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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE ;

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nem nenio novit per experientiam et saporem, nui qui illud gustat et sapit. Sicul enim sapor sapiendo, iia amoi' amando practicecognoscitur, gu8latur et sapitur. Quesnel confond donc deux choses : la connaissance qui assure le salut, expérimentale, et la connaissance purement spéculative, de pure foi ; et il donne tellement d’importance à la première qu’il conclut à la nullité de la seconde comme Molinos ou Ritschl.

Sur les propositions de Quesnel, voir Greg. Kurlz, O. S. B., Theologia suplristica in compeiulio délecta, Bamberg, 1736 ; il examine 537 propositions condamnées ; Calatayud, Uivus Thomas, Valence, 17'ii, t. ii, et pasaim ; l’auteur s’occupe beaucoup des faits mystiques allégués alors comme aujourd’hui ; Jac. de la Fontaine, Constitutio Unigenitus iheotogice propugr.ata, 4 in-fol., Dillingen, 1720, où l’ordre des propositions est suivi ; les textes scripturaires et patristiques. cités par Quesnel et ses défenseurs, sont rapportés et discutés.

Pascal.

On trouve dans les Pensées de Pascal un grand nombre des conséquences ou des hypothèses de YAuguslinus, bien que les cinq propositions n’y soient pas. De.même, on n’y trouve pas toutes les propositions de Quesnel, mais les germes de tout ce qu’a condamné la bulle Unigenitus y sont assez apparents. Je parle bien entendu, non pas des Pensées éditées en 1669 et 1670 par les jansénistes où, spécialement sur le sujet qui nous occupe, furent faites des corrections importantes, cf. Pensées de Biaise Pascal, édition des grands écrivains, Paris, 1901, t. i, p. clxxvi, lit. xx ; fragments 242, 243, t. ii, p. 175, et des omissions savamment calculées, cf. fragment 556, t. iii, p. 4, note 2, avec les renvois. Mais il est question des Pensées telles que nous les lisons aujourd’hui, telles que les admire M. Eucken, telles que les recommande M. Laberthonnière. Essais de philosophie religieuse, p. 193-224.

1. La doctrine de Pascal sur les suites du péché originel est celle de Luther, de Calvin, de Baius, de Jansénius ; elle n’est pas la doctrine catholique.

2. La doctrine de la connaissance religieuse de Pascal, en tant qu’elle suppose que notre raison n’est naturellement que ténèbres et aveuglement, et en tant que sous le nom de foi du cœur elle propose au fond les vues de Jansénius et de Quesnel sur la foi-amour, a été condamnée parla bulle Unigenitus ; l'Église n’est donc pas responsable des défauts de l’apologétique qu’on en peut tirer.

3. Sur le point spécial qui nous occupe, à savoir de l’impuissance de l’homme à parvenir à la connaissance de l’existence de Dieu par les lumières naturelles de sa raison, sans l’aide de la révélation, Pascal est hérétique ; il a été condamné avec les traditionalistes, comme nous le verrons bientôt, par le concile du Vatican. Il écrit en effet : « Parlons maintenant selon les lumières naturelles. [XI vient de dire que par la foi nous connaissons l’existence de Dieu, mais non sa nature.] S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible… Nous sommes donc incapables de connaître ni ce i/it’ll est, ni s’il est. » Pensées, t. H, p. 145, fragment 233. C’est précisément ce que le dernier concile a condamné. Denzinger, n. 1634, 1653. Aussi, de même que Jules Simon avait raison de soutenir contre les traditionalistes français que leur Église les désavouait, quand ils prétendaient que lui, rationaliste, ne pouvait pas, indépendamment de la révélation, écrire une théodicée, et qu’il n’y a pas de « philosophie séparée », Religion naturelle, Ie édit., Paris, 1857, p. ix sq.j de même, le protestant de Genève, E. Naville, et « l'évadé », M. Hébert, ont raison de ranger Pascal parmi les auteurs condamnés au concile du Vatican. E. Naville, Philosophies négatives, Paris, 1900, p. 63 sq.j Hébert, L'évolution de la foi catholique, Paris, 1905, p. 135. Aussi M. Decurtins n’a-t-il fait que tirer une conséquence de bon sens, lorsqu’il a écrit dans un article qui avait pour but de dégager du mouvement moder niste « la réforme sociale chrétienne » : < Nous ne comprenons pas comment, après le Vatican, on peut construire une apologie du christianisme sur Pascal. »

Parlant des preuves classiques de l’existence de Dieu c par les ouvrages de la nature », l'édition de 1 070 faisait dire à Pascal : « Je n’attaque pas la solidilé de ces preuves consacrées /mr l'Écriture sainte. » En réalité, Pascal avait écrit : « C’est une chose admirable que jamais auteur canonique ne s’est servi delà nature pour prouver Dieu. » Fragment 243, t. il, p. 177. « N’oublie-t-il pas, demande M. Naville, la déclaration du psalmisle, Ps. xtx ? N’oublie-t-il pas la parole si claire de saint Paul que les perfections de Dieu se voient comme à l'œil dans ses ouvrages, Rom., I, 20? » Pascal n’oublie rien ; mais son exégèse est celle de YAuguslinus tout comme sa psychologie et sa morale. Cf. Pensées, t. ii, p. 285, frag. 375 ; p. 21, frag. 294 ; t. i, p.CLXii. « Je n’entreprendrai pasici. dit-il, de prouver par des raisons naturelles ou l’existence de Dieu, ou la trinilé, ou l’immortalité de l'âme ni aucune des choses de cette nature ; non seulement parce que je ne me sentirais pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées endurcis, mais encore parce que cette connaissance sans Jésus-Christ est inutile et stérile. » Fragment 556, t. m. p. 4. Port-Royal avait écarté ce passage compromettant, parce que trop voisin de YAuguslinus. En le présentant au public, Etienne Périer prit soin de gloser, afin de faire oublier cette filiation ; mais M me Périer en fait le centre de YApologie, prononçant avec Quesnel que « hors Jésus-Christ, il n’y a que vices, que misère, que désespoir, et nous ne voyons qu’obscurité dans la nature de Dieu et dans la nôtre, » t. i, p. cxciv, ccxliv. Qui avait tort ou raison de la préface d’Etienne Périer ou de M me Périer'? L’une et l’autre. Car Etienne Périer écrivait sa préface pour une édition où on lisait seulement qu’on n’attaquait pas la solidité des preuves de l’existence de Dieu, mais que souvent ces preuves ne son pas assez proportionnées à la disposition d’esprit de ceux pour qui elles sont destinées. Mais M me Périer pouvait lire dans le manuscrit : « Ces personnes destituées de foi et de grâce, recherchant de toutes leurs lumières tout ce qu’elles voient dans la nature qui les peut mener àcette connaissance [de Dieu], ne trouvent qu’obscurité et ténèbres. » Fragment 242, t. ii, p. 176. Là est le mot de l'énigme.

Car, pour Pascal, comme pour Jansénius, « il est certain que ceux qui ont la foi vive dedans le cour voient incontinent que tout ce qui est n’est autre chose que l’ouvrage du Dieu qu’ils adorent. » lbid. Avec la grâce de la foi vive le ca>ur connaît bien des raisons. Kt sans elle ? Nec unus quidem tôt sœculorum lapsu, répond Jansénius, in tanta liistoriarum vastitate reperiri potest, qui summum bonum, id est Deum verum, naturse sagacitale sine Dei gratia invenerit et coluerit. Augustinus, De statu, etc., l. II, c. v, p. 335. Le cœur de ceux qui ont la grâce de la foi vive voit clairement toutes les raisons de croire ; la raison des autres ne voit rien, ou ce qu’elle voit est inutile. Sans doute le Crede, ut intelligas a un certain sens vrai, mais 1' « abêtissez-vous ne paraît en avoir aucun. Le tort de Pascal est de ne pas distinguer entre la connaissance des mystères proprement dits, et celledes vérités rationnelles sur Dieu. Denzinger, n. 1631. 1643, entre les vérités que la foi nous propose et celles qui constituent lespréambules de la foi, dont l’existence de Dieu fait partie, lbid., n. 1638. Pour lui, l’homme corrompu a, relativement à toutes ces vérités, la même impuissance physique, tant qu’il n’a pas la grâce ; et. il n’y a pas plusieurs variétés de grâces : ou bien nous avons l’amour céleste et tout est sauf, ou bien nous sommes les esclaves de la cupidité et tout est perdu. Denzinger, n. 1385 sq.