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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE

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même les objets spirituels, dans l’acte le plus épuré de l’intelligence, a une représentation concomitante dans notre imagination, et par suite émeut d’une certaine manière nos puissances affectives sensibles. D’où il arrive, observe de ConincU, que si notre piété produit un acte d’amour de Dieu très sensible, nous éprouvons aussi une certaine douceur dans tout notre être : Cor nieum et caro mea exultaverunt in Deunt vivum. l’s. lx.xiii, 3. Ile là naît dans nos puissances inférieures une inclination aux appréhensions et aux affections de même nature. Kl celle inclination est très utile pour faciliter à la volonté les actes surnaturels, soit parce que cette inclination fait disparaître les empêchements que la partie sensible de notre êtreapporte souvent aux actes de la partie supérieure, soit parce que, grâce à cette inclination, l’intelligence est excitée et aidée à proposer son objet à la volonté avec plus de perfection et plus de force. L’objet étant ainsi proposé, l’imagination le présente à sa manière à l’appétit sensible, qui d’un mouvement nécessaire se porte à lui, in objectum aliquo modo simile corporali modo apprehensum. D’où il suit que l’objet religieux apparaît à la volonté libre d’autant plus digne d’amour que cette puissance est sollicitée à l’acte, à la fois, par l’objet vivement présenté par l’intelligence, et par l’état émotionnel de la partie inférieure. A la lumière de cette explication, il nous semble qu’on se rend assez compte pourquoi, dans certaines expériences religieuses, la connaissance parait venir du dedans, du cœur, et non du dehors, du cerveau. Mais on a tort de conclure que, dans ces cas, le réel n’est pas atteint par la connaissance abstraite, par l’intelligence. Si on retranche cet élément, on tombe dans le subjectivisme et dans le relativisme radical.

4. On objecte enfin : La vie intérieure nous donne une certitude sui generis de la réalité de l’objet religieux. Donc cet objet n’est pas alteint par les notions. — Réponse. — Les théologiens concèdent que la répétition des actes surnaturels engendrent une habitude de ces actes. Actuellement, la plupart des théologiens admettent que cette habitude est naturelle. La raison qu’ils en donnent est le fait d’expérience suivant. Le fidèle qui devient hérétique formel perd tous ses dons surnaturels : cependant il lui reste, s’il était théologien, Vhabitus acquis de la théologie ; et, bien qu’il n’ait plus la foi, il lui reste, pour les articles qu’il admet encore, une fermeté et une certitude subjectives d’adhésion à ces articles, dont il a conscience. Cet habilus n’est pas surnaturel maintenant, puisque, par hypothèse, tous les dons surnaturels sont perdus ; il est donc naturel ; et, s’il est actuellement naturel, il l’était quand l’hérétique avait la foi. On admet donc, en même temps que la certitude de la foi proprement dite, qui repose sur l’autorité du témoignage divin, une certitude naturelle des vérités révélées, acquise par la pratique de la vie spirituelle. Les modernistes réduisent la certitude de la foi à cette certitude naturelle acquise. C’est ce que l’on ne peut pas leur concéder. De l’existence de cette certitude naturelle, ils concluent à la non-valeur ontologique de l’assentiment ferme, donné aux propositions révélées précisément parce qu’elles sont la parole de Dieu. Encore une fois, la conséquence ne vaudrait que si l’on prouvait par ailleurs que les formules abstraites ne représentent pas le réel et nous ont été transmises, uniquement comme des types d’expériences religieuses, et non pas tout d’abord comme des manifestations des réalités divines, garanties par le témoignage divin.

Études sur le décret Lamentabili, lire à part de V Univers, août 1907 ; Heiner, Dcr neue Syllabus Pins.Y. 2’âdit., Mayence, 1908 ; Michelitsch, Der bibliscli-tlog » iatiscl>er Syllabus Pius A sarm dcr Encyclica gege>i den Modernismus’2’édit., Ciraz.

1908.


X. Erreurs sur la possibilité de la connaissance certaine de Dieu par la raison naturelle visées par le concile du Vatican

Le concile se proposa de condamner : L » le traditionalisme, Acla, coi. 79, 131. 2° l’erreur très répandue depuis les encyclopédistes fran et depuis l’apparition de la philosophie critique en Allemagne, qui consiste à nier la possibilité de connaître Dieu par la raison, soit faute d’arguments valables, soit pareeque les impressions dites intuitions sensibles sont seules l’objet réel de la connaissance, ralii per se nihil eognoscere, sed tantum percipeve, Acla, col. 520, 79, 8(3, 129 sq. ; 3° ceux qui nient la possibilité ou la légitimité de la théodicée, qui tlieologiam naturalem negant.Acta, col. 1 18, 127. Le concile a condamné’les partisans d’une religion exclusivement naturelle : dans l’ordre de providence où nous sommes, elle est insuffisante. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas une science naturelle de Dieu et des mœurs : scientia de Deo et rébus moralibus ; l’expression est du concile, Denzinger, n. 1658, qui ne l’emploie pas pour la rejeter, mais simplement pour avertir de leur erreur ceux qui confondent la théodicée et la morale avec la foi proprement dite. 4° Le concile n’a pas entendu définir seulement la possibilité d’une connaissance de Dieu abstraite, sans inlluence sur la vie morale et religieuse. La connaissance de Dieu, dont il affirme que la raison naturelle est capable, est une connaissance telle que la conscience de nos principaux devoirs envers Dieu en découle. En effet, un des membres du concile ayant proposé un amendement qui indiquait explicitement que la connaissance de Dieu dont on définissait la possibilité, emporte avec elle la connaissance de nos principaux devoirs moraux et en particulier de la religion naturelle, Acta, col. 121, emend. 11, la correction fut rejetée comme superflue sur l’observation suivante que fit le rapporteur : « Nous disons que l’homme peut connaître Dieu, « principe et fin de toutes c choses ; » notre formule énonce donc aussi que l’homme peut connaître ses principales obligations morales. Car personne ne peut tendre à Dieu, auteur de la nature, comme à sa fin naturelle, sans connaître au moins ses principaux devoirs envers Dieu. » Acta, col. 133, 507 sq. Le concile admet donc, antérieurement à tout acte de foi, la possibilité d’une théodicée dont la certitude et l’étendue permettent à l’homme de commencer sa vie morale et religieuse. D’ailleurs, parmi ces devoirs, le concile énumère plus loin celui de se soumettre à la révélation ; il suppose donc qu’avant la foi l’homme peut arriver par sa raison à une connaissance de Dieu telle qu’elle puisse servir de préambule à la foi. Mais une telle connaissance ne peut pas être sans quelque jugement de portée ontologique sur la nature intrinsèque de Dieu.

XI.

Les passages du concile qui touchent directement à notre sujet sont les deux suivants :

Eadem sancta mater Eccle— La même sainte Église, notre

sia tenet et docet Deum, re— mère, tient et enseigne que

rum omnium principiutn et par la lumière naturelle de la

Bnem, naturali humanse ratio— raison humaine, Dieu, prin nis luminee rébus creatis cipe et fin de toutes il

ccrlo cognesci p"s^e : invisibi— peut être connu avec certitude

lia enim ipsius, a creatura an moyen des choses créées ;

mundi. per ea quse facta sunt, car depuis la création du

intellecta, conspiciuntur ; at— monde, ses invisibles perfec tamen placuisse ejus sapientiæ tions sont vues par l’intelli el bonitati, alia, eaque su— gence des hommes au moyen

pernaturaii via, seipsum ac des êtres qu’il a faits ; que

a tenu voiuntatis sua ; décréta néanmoins il a plu à la sagesse

liumano generi revelare, di— et à la bonté de Dieu de se ré

cente apostolo : Multxfariam voler lui-même et les éternels

mullisque modis olim /’eus décrets (le sa volonté, par

loquens patribus in proplie— une autre voie et cela par

lis ; novissime, diebus istis une voie surnaturelle. C’est ce

locutus est nobis in Filio. que dit l’apôtre. Aprcsavoir