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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE)

SGO

texte du concile, et quelles sont les conséquences de la doctrine révélée sur les théories de la raison. Il ne reste plus qu'à répondre à une dernière thflicu 1 1<'- en exposant le seul mot du canon conciliaire que nous n’avons pas encore expliqué. Il s’agit dans notre texte de la raison naturelle. Ce mot, tout le monde en convient, a été voté par le concile en vue d’exclure le traditionalisme. Cette hérésie admettait que l’homme, tel qu’il est, n’a pas les forces rationnelles suffisantes pour arriver à la connaissance certaine de Dieu ; il lui fallait donc un secours, une aide, pour suppléer à son insuffisance ; cette aide était la révélation proprement dite, cette révélation qui est, d’après l’Ecriture, strictement surnaturelle, c’est-à-dire indebila. En employant le mot naturel, le concile a eu explicitement en vue d’exclure ce secours surnaturel qui est la révélation ; et dous avons déjà dit que le texte de saint Paul, qui parle des païens qui n’ont pas la révélation, a bien ce sens.

1. Questions.

Ici certains apologistes cherchent à greffer leurs théories sur le texte du concile. Voici comment. Le concile, disent-ils, n’a exclu par le mot naturali que cette espèce particulière de secours, qui est la révélation proprement dite. Mais, puisque les Pères ont admis, par exemple, les théories de l’illumination et de la pur galion, puisque certains théologiens ont admis des secours surnaturels pour la première connaissance de Dieu, on peut concevoir et admettre la nécessité de secours autres que la révélation proprement dite, sans lesquels la raison ne peut pas parvenir à la connaissance certaine de Dieu. Or, si l’on admet la nécessité, et par conséquent la réalité historique de tels secours — lesquels ne sont pas exclus par la’définition conciliaire — le premier assentiment certain donné à l’existence de Dieu n’est plus nécessairement déterminé par le seul poids des preuves ; il n’est donc plus simplement rationnel. D’où il suit que, sans contredire en rien le concile du Vatican, on peut très bien concéder que le pouvoir physique de connaître Dieu avec certitude ne gît pas dans les principes intrinsèques et constitutifs de notre nature : sinon, il faudrait dire que le concile du Vatican a défini la possibilité de l'état de nature pure, ce que nul n’accordera. On peut donc, tout en restant fidèle au concile, concéder aux philosophies modernes, qu’en réalité nous n’avons intrinsèquement en nous aucun principe -naturel par lequel nous soyons capables d’atteindre et de distinguer l’absolu. Cette opération n’est possible que grâce à un secours de Dieu, à une action divine ; et de la sorte, sans admettre la doctrine de l’immanence, nous pouvons très bien, tout en restant catholiques, en admettre la méthode. Nous dirons donc que dans la connaissance religieuse, l’action divine supposée, tout croît du dedans ; qu’il suffit de l’observation psychologique pour expliciter avec une infaillible sûreté le contenu de l’action divine, confié au travail de la vie ; que la croyance en Dieu est une forme de l'être moral, que par son action Dieu ramène à lui ; que la connaissance intellectuelle de Dieu n’est que le rellet de la vie morale et religieuse ; et, comme les théologiens, à bon droit, rejettent l’agnosticisme dogmatique et veulent porter sur Dieu en soi des jugements objectifs, nous ajouterons que ce reflet ne va pas sans un nexus objectivus avec la réalité. Sur ce dernier point, il est vrai, notre doctrine se séparera des philosophies issues de Kant. Mais notre apologétique nouvelle aura l’immense avantage de tenir compte de ce fait, signalé par M. Blondel, que « la pensée moderne, avec une susceptibilité jalouse, considère la notion d’immanence, comme la condition même de la philosophie. »

Ces quelques lignes résument fidèlement, croyonsnous, la pensée un peu confuse qui, ces dix dernières années, a inspiré beaucoup d’articles, parus dans la

Revue du clergé français, dans les Annales de philosophie chrétienne, dans The New York Heview et ailleurs. Pour soutenir celle méthode d’apologétique, on a cherché chez les anciens théologiens diverses théories sur le surnaturel, absolu et relatif ; on a travaillé à enrégimenter les cardinaux Newrnan et Dechamps ; on a discuté de l'état de nature pure ; on a découvert « le point de départ de la recherche philosophique, » etc. Tous ceux qui ont pris part à la lutte contre les positions classiques, ne s’en écartaient pas également ; et bien que des modernistes avérés, c’est-à-dire des agnostiques, se soient servis des vues émises en faveur de la méthode d’immanence ou du dogmatisme moral, nous ne reviendrons pas sur l’agnosticisme ; mais il reste, après tout ce que nous avons dit, à traiter à part du problème des rapports de la nature et de la grâce, dans la connaissance de Dieu. La question à laquelle il nous faut répondre est donc la suivante : Cette apologétique nouvelle, en tant qu’elle s’appuie sur la doctrine des auxilia, pour expliquer notre première idée valable et certaine de Dieu, est-elle conciliable avec le concile ? Nous n’oublierons pas plus que dans ce qui précède, que les textes dogmatiques sont striclissirnse interpretationis. Acta, col. 131.

2. Réponse.

a) Les théologiens divisent les secours divins, auxilia, en deux grandes catégories : les naturels ou débita, et les surnaturels ou indebita. Les secours naturels comprennent le concours général, sans lequel aucune créature ne peut agir ; les secours spéciaux, exigés pour un acte déterminé, par exemple, pour que l’intelligence passe à l’acte ou pour que la volonté soit excitée et rende l’intelligence attentive : c’est à cette classe que se rapportent, si on les déclare nécessaires, l’idée innée cartésienne, l’illumination, la purgation, les dispositions morales, l’exemple des autres, l’enseignement social, etc. Les secours surnaturels sont destinés à élever les puissances à l’ordre divin, sans tomber sous le champ de la conscience, par exemple, la grâce infuse du baptême ; ou bien, ils excitent nos puissances à l’acte, par exemple, les grâces actuelles qui éclairent et sollicitent la volonté. Ces derniers secours, relativement à l’objet qui nous occupe, sont de deux espèces : per modum mère subjectivi, et per modum objectivi. On appelle secours objectif, tout ce qui se tient du côté de l’objet ; et purement subjectif, ce qui influe sur l’acte sans constituer une présentation de l’objet et sans varier la nature ou la force perçue des motifs d’adhésion. En d’autres termes, est dit « secours objectif », ce qui se présente à l’esprit comme objectif ; « subjectif », ce qui inllue sur l’acte sans constituer un objet. Par exemple, la révélation proprement dite est un secours objectif, parce qu’elle présente l’objet, et le motif d’adhésion : l’autorité divine. Mais, si nous supposons qu’en même temps que Dieu révèle une proposition au prophète, il agit sur ses puissances pour les inclinera l’assentiment, cette action qui, par hypothèse, ne constitue pas l’objet proposé à l’adhésion du prophète et ne varie pas la nature ou la force perçue du motif d’adhésion, qui, dans l’espèce, est l’autorité divine, est appelée secours purement subjectif. Ainsi, dans cette terminologie, l’hérésie traditionaliste consistait à soutenir que, sans un secours objectif, la raison de l’homme ne peut pas à l’aide des créatures connaître Dieu avec certitude.

De ces divers auxilia quels sont ceux que le concile a exclus, quels sont ceux où le champ reste ouvert aux opinions ? — a. Le mot « naturel » du concile exclut la nécessité de tout secours per minium objectivi, c’est-àdire précisément l’erreur traditionaliste. Acta, col. K10. h’où il suit que si l’on requiert un secours de cette espèce, en soutenant que, sans lui, l’homme n’a pas le pouvoir physique de connaître Dieu avec certitude, on est condamné. On est condamné, soit parce qu’on pro-