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DÉISME

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Nombreux ont été les discip main, el pi n si urs surent donner au spiritualisme une altitude plus Hère, une forme plus épurée. Pour ue point parler ici < ! , - Jouffroj 1796-1842), ame inquiète, ballottée entre la foi chrétienne de Bon enfance et les lueurs du rationalisme, aboutissant finalement au métempsycosisme, il en est d’autres, dont l’activité fut moins indéci plus féconde. Tel Jules Simon (1814-1896), dont les livres sur Le devoir et La religion naturelle contiennent bien des pages qu’un chrétien peut lire avec fruit el édification. A remarquer cette définition, relativement complète, qu’il donne de la religion naturelle : < Un Dieu tout-puissant et immuable, qui a créé le monde el qui le gouverne par des lois générales ; une vie à venir qui remplira toutes les promesses de celle-ci el en réparera toutes les injustices : voilà le dogme ; un cœnr rempli de l’amour de Dieu et île l’amour de l’humanité, une volonté ferme d’accomplir le devoir et de servir les vues de la providence en faisant le bien, voilà la prière, voilà le précepte. » L’idée de Dieu d’il. Caro (1826-1887) est une autre production de la même école. L’auteur y affirme sa croyance non seulement à un esprit souverain, mais aussi à la liberté et à l’immortalité de l'âme ; il y salue en Dieu « l’acte pur, l’acte éternel de la pensée, première cause et réalité suprême », un être non immanent au monde, un « père aimant ». Edmond Saissel (1814-1863) appartient aussi à la lignée intellectuelle de Cousin. Il a formulé de sa propre doctrine un résumé qui, abstraction faite des opinions secondaires, retlète bien la pbysionomie générale du spiritualisme éclectique : « En matière de eboses surnaturelles, j’admets l’existence de Dieu et de la providence ; en matière de miracles, j’admets le miracle éternel et perpétuel de la création ; en matière de révélation, j’admets que Dieu se révèle par les lois de la nature et qu’il fait briller son intelligence, sa puissance, sa justice et sa bonté, , 1e n’admets ni plus ni moins. »

Les écrivains que j’ai nommés ne sont pas restés isolés ; ils ont eu des collaborateurs et des émules. Mais aujourd’hui leurs héritiers ou continuateurs doctrinaux se font de plus en plus rares. D’ailleurs, dans leurs rangs mêmes des défections ont eu lieu. Ainsi M. Paul Janet, qui avait longtemps partagé leurs vues, s’est récemment rallié à une sorte de panthéisme particulier, qu’avec d’autres il appelle le « panenthéisme Depuis nombre d’années déjà, le spiritualisme officiel, universitaire, a visiblement cédé le pas, soit au criticisme néo-kantien de Taine, Renan et Vacherot, soit au positivisme de Comte et de Littréetau matérialisme, qui en est la prolongation naturelle. C’est une nouvelle application de la loi de décadence fatale.

Faut-il s'étonner de cette dégénérescence universelle il u déisme, sous quelque forme et avec quelque art qu’il nous ait été présenté? Nullement. Les hésitations et compromissions de ses tenants, la faiblesse et l’indécision de leurs arguments expliquent ce fait. Puis, pour qui voudra y regarder de près, n’est-il pas clair ipie la plupart des difficultés qu ils opposent au spiritualisme chrétien se retournent contre eux, contre ceux d’entre eux surtout qui admettent une vraie providence Les objections de principe alléguées par eux sont principalement les suivantes : le christianisme blesse la raison en lui imposant des mystères ; il nous présente d’une façon enfantine et antiscientifique les rapports de Dieu et du monde, en faisant intervenir la providence dans la nature, pour déranger, par des miracles, l’ordre qu’elle j a établi ; il partage le Dde en privilégiés et en déshérités, puisque beaucoup d’hommes n’arrivent ai ae peuvent arrivera la connaissance de

la révélation chrétienne, et il prête ainsi à Dieu. comme à un roi capricieux, des partialités indignes de sa justice ; enfin, comble de l’absurde, il Buppose que

immuabli lléchir par la prière jusqu'à

changer ses résolutions éternelle ! M qui

raisonnent de s combattent eux-mémi i

fournissent i|e~ armes à leurs adversaires pantli et matérialistes. Les notions qu’ils attaquent font partie intégrante de toute théorie spiritnaliste. L’idée du re, d’abord, est inséparable de la croyance en un Dieu véritable ; la création du moud.- par un Dieu qui se -iiflil est un mystère ; la coexistence de l'éternel qui ne dure pas et du successif qui dure est un I tère ; la coexistence de la liberté humaine et de la prescience divine est un m

sont contenus dans le mystère unique, total, n saire qui enveloppe les rapports du Uni et de l’infini. L’histoire de la philosophie moderne et contemporaine nous atteste que le mystère de la création (M la grande tentation qui pousse aux erreurs panthéistes les esprits trop faibles pour lui résister. L’idée du miracle s’impose aussi au philosophe Bpiritualiste ; car la possibilité du miracle résulte logiquement de la liberté divine et de la providence. L’idée du privilège n oins

philosophique ; car le privilège, comme on l’appelle, c’est-à-dire l’inégalité el la hiérarchie sont la loi visible du monde, la condition de son harmonie et de sa beauté. Enfin, le spiritnaliste. qui croit en Dieu et aux rapports de la créature raisonnable avec lui. peut-il exclure a priori l’idée de la prière'.' La prière est la manifestation naturelle et nécessaire du besoin et du sentiment religieux, fait universel qu’on peut ess. d’expliquer, mais qu’on n’a pas le droit de nier ou de condamner.

Du reste, quand un rationaliste reproche au Dieu des chrétiens d’avoir des volontés changeantes et arbitraires, de n'être qu’un homme idéalisé, parce qu’il fait des miracles, parce qu’il répand librement et inég dément ses grâces, parce qu’il daigne exaucer nos prières, il rquable que ce langage ne dillere

en rien de celui des panthéistes attaquant la notion du Dieu personnel, libre et créateur. C’est S ; iisset luimême qui l’atteste, lorsqu’il met dans la bouche ds liens à l’adresse des spiritualistes séparés ces paroles : « Quoi ! vous en êtes encore au Dieu personnel, à ce Dieu concentré dans ^, , perfection solitaire, qui sort un jour, on ne sait pourquoi, de son éternité bienheureuse pour créer l’univers ! … Convenez-en de bonne foi : votre Dieu personnel est un être déterminé, particulier, plus puissant et plus intelligent que les hommes, mais de la même espèce, en un mot, un homme idéalisé

VI. Le DÉISME) n ALLEMAGNE. — I lu déisme

d’outre-Manche, qui. transportées en France, y firent tant de mal, n'épargnèrent pas l’Allemagne. Nous voyons poindre leur influence n - 1740, au

moment où Frédéric II, « le roi philosophe. montait sur le trône. Jusque-là les productions de la libre pensée anglaise n’avaient guère attiré l’attention que des historiens et des polémistes. Hais en cette année, Ckristianity as olrf as the en G tpei, a

republication <>f the Religion of Sature, de Tindal, fut traduit par le. mLaurent Schmidl. l’un des men les plus connus de l'école philosophique de Wolf. Ce Schmidt, admirateur fanatique du maître, était le même qui, six ins auparavant, avait lancé la fameuse llil’lr <le Werlheim, dans laquelle à tous les ligures ou dogmatiques du texte il substituait des expressions wolfiennes. Le rationalisme de Wolf était tout indiqué pour devenir l’auxiliaire et l’introducteur du déisme en Allemagne, puisque, cominelui, il p en principe que la religion naturelle est immuable et qu’une révélation non seulement ne pourrait la contredire, mais devrait s’y accommoder..1. V. Hecker publiait à Berlin, en I7.VJ. Dtr Religion der Vemunft, quinte : germanisée des écrits similaires de la