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DIEU (SON EXISTENCE)


signiflcat in Deo perfectionem et connolat in homme capacitateni. Convenienlia ergo nihil aliud essepotest quant denominalio orla ex Itujusmodi rébus et eorum coexistentia seu connexione.- lllud ergo objectum hanestum est taie quale exigil dignilas seu capacilas naturne hunianx secanduni propriam inclin a tionem naturalem. lbid., disp. II, sect. ii, n. 17. C’est donc une perfection intrinsèque de Dieu d'être tel que seul il soit le bien qui peut satisfaire nos tendances foncières et aussi nos tendances morales et religieuses. Cette perfection de Dieu ne nous est pas manifestée directement non plus que l’existence divine. Mais, pour parler avec saint Thomas qui a fait l’emprunt de cette terminologie à lioèce, l’idéal d’unité, de vérité, de bonté, de justice, de perfection morale qui jaillit de l’activité de nos puissances, n’est autre chose qu’une certaine similitude de Dieu, un de ses effets plusexpressifsque d’autres de ce qu’il est en lui-même. Le lecteur sait pourquoi de cette similitude on ne peut pas sans inférence causale ou téléologique remonter avec certitude à l’existence de Dieu. Mais dès que nous sommes assurés de son existence par une autre voie, comme la preuve même qui nous amène à reconnaître cette existence nous le découvre supérieur à nous et à ses œuvres, nous ne pouvons avoir aucun doute sur son excellence. Cette excellence perçue par l’esprit, mise en face de notre misère, des besoins de notre intelligence et de notre cœur, nous amène par l’application spontanée du principe de finalité interne à comprendre qu’il est objectivement et en soi notre idéal. Ce sont des jugements de nature, dont n’arrivent à se débarrasser ni les impies ni même les athées. Ils gardent, en effet, si bien cette idée que Dieu ne peut être que d’une souveraine élévation morale et ils sont si persuadés que tout le monde en juge ainsi, que leurs blasphèmes et leurs arguties tirées de l’existence du mal n’ont pas d’autre but que de chasser en eux ou dans les autres cette obsédante idée, qui malgré tout survit. Bien plus, une application spontanée du principe de causalité nous apprend très vite que Dieu est bien supérieur à tout notre idéal ; car l’idée même que nous nous formons de la vérité, de la bonté, de l’excellence morale est, comme tout le reste, une des choses qu’il a faites.

Sans doute, l’enfant qui arriverait par lui-même à la connaissance de l’existence de Dieu serait absolument incapable de démêler l'écheveau complexe des procédés logiques impliqués dans ses actes directs ; il n’est d’ailleurs pas probable ni nécessaire que tous les actes indiqués dans cette analyse se produisent tout d’un coup. Mais on voit que l’analyse des scolastiques rend bien compte de la possibilité d’arriver à connaître rationnellement Dieu de manière à commencer la vie morale et religieuse. Elle tient compte aussi de ce que les Pères ont si souvent répété sur le rôle des dispositions morales dans la connaissance religieuse. On a souvent dans les récentes controverses interprété les Pères comme s’ils faisaient dépendre la première idée de Dieu des dispositions morales. C’est une erreur. Les Pères supposent Dieu spontanément connu ; leur but est plus de dégager l’idée de Dieu de la gangue où elle gît dans l'âme de leurs contemporains infidèles, que de la faire naître. Unusquisque judicat secundum quod af/icitur, dit Aristote. Cela est surtout vrai en matière morale, comme le remarque saint Thomas. Étant donc donné le grand rôle que jouent nos idées morales dans le développement de notre idée de Dieu, il n’est pas surprenant que les Pères aient souvent attribué les erreurs des païens à leur mauvaise vie. Cela toutefois ne veut pas dire que les dispositions morales soient l’unique moyen d’arriver à connaître avec certitude l’existence de Dieu. Voir t. i, col. 2333, 2336.

Cependant, bien qu’aucun argument par la moralité ne soit nécessaire pour expliquer la connaissance spon tanée de Dieu et comprendre comment par un pr< i très simple l’homme se trouve mis à même de tendre par son activité libre a sa fin dernière, les théologiens se sont demandé s’il n'était pas possible que l’homme arrive à connaître rationnellement Dieu par le seul fait de la conscience morale. Ils ne sont pas du même avis à ce sujet. Leur désaccord ne porte pas précisément sur la possibilité de remonter à Dieu d’une mai ; réfléchie par les faits moraux, mais sur l’ordre logique de cette démarche. Donc, beaucoup de théologiens pensent que par le texte, Rom., ii, 14 sq., on peut prouver que d’après saint Paul les païens ont connu Dieu ; car, disent-ils, ils ont connu la loi et la loi coiniieles obligeant ; mais une telle connaissance de la loi suppose la connaissance antérieure du législateur ; don-c ils avaient cette connaissance. Cf. Franzelin, De ! uno, th. ni, n. 3. Les autres théologiens, au contraire, soutiennent que le même texte permet de raisonner ainsi : les païens ont connu Dieu par le fait même du dictamen ; car le diclamen manifeste Dieu implicitement et un raisonnement très facile permet de remonter par lui à Dieu explicitement. Cf. Hontheim, op. cit., n. 38. Cette question a été grandement étudiée au xvii c siècle à propos du péché philosophique. Voir ce mot.

J’emprunte, en me bornant à notre sujet actuel, l’exposé de la question au P. Le Tellier, dans un opuscule anonyme, L’erreur du péché philosophique combattue par les jésuites, Liège, 1692, p. 234. On distingue deux idées différentes sous lesquelles Dieu peut être connu : celle de premier principe qui a fait toutes choses, et celle de juge des actions humaines, témoin et vengeur des péchés les plus secrets. Or, quoi qu’il en soit de cette vérité qu’il y a un créateur de l’univers ; soit que des barbares la puissent ignorer longtemps invinciblement ou non ; on s’occupe ici de celle-ci, qu’il y a un souverain juge qui défend le mal et qui doit le punir. On imagine donc un jeune sauvage qui. étant parvenu à l'âge de raison, est déjà assez éclairé pour savoir que le parricide ou l’inceste par exemple est un grand péché, mais qui faute d’esprit ou d’instruction, et d’ailleurs tout occupé du soin des nécessités de la vie au milieu des forêts, n’a encore fait aucune réllexion qu’il existe une divinité. On suppose d’ailleurs que. n’ayant jusque-là commis aucun crime, il se trouve sur le point d’en commettre un avec autant d’advertance et de liberté qu’il lui en faut pour être coupable d’un péché grave. Cela supposé, voici comment ce sauvage pensera alors à Dieu pour le moins confusément et implicitement. Comme il n’est pas encore endurci par une habitude criminelle, il ne saurait manquer de sentir à la vue du crime un reproche intérieur de sa conscience et une secrète appréhension de quelque châtiment. Or ce reproche et cette appréhension qu’il ressent malgré lui, lors même qu’il n’a rien à craindre du colé des hommes, d’où lui peuvent-ils venir que d’un sentiment occulte, par lequel il entrevoit, pour ainsi dire, qu’il y a quelqu’un au-dessus de lui qui sait son crime, qui le défend et qui est en état de le punir ? S^r.s doute que si l’on interrogeait alors ce barbare et que, rentrant en lui-même, il développât ce qui se passe dans son cœur, il avouerait que c’est de là que procède le remords qui le détourne du mal avant qu’il le commette et qui lui en fait sentir la peine après qu’il l’a commis. Le barbare ne commet donc point ce crime sans avoir quelque notion et quelque pensée d’un Dieu, au moins confuse et implicite, qui suffit pour exclure l’ignorance invincible et pour faire que le péché soit une vraie offense de Dieu. Et si le premier crime est un péché théologique, il est impossible que tous les suivants ne le soient aussi. Cf. Viva, Cursus théologiens, De Deo uno, part. I, q. i, a. 1, n. 6.

Les thomistes expliquent généralement d’une autre