prétendue sédition populaire et mettre à exécution les décisions du concile. Eustathe n’opposa point de résistance ; accompagne d’un certain nombre de prêtres et de diacres, il prit le chemin de l’exil. Athanase, Hisloria arianorum, 4, loc. cit. ; Socrate, H. E., I, 24, P. G., t. Lxviii, col. 144 ; Sozomène, H. E., II, 19, ibid., col. 981 ; Théodoret, H. E., i, 20, P. G., t. Lxxxii, col. 968 ; Philostorge, H. E., ii, 7, P. G., t. Lxv, col. 469 ; Eusèbe, Vita Constantini, iii, 59, P. G., t. XX, col. 1125. Le lieu de son exil fut la Thrace, d’après les attestations concordantes des deux témoins les plus anciens et les plus autorisés, saint Jean Chrysostome et saint Jérôme. Le premier, dans son panégyrique d’Eustathe, parle toujours de la Thrace ; le second. De viris, c. lxxxv, loc. cit., plus précis, indique la ville de Trajanopolis dans cette province. Après eux, nous rencontrons des indications divergentes : Philostorge, loc. cit., n’emploie que le terme vague d’Occident ; Socrate, H. £., iv, 14, et Sozomène, H. E., vi, 13, supposent aussi l’exil en Occident ; Théodoret, H. E., I, 20, col. 967, parle d’une ville d’Illyrie, sans la désigner autrement. Les chroniques postérieures de Victor Tunnennensis, Chronica minora, et de Théophane ensevelissent Eustathe à Philippes en Macédoine, et c’est de là que, vers 482, Calandion, évêque d’Antioche, fait rapporter dans sa ville épiscopale le corps de son prédécesseur. En raison de ces données, plusieurs

auteurs ont pensé qu’Eustathe avait été exilé d’abord à Trajanopolis de Thrace, puis à Philippes de Macédoine. Tillemont, op. cit., p. 29 ; Duchesne, op. cit., p. 163. Mais s’il faut en croire saint Jérôme, loc. cit., Eustathe mourut et fut enterré à Trajanopolis, ubi usque hodie condilus est. Le bollandiste Boschius serait porté à admettre une première translation des reliques à Philippes, d’où elles auraient été ensuite rapportées à Antioche. Acta sanctorum, loc. cit., iii, p. 136.

Les opinions sont partagées sur la date de la mort d’Eustathe. Les uns la placent vers 360, année où Julien rappelle tous les exilés, sans qu’il soit question du retour d’Eustathe. Cf. Gwatkin, Studies of arianism, 2e édit., Londres, 1900, p. 77, n. 2. D’autres la croient antérieure au rappel des exilés par les fils de Constantin en 337. Tillemont, loc. cit. ; Boschius, loc. C17. ; Gavallera, op. cit., p. 41, 65 ; Leclercq, Histoire des conciles, t. i, p. 645, note 1 ; E. Venables, loc. cit. Cette seconde opinion semble la mieux fondée : car la raison qui vaut pour le rappel des exilés en 360 vaut aussi pour la date du premier rappel, 337. Tout le monde reconnaît, d’ailleurs, qu’après sa déposition » Eustathe disparaît de l’histoire : ce qui ne s’explique guère que s’il est mort jieu d’années après son exil. Socrate, H. E., iv, 14, suivi par Sozomène, H. E., vi, 13, le fait vivre jusqu’au temps de Valens (364-378), mais il y a sûrement là une confusion : car Théodoret, H. E., III, 2, col. 1089, nous apprend qu’Eustathe était mort lorsque Mélèce fut élu évêque d’Antioche (360). Duchesne, op. cit., p. 164, en note. Saint Jérôme, loc. cit., et saint Athanase, Historia arianorum, 5, P. G., t. XXV, col. 700, rapportent cet événement au règne de Constance (337-361). En ce cas, ce dut être tout à fait au début de ce règne. En elïet, Eustathe n’est plus jamais signalé dans les documents du temps de Constantin et de Constance mentionnant un si grand nombre d’évêques de situation analogue. « Athanase, Marcel d’Ancyre, d’autres encore, vont à Rome faire valoir leurs droits et protestent hautement, après la mort de Constantin, contre la sentence qui les a chassés de leur siège. Diverses amnisties impériales les ramenèrent successivement de l’exil. D’Eustathe il n’est jamais plus question, et dès 343, le concile eusébien de Philippopolis le traite comme un oublié. » Gavallera, op. cit., p. 41. Cf. p. 65-66.

D’après une tradition géorgienne, saint Eustathe serait l’évêque envoyé par Constantin avec des prêtres en Géorgie, après la conversion de ce pays par sainte Nino. Tamarati, L’Éijlise géorgienne des origines jusqu’à nos jours, Rome, 1910, p. 197-198 ; Klaproth, Voyage en Géorgie (édition allemande), t. ii, p. 160 ; Saint-Martin, dans Lebeau, Histoire du Bas-Empire, Paris, 1824, 1. 1, p. 293, note 1. Selon ce dernier auteur, cette mission d’Eustathe aurait eu lieu après 331, pendant le temps de son exil ; suivant le P. Tamarati, entre 323 et 325, pendant que le saint était évêque de Bérée. Brosset, un des écrivains les plus compétents sur l’histoire de la Géorgie, écrit à ce sujet : « Je ne connais aucun texte géorgien, ancien et authentique, qui certifie le voyage d’Eustathe en Géorgie immédiatement à l’époque de la conversion de cette contrée au christianisme. » Histoire de la Géorgie, Saint-Pétersbourg, 1849, t. i, p. 112. Cependant on pourrait peut-être admettre que l’empereur ait confié à Eustathe, mais avant sa disgrâce et son exil, le soin d’envoyer en Géorgie un évêque et des missionnaires, ce qui expliquerait la dépendance ancienne de l’Église géorgienne à l’égard du patriarcat d’Antioche. A. Palmieri, La conversione ulficiale degV Ibcri al cristianesimo, dans Oriens cliristianus, Rome, 1903, p. 171. On trouvera dans ce dernier travail les textes et références concernant cette tradition géorgienne.

Eustathe, qui avait à Antioche beaucoup de parti-