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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE)

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Personalily liuman and divine, Londres, 1903. « Après avoir formé, continue Locke, par la considération de ce que nouséprouvons en nous-mêmes, les idées d’existence cl ilf durée, de connaissance, de puissance, de plaisir, de bonheur et de plusieurs autres qualités et puissances qu’il est plus avantageux d’avoir que de n’avoir pas, lorsque nous voulons former l’idée la plus convenable à I Être suprême, qu’il nous est possible d’imaginer, nous étendons chacune de ces idées par le moyen de celle que nous avons de l’infini, et joignant toutes ces idées ensemble nous formons notre idée complexe de Dieu, « § 33, Sans entrer dans la discussion détaillée du procédé. qui, quoi qu’en pensent les modernistes, est bien différent de celui de l’École, puisque Locke est nominaliste, ne retenons que ce qui concerne l’idée d’infini. Cette idée est la pierre d’achoppement de tous les systèmes nominalistes ou ultra-réalistes. Malebranche s’y est heurté aussi bien que Spinoza, bien que par un autre biais ; Locke s’y heurta après Ilobbes, et de la même façon que M. Le Roy. Ce dernier prononce que le mot infini désigne seulement « ce double fait que, dans le progrés des représentations, on ne peut s’en tenir à aucun stade et que chaque stade, pleinement vécu, suscite aussitôt le suivant. » Dogme et critique, 2e édit., Paris, 1907, p. 280. D’après Locke, « lorsque nous nommons ces attributs [de Dieu] tn/mis, nous n’avons aucune autre idée de cette infinité, que celle qui porte l’esprit à faire quelque sorte de réllexion sur le nombre ou l’étendue des actes, ou des objets de la puissance, de la sagesse et de la bonté de Dieu, » l. II, c. xvii, § 1. On a souvent reproché à Locke d’avoir ici confondu l’indélini avec l’infini, et de n’avoir réfuté Hobbes, qui niait comme Malebranche toute idée de l’infini dans un être fini, que par une pure équivoque. En réalité, Locke avait l’idée de l’infini, puisqu’il avoue que « les attributs de Dieu contiennent toute perfection possible. » Son erreur est de soutenir que nous n’en avons que la représentation symbolique qu’il décrit : « Telle est, dis-je, la manière dont nous les concevons, telles sont les idées que nous avons de leur infinité. » Que Hobbes dise que, « lorsque nous parlons de l’infini, nous ne signifions que notre impuissance ; » que Locke explique que cette impuissance est du même ordre que celle d’atteindre le nombre infini par la multiplication interne d’une infinité de nombres multipliés sans fin ; pour un métaphysicien, c’est tout un ; les deux empiristes nominalistes ne désignent l’infini positif que par une dénomination extrinsèque fondée sur leurs actes internes et s’interdisent systématiquement tout jugement sur sa nature intrinsèque : l’essence de l’agnosticisme dogmatique est tout entière dans ce procédé. Du même point de vue métaphysique, c’est de même tout un, quant au fond des choses, sous la diversité des modalités systématiques, de dire avec M. Le Roy : « Connaître Dieu, c’est prendre ^conscience de ce qu’implique [l’acte de vivre, » Revue de métaphysique et de morale, 1907, p. 498, et de parler du Dieu, postulat de la conscience morale de Kant, du Dieu résumé de nos expériences intérieures de Ritschl et de Sabatier, de l’absolu qu’implique notre connaissance du relatif de Spencer, de l’immense être inconnu dont l’être personnel a le sentiment intime qu’il dépend de Schleiermacher, de l’objet de la foi morale et religieuse de sir Hamilton et de Mansel. Toutes ces formules, dont nous n’épuisons pas la liste, ont ce trait commun qu’elles désignent le vrai Dieu exclusivement par une dénomination extrinsèque, sans pouvoir arriver à rien affirmer de défini et de positif sur la nature intime de la substance divine. C’est la position de Locke, qui très logiquement, puisque, d’après lui, même les substances finies nous sontinconuues, se refuse à dire catégoriquement que Dieu est une substance, 1 II, c. xiii, $ 17 sq.

C’est chez Locke un principe que noire « connaissance ne va point au delà de nos idi’-js, » l. IV, c. iii, S 1. Si l’on fait abstraction du sens snbjectiviste Locke donne au mot idée, ce principe est (’vident. Or, d’un autre côté, Locke n’a aucune idée des causes, des substances, de l’infinité divine ou plutôt la seule idée qu’il en ait est celle de l’activité qu’il déploie pour les penser, de la pression de la loi subjective qui les lui fait nécessairement concevoir. Mais cette idée subjective pourluin’estpas représentative de la cause, de la substance, de l’infini en soi, dont par hypothèse ou par système il n’a pas connaissance. Cependant il se tient pour assuré de la réalité de ces divers objets, et donc sa croyance dépasse ses idées. » Telle est la genèse philosophique de cette formule souvent employée, d’abord par les cartésiens, alind est credere, aliud 8< cf. Lossada, op. cit., t. iv, p. 47 ; Jourdain, Histoire de l’université de Paris, Paris, 1862, p. 209 ; appendice, p. 144 sq. ; puis par les jansénistes, Denzinger, n. 1392 ; enfin par les agnostiques dogmatiques ; et telle est aussi l’origine historique de la distinction des vérités notionnelles et des vérités réelles, reçue depuis Locke chez les idéalistes et chez les empiristes anglais et familière sous d’autres noms aux pseudo-imsliques. VoirXewman, An essay in aid of a grammar of assenl, Londres, 1892, c. viii, § 1, p. 282, sur la ressemblance abstraite de Jean et Richard, ce qui explique la théorie de l’appréhension des propositions, c. I, § 2, p. 9 sq. Cf. Baudin, La philosophie de la foi chez Neivman, dans la Revue de philosophie, Paris, 1906, surtout, juin, p. 580 ; juillet, p. 27. En sens opposé, Toohey, An index lo the grammar of assent, Londres, 1907 ; The grammar of assent and the old philosophy, dans The Irish theological quarterly, octobre 1907 ; Neivman ami Modernisai, dans The Tablet, 4 janvier 1908.

Convaincu que nous ne pouvons avoir aucune idée de l’infini, Malebranche recourt à la fois au lidéisme et à la vision en Dieu, Recherche de la vérité, part. I, I. III, c. iv ; part. II, I. III ; vers le même temps, Pascal pour la même raison recourt à la foi du cœur. Dans le pays de Hume, le nominalisme bien développé dans toutes ses conséquences jette Berkeley dans l’idéalisme de Malebranche. En France, Rousseau décrie la raison, Emile, Paris, 1793, t. ii, p. 356. et résout le problème religieux, comme tous les autres, par le sentiment, unique voie pour arriver à la vérité. En Allemagne, Jacobi, Kant, Schleiermacher se précipitent, l’un dans le sentiment obscur de Dieu, l’autre dans la conscience morale, le troisième dans le sentiment de dépendance, tous au fond dans le subjectivisme de la doctrine de la foi justifiante, qu’ils accommodent au scepticisme et au rationalisme de leur temps.

L’histoire le prouve, comme la logique le prévoit. Le nominalisme rigidement exposé aboutit à l’athéisme et au nihilisme de Hume, ou tout au moins à l’agnosticisme pur d’Auguste Comte, de Huxley et du « rationalisme » anglais contemporain. Si l’on veut, tout en acceptant la position nominaliste, éviter cette abdication de la conscience, il ne reste plus qu’à mettre en système que « notre croyance dépasse nos idées, » que seule elle atteint le réel, et à construire des Glnubenslehren, qui justifient cette retraite. De là tant de livres d’apparence constructive. qui ne sont au fond que des apologies déguisées de la foi subjective, dont le protestantisme avait semé l’idée. Locke lui-même, tout rationaliste qu’il est, donne l’exemple de cette méthode.

Comme beaucoup de nos contemporains, Locke fait de la conception une idée toute cartésienne : en dehors de l’idée claire, il n’y a rien pour lui. Or il est obligé d’avouer que, dans son système, une substance immatérielle échappe à notre conception. C’est, en effet, un de ces objets que nous ne pouvons concevoir clairement qu’à l’aide des relations réelles entre la cause