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EUPHRATÈS LE PÉRAÏIQUE


seuls ; échapper aux eaux de la corruption, c’est-à-dire de la mort, parce qu’ils connaissent tout ce qui a trait à la pénération, voici comment ils s’expliquent dans leur langage d’initiés. « La mort, disent-ils, est celle qui saisit les Égyptiens dans la mer Rouge avec leurs armes. Mais tous les ignorants sont des Égj^ptiens. Or, sortir de l'Égj’ptc, c’est sortir du corps, car le corps est une petite Egypte ; et traverser la mer Rouge, c’est traverser l’eau de la corruption qui est Cronos ; et se trouver de l’autre côté de la mer Rouge, c’est se trouver de l’autre côté de la génération (en être le résultat) ; et aller dans le désert, c’est se trouver hors de la génération ( être un homme fait), où -sont ensemble tous les dieux de la perdition et le dieu du salut. Les dieux de la perdition, ce sont les astres qui imposent aux êtres la nécessité de la génération sujette au changement des formes. Ce sont ceux que Moïse appelait serpents du désert, mordant et corrompant ceux qui croyaient avoir traversé la mer Rouge. Moïse fit donc voir aux enfants d’Israël, qui avaient été mordus dans le désert, le serpent véritable et parfait. Ceux qui avaient foi dans ce serpent n'étaient pas mordus dans le désert, c’est-à-dire par les puissances. Personne donc, disent-ils, n’est capable de sauver et de délivrer ceux qui sortent de la terre d’Egypte, autrement dit du corps et de ce monde, excepté seulement ce serpent, parfait en toute plénitude. Celui qui espère en lui ne sera pas empoisonné par les serpents du désert, c’est-à-dire par les dieux de la génération. C’est écrit dans le livre de Moïse. Ce serpent, c’est la puissance qui accompagnait Moïse, la verge qui se changeait en serpent. Or, les serpents des mages, les dieux de la perdition luttèrent contre la puissance de Moïse en Egypte ; mais la verge de Moïse les soumit et les corrompit tous. Ce serpent universel, c’est la sage raison d' Eve, le mystère de i'Éden, le fleuve qui sort de rÉden, le signe placé sur Caïn. C’est Caïn, dont le dieu de ce monde n’a pas agréé le sacrifice, tandis qu’il reçut le sanglant sacrifice d’Abel, car le maître de ce monde se plaît dans le sang. C’est celui qui parut dans les derniers jours, sous forme d’homme, du temps d’Hérode. Il fut à l’image de Joseph, celui qui fut vendu par ses frères, et qui seul portait un vêtement de diverses couleurs. Il fut à l’image d'Ésaii, dont la robe fut bénie, bien qu’il fût absent… De la même manière que Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut qu’ainsi le Fils de l’homme soit élevé. A son image fut le serpent d’airain dans le désert, celui que Moïse éleva. De lui seul l’image est perpétuellement en vue dans le ciel, par l’effet de sa propre lumière. C’est de lui qu’il est dit : « Au commen « cément était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le il Verbe était Dieu. Il était au commencement eu Dieu. « Tout par lui a été fait, et sans lui rien de ce qui existe .' n’a été fait. En lui était la vie. » Or, en lui, disaient-ils, Eve existe, Ève-vie. Eve elle-même est la mère de tous es vivants, la commune nature, à savoir, des dieux, des anges, des immortels, des mortels, des êtres sans raison et des êtres doués de raison ; car qui dit tous parle absolument de tout. Si quelqu’un a les yeux affermis par le bonheur, celui-là pourra voir, en élevant ses regards vers le ciel, une belle image du serpent dans ce grand principe qu’est le ciel. Elle tournoie et est le principe de tout mouvement pour tous les êtres existants. Alors il reconnaîtra que sans lui rien ne subsiste, ni dans les choses terrestres, ni dans les choses célestes, ni dans les souterraines, ni la nuit, ni la lune, ni les fruits, ni la génération, ni l’abondance (grossesse), ni le voyage (enfantement), ni absolument aucun des êtres n’est autrement qu’il ne le prescrit. C’est en cela que consiste le grand prodige aperçu dans le ciel par ceux qui ont la force de voir. » Philosoph. Y, H, 16, p. 200-203. On devine plutôt qu’on

ne voit clairement ce qui se cache sous cette idéologie bizarre en apparence ; car tout cela, pour des initiés aux mystères de la secte, avait une signification précise, celle de choses qu’on ne dit pas publiquement. 2° Genèse.

D’après les pérates, continue l’auteur

des Philosophoumena, « le tout est Père, Fils et Matière ; et chacun des trois possède en lui-même des puissances infinies. Celui qui s’interpose entre la Matière et le Père, c’est le Fils, le Logos, le Serpent, qui se meut toujours vers le Père immobile et vers la Matière en mouvement. Tantôt il se tourne vers le Père et il reçoit de lui les puissances sur sa propre face ; puis il se tourne vers la Matière qui, étant privée de toute qualité et de toute forme, exprirrie en ellemême les idées en vertu du Fils, que le Fils exprime en lui-même en vertu du Père. Or, le Fils exprime en vertu du Père d’une manière mystérieuse, ineffable et constante, de la manière que, suivant le dire de Mo’ise, les couleurs des agneaux découlaient des baguettes placées autour des abreuvoirs ; de même, à leur tour, les puissances découlent dans la Matière en vertu du Fils, selon la conception de la puissance, qui passait des baguettes dans les agneaux. Or, la différence des couleurs et la dissemblance qui découlait des baguettes à travers les eaux dans les brebis, c’est, disentils, la différence de la génération corruptible et incorruptible. Et mieux, comme lui peintre, sans rien enlever à ses modèles, transporte toutes les idées sur la toile en les traçant avec son pinceau, ainsi le Fils, par sa propre puissance, transporte du Père à la matière les caractères paternels… Si quelqu’un, disentils, vient à se persuader qu’il est le sceau du Père transporté d’en haut ici-bas, et incarné, comme par la conception qui provient de la verge, il devient blanc, complètement égal au Père par la nature, et il retourne au ciel. Si, au contraire, cette doctrine lui échappe, et s’il ne reconnaît pas la nécessité de la génération, alors comme un avorton engendré dans la nuit, il périt dans la nuit. Quand le Sauveur dit : « Votre Père qui est aux deux, » il parle de celui dont le Fils a reçu les caractères et les a transportés ici-bas. Mais quand il dit : « Votre Père est homicide dès le commencement, » il parle du maître et de l’ouvrier de la matière qui, ayant reçu les caractères transmis par le Fils, les a engendrés ici-bas, et est homicide dès le commencement, car, par son œuvre, il produit la corruption et la mort. Personne donc ne peut se sauver, ni s'élever au ciel sans le Fils ; or le Fils, c’est le serpent. De même, en effet, que le Fils a fait descendre d’en haut les caractères du Père, de même il fait remonter d’ici ceux qui ont été réveillés et sont devenus les caractères paternels, selon cette parole : « Je suis la porte. » Philosoph., V, ii, 17, p. 204-207.

Ici intervient une comparaison empruntée aux phénomènes physiques de l’attraction : celle de la naphte qui attire le feu, de l’aimant qui attire le fer, de l'épervier de mer qui attire l’or, de l’ambre qui attire la paille. Et l’on conclut : de même l’image parfaite et la race consubstantielle, et rien autre, est de nouveau attirée par le serpent hors du monde, comme elle y avait été introduite par lui. Enfin, une dernière comparaison est empruntée à l’anatomie physiologique, telle que la concevaient les anciens ; et les pérates l’appliquent à l’ensemble du monde. Ils assimilent, en effet, l’encéphale de l’homme au Père, à raison de son immobilité, et le cervelet au Fils, parce que le cervelet est mis en mouvement et qu’il a la forme d’un serpent. Le Fils-serpent, ainsi comparé au cervelet, attire à soi par la glande pinéale, d’une manière indicible et sans laisser de trace, la substance pneumatique et génératrice qui découle de la voûte supérieure du crâne. Et de même que le Fils transmet les idées ou caractères paternels à la