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DÉMON DANS LA BIBLE ET LA THÉOLOGIE JUIVE


L’abbé Robert, pour les mêmes raisons, a supposé que le récit primitif, qui no parlait que de l’alliance des Séthites avec les ꝟ. 1 les des Caïnites, avait été altéré, sous l’influence du mythe populaire, par l’insertion des fils de Dieu s’imissant aux filles des hommes. Les /ils de Dieu et les filles des limantes, dans la Revue biblique, 1895, t. iv, p. 341-348, 5-28-535. Ces conclusions ne s’imposent pas. Quoique l’expression « (ils d’Elohim » dans le livre de Job et dans les Psaumes cités désigne certainement les anges, il ne s’ensuit pas qu’elle ait ce sens dans le récit de la Genèse. Le contexte, en effet, ne convient qu'à des hommes et nullement aux anges, dont le livre biblique n’avait pas encore parlé. Il n’est question que de l’accroissement de l’humanité sur terre. Cette humanité, accrue par l’union des fils de Dieu avec les filles des hommes, n’est que chair, n’a que des sentiments charnels. Aussi, en punition, Dieu qui ne veut pas laisser mépriser sur terre le souffle de vie dont il a animé les humains, le retirera de ces générations charnelles et abrégera leur vie, qui sera réduite à 120 ans. Le châtiment n’atteint donc que des hommes, seuls visés dans tout le récit. Les anges n’y apparaissent que dans l’hypothèse que l’expression « fils d’Elohim » ne peut absolument désigner qu’eux. Or, tous les traducteurs juifs de la Genèse ont écarté les anges. Aquila a traduit : oî vloi tgW 6ewv ; Symmaque, ulot twv ôuvacrTe’jôvToov ; et ïbéodotion : Ao : to-j ôeo-j. Dom de Montfaucon, Hexapla, P. G., t. XV, col. 188-190 ; Field, Origenis Hexaplorum qitæ supersutit, Oxford, 1875, t. i, p. 22. Le targum d’Onkelos rend l’expression hébraïque par les « fils des puissants » ou des grands. De plus, suivant le texte hébreu, les géants, qui sont des hommes de renom, ne sont pas tous issus de l’union des fils de Dieu avec les filles des hommes ; ils existèrent à la même époque, ils existèrent encore après, et quelques-uns naquirent peut-être des unions précédemment racontées. En tout cela, il n’est question que d’humains, et on peut penser très légitimement que les fils de Dieu étaient des descendants de Seth qui épousèrent les filles des Caïnites. M. Hoberg, Die Genesis, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1908, p. 75, interprète cette expression dans le sens de « hommes pieux ». Quoi qu’il en soit, le récit original ne mentionne pas les anges ni leur commerce charnel avec des femmes. Voir F. de Huminelauer, Commentarius in Genesim, Paris, 1895, p. 211-219 ; Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. ii, col. 2255-2257. Les Juifs, dans leur contact avec les Grecs, ont connu les unions des dieux païens avec des femmes, et parce que les lecteurs grecs de la Genèse savaient que les benê ha-ëlohim désignaient ailleurs les anges de Dieu, ils ont donné ce sens à cette expression du récit génésiaque et ont introduit parmi leurs coreligionnaires l’idée du mariage des anges avec des femmes et de l’origine des géants, idée qui devrait recevoir, nous le verrons, de nouveaux développements. Mais elle était étrangère à la pensée des anciens Hébreux.

Toutefois, les premiers traducteurs grecs ont vu des démons en beaucoup d’autres passages de l’Ecriture, dans lesquels il est parlé de tout autres êtres. Ainsi ils ont fait des démons : 1. des ie'îrîm, qui désignent ou bien des boucs, c’est-à-dire de ces animaux honorés comme dieux en réalité ou en images, Lev., xvii, 7 ; II Par., xi, 15 ; ou bien des satyres, semblables à des boucs sauvages, vivant au désert, Is., xiii, 51 ; xxxiv, li ; 2. des sedim, ou « puissants », des idoles, pareilles aux be'àlim, seigneurs ou dieux, Deut., xxxii, 17 ; Ps. evi (cv), 37, dans lesquels beaucoup de critiques modernes reconnaissent les sedis ou génies babyloniens ; 3. des èlilîm, des choses vaines, c’est-à-dire encore des idoles, Ps. xevi (xcv), 37 ; 4. des syyim, animaux sauvages, Is., xxxiv, 14 ; 5. d’yâSûd, ce qui dévaste, Ps. xc (xcr),

6. Le texte grec de Baruch, iv. 7. 35, parle des démons dans un contexte, où il est question des idoles ou d’animaux sauvages habitant au milieu des ruines. Nous ignorons quels étaient les mots hébreux ainsi traduits. Cf..1. Knabenbauer, Commentarius in Danieiem prophelam, Lamenlationes et Baruch, Paris, 1891, p. 491, 197. Les traducteurs grecs ont vu encore des anges mauvais, Ps. i.xxvii ilxxviii), 49, dans un passage où le texte original parle seulement d’anges de malheur, qui sont probablement des bons anges chargés par Dieu de châtier les coupables.

II. Dans le monde juif postérielh.

1° Dans les livres apocryphes. — La démonologie, qui était déjà en voie de se développer lorsque la Bible hébraïque fut traduite en grec, prit des accroissements très considérables dans la littérature apocryphe du judaïsme. Comme elle a été connue et partiellement acceptée par les Pères de l’Eglise, et comme, d’autre part, on prétend qu’elle a influé même sur certains écrivains du Nouveau Testament, il importe de l’exposer sommairement. Le livre éthiopien d’Hénoch, qui comprend des éléments de diverse nature, échelonnés du second tiers du IIe siècle jusqu'à l’an 64 avant Jésus-Christ, reproduit aussi des traditions différentes sur les démons ou les anges déchus. Bien que les anges, esprits immortels, n’aient pas eu besoin de s’unir aux femmes sur la terre, pour se perpétuer, xv, 4-7. F. Martin, Le livre d’Hénoch, Paris, 1906, p. 4041, cependant deux cents veilleurs, sous les ordres de Semyaza, selon une tradition, vi, 3, p. 11, ou d’Azazel, suivant une autre, x, 4 ; xiii, 1, 2, p. 22. 31, ont été séduits par la beauté des femmes. Descendus sur le sommet de l’Hermon, avec leurs chefs de dizaines, dont 18 sont nommés, vi, 7, p. 12 (autre liste de 21, lxix. 2. p. 149-150), ils prirent des femmes et en eurent des géants, qui opprimèrent les hommes et se dévorèrent entre eux, vi-vn, 'p. 10-15. Ils révélèrent à leurs femmes les secrets éternels, découvrirent aux hommes les arts et leur apprirent toute impiété, vii, 1 ; viii ; îx, 6-8 ; xvi, 3, p. 14, 15-17, 21, 45. Les âmes de ceux qui avaient été opprimés par les géants les accusèrent, ix, 3, 10, etc., p. 18, 21, et malgré l’intervention d’Hénoch, xiii ; xiv. p. 31-33, 34-35, Dieu condamna les anges déchus, d’aboi d à des châtiments temporels, la perte de leurs enfants, x, 9-12, 15 ; xiv, 6, p. 24-25. 26, 35, et à une étroite captivité loin du ciel, x, 5, 12 ; xiv. 5 : xxi, 10 p. 23, 25-26, 35, 37, puis, à partir du jugement dernier, au supplice éternel, dans l’abîme de feu, x, 6, 13, p. 23, 2ô. Cependant une autre tradition suppose que, du lieu où ils sont réunis, ces esprits peuvent prendre toute espèce de formes et tromper les hommes jusqu’au jugement dernier, xix, 1, p. 33. Ailleurs, i.xvii. 4-13, p. 143-146, ils sont condamnés au supplice des eaux brûlantes, qui communiquent leur chaleur aux sources thermales. Dans le Livre des songes, les anges déchus sont comparés à des étoiles descendues des cieux, qui se changent en taureaux et ont des relations coupables avec les génisses, c’est-à-dire les filles des hommes, lxxxvi, p. 200-201. Un archange fidèle les saisit, les lie et les jette dans un abîme sous la terre, i.xxxviii, 202203. Au jugement dernier, ils seront précipités dans un abîme de feu, xc, 21, 24, p. 230-231. Cette tradition connaît d’autres anges coupables : les 70 anges ou pasteurs à qui Dieu avait confié le soin de veiller sur Israël à partir de l’invasion assyrienne, et qui, ayant été infidèles à leur mission, seront condamnés, au jugement dernier, à parlager le supplice éternel des étoiles tombées, xc, 23, 25. p. 231. Quant aux géants, les esprits sortis de leurchair, à leur mort, sont demeurés sur terre ; ce sont des esprits mauvais, qui attaqueront les hommes jusqu’au jugement, xv, 8-12 ; XVI, 1, p. 41-ii. Les hommes les adorent sous l’image d’idoles, comme ils adorent les démons, xcix. p. 261. à l’instigation des anges déchus, xix, 1, p. 53 ; cf. p. 46, note. Les tradi-