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DIEU (SON EXISTENCE)

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humain soient nominalistes ? Autant vaudrait soutenir que l’homme commence par douter de la réalité du monde extérieur, que les enfants qu’on vient de sevrer se livrent au doute méthodique, etc. Soit une abstraction dégagée de l’expérience, par exemple celle de la série des espèces botaniques ; c’est déjà une grave faute de méthode de proposer cette abstraction comme une formule rationnelle, objective et nécessaire du développement du monde végétal. Que faut-il penser de l’acribie logique de ceux qui transportent dans le monde des réalités humaines et donnent pour des faits universels, leurs attitudes intellectuelles les plus artificiellement acquises, des vues abstraites qui n’ont d’autre fondement que des réllexions de l’esprit sur sa propre activité, après qu’on s’est mis par système et préjugé d'école dans l’hypothèse contre nature de la subjectivité des relations de cause à effet, de substance à propriété?

Solution scolaslique.

1. L’idée obscure de Dieu n’est pas le résultat d’une inférence ; 2. comme l’est l’idée spontanée, personnelle, mais confuse de Dieu ; 3. la première certitude rationnelle et personnelle de l’existence de Dieu confusément conçu est le résultat d’une inférence ; 4. dont on admet généralement trois procédés.

Bien que l’idée de Dieu ne nous vienne pas de l’enseignement social comme le prétendaient les traditionalistes ; bien que « le Dieu de la religion ne soit pas posé par l’imagination collective spontanée, » comme l’a sans preuves affirmé M. Belot au troisième congrès international de philosophie, cf. Revue de métaphysique et de morale, novembre 1908, p. 718 ; nous reconnaissons que la plupart des hommes acquièrent en fait leurs premières idées religieuses par l'éducation aussi bien parmi les infidèles que parmi les chrétiens. De là vient l’extrême importance de la première éducation. Mais nous ne nous occupons pas ici de l’idée de Dieu acquise par cette voie de l’enseignement social ni des retards et des déformations que l'école neutre, la morale sans Dieu, ou l’enseignement polythéiste peuvent apporter à la connaissance spontanée de Dieu. Cf. Hontheim, op. cit., n. 615, a. 3. Voici, en court, comment les scolastiques expliquent la genèse de cette connaissance.

1. L’idée obscure deDieu n’est pas le résultat d’une inférence, c’est plutôt une simple appréhension, issue d’une réllexion spontanée de l’esprit sur ses tendances fondamentales. C’est ce que signifie Jean de Saint-Thomas, quand, par opposition à l’idée confuse de Dieu acquise par inférence, il parle du concept quidditatif de l'être in commuai. In l 3 -'", q. il, disp. III, a. I, n. 10. Cela suit du moyen terme qu’emploie saint Thomas pour montrer l’universalité de l’idée obscure de Dieu : l’homme connaît d’abord Dieu in communi, ut scilicet appelât naturaliler se esse coniplelum in bonitate. De veritate, q. xxii, a. 7. Ce qui est vrai de l’idée de bien, l’est également de celle d'être, d’unité, de vérité, comme il est facile de s’en rendre compte. Cf. pour l’unité, S. Augustin, De libero arbilrio, l. II, c. viii, P. L., t. xxxii, col. 1251 ; De vera religione, c. xxxii-xxxiv, t. xxxiv, col. 149 ; pour la vérité, De libero arbilrio, ibid., c. ix sq. ; pour le bonheur, Confessioncs, l. X, c. xxi sq., t. xxxii, col. 792 ; De Trinitate, l. VIII, c. vi sq., t. xlii, col. 953. On a dit plus haut, col. 855, que M. Mallet a raison de penser que les données fondamentales de la philosophie del’Action sont identiquesà quelques-unes des données de la scolastique ; on a montré aussi, col. 820, que les scolastiques n’ont pas ignoré ce que M. Mallet appelle cognitum ex aclione et volitionc elicilum, sans pour cela tomber dans le sentimentalisme. Il leur suffisait d’avoir lu saint Augustin pour en être instruits ; et saint Thomas en fait expressément la remarque à propos du passage des Confessions auquel nous venons de renvoyer le lecteur. Saint Augustin

dit-il, parle d’un triple mode de connaissance : Terlius modus est eorum quæ pertinent ad partent affectivam, quorum ratio cognoscendi non est in intellectu sed in ajfeclu ; et ideo non per sui prsesentiam, quæ in affecta, sed per ejus notitiam vel rationem quæ est in intellectu, cognoscuntur, sicut per immedialum principium, etc. De veritate, q. x, a. 9, contra, ad 1°'", 3 ii, n ; a. 11, ad 6 U '".

2. L’idée spontanée, personnelle, mais confuse de Dieu est le résultat d’une inférence. — Nous n’avons pas à répéter ici ce que nous avons dit, d’une part, contre les nominalistes qui nient la possibilité d’une vraie connaissance de Dieu par inférence, col. 782, d’autre part, contre les pseudo-mystiques qui ne connaissent pas d’autre origine à notre idée valable de Dieu que le sentiment ou l’expérience intérieure, col. 797, 816. Hontheim, op. cit., n. 72. Rappelons seulement que dans l'École l’innéisme cartésien est écarté, soit parce que contre l’expérience il se donne l’idée d’infini et la prête à tous, soit parce que le petit fait du sauvage alliée par ignorance le contredit, col. 840 sq. Les doctrines strictement intuitionistes sont écartées, parce que la vision naturelle immédiate de Dieu est impossible. Voir Ontologisme, et col. 839. On écarte également les théories diverses d’après lesquelles le concept spontané et premier d'être in communi nous représenterait Dieu sans inférence aucune, d’abord et surtout parce que Dieu n’est pas l'être en général, mais la plénitude de l'être, S. Thomas, Contra gentes, l. I, c. xxvi ; d’où il suit que l'être en général ne signifie pas déterminément Dieu, mais seulement in communi. Que si l’on prétend que la plénitude de l'être au concret est l’objet de notre première intuition, on répond que l’observation psychologique récuse cette assertion, de même que celle des panthéistes qui prétendent que la totalité de l'être, l’Absolu, est le contenu de notre concept abstrait d'être. De veritate, q. i, a. 1 ; q. x, a. 11, ad 10 u °> ; Sum. llieol., . q. lxxxviii, a. 3. Cf. Franzelin, De Deo uno, Rome, 1883, th. xxiv. En d’autres termes, l’idée de la plénitude concrète de l'être aussi bien que celle de la collection totale des êtres sont des idées élaborées et non pas le concept primitif et spontané de l'èlre en général. Voir col. 787. Ces exclusions faites, on conclut que l’idée confuse de Dieu s’acquiert par inférence et qu’elle est par conséquent ce que les logiciens appellent un concept discursif. Cf. Hontheim, op. cit., n. 29, 39.

Le rôle du discours, du syllogisme proprement dit, peut être très saillant. Supposons un homme instruit, mais ignorant Dieu, qui se pose la question philosophique suivante : la série des causes subordonnées peut-elle être infinie ? Si au bout de ses déductions, il conclut à la négative, la conclusion à laquelle il parvient lui fournit l’idée de la cause première. L’inférence peut être d’un autre ordre. Qu-on reprenne les trois groupes de formules par lesquelles les théologiens ont l’habitude d’exprimer l’idée confuse de Dieu : il s’agit, une fois qu’on a les idées simples d'être, de cause et de maître, de passer à l'être de fait et relativement le plus grand, à la cause de fait du monde et de l’ordre du monde, à l’auteur et au vengeur de la loi morale, ou sous des termes plus abstraits au bien à qui tout doit être sacrifié et qui doit être préféré à tout le reste, etc. Or, rien n’est plus facile que le passage des idées simples d'être, de cause, de maître, aux suivantes. Ajoutons que rien n’est plus spontané qu’une telle démarche de l’esprit. Et cette spontanéité s’explique fort bien par les tendances de notre raison spéculative et de notre raison pratique, vers l’unité, et par notre besoin de nous expliquer à nous-mêmes le monde, notre faculté de connaître et plus encore nos facultés, indigences et aspirations morales et religieuses. Telle est en peu de mots la genèse psychologique de