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DISCERNEMENT DES ESPRITS


nis ; tum amor liumanus sensim convertitur in alium tenerum et vehementem qui paulatim inclinât in levitates, otium ac vana et otiosa colloquia ; prorumpil hine lascivia in actus ex se non aperte malos, sed qui vim habeant excitandi concupiscenliam ; tum in impudicos, sed levés a quibus fit progressus nsque ad consummationem peccati, c. iv, § 3, p. 159160.

Le grand levier de l’action diabolique est Y amourpropre opposé à l’amour de Dieu. Le démon s’efforce de suggérer à l’homme une grande estime de soi, l’orgueil et l’égoïsme et quand il a substitué le moi humain au moi divin, ou plutôt nourri et développé celui-là aux dépens de celui-ci, il rend sa victime obstinée dans son sens et dans son état coupable ; finalement il amène la désespérance, prélude de la perdition éternelle.

Les moyens sont les trois concupiscences revêtues d’un vêtement de zèle et de vertu. Le démon, sous les espèces et apparences de la vertu, nous fait chercher tantôt notre propre intérêt, tantôt la jouissance et tantôt les honneurs et l’estime.

1° Les illusions sous lesquelles nous poursuivons notre propre intérêt sont variées. Les uns, sous prétexte de soigner leur santé, d’éviter les excès de fatigue, s’accordent trop d’aises et de repos, d’autres, sous couleur que la religion du Christ est une religion intérieure, se dispensent de tous les efforts qu’exigent les pratiques extérieures ; ou bien inversement, si les pratiques extérieures leur coûtent moins, s’y adonnent et font étalage de dévotions et d’aumônes, mais négligent entièrement le travail difficile de transformation intérieure du caractère. D’autres mettent toute leur vertu à combattre les défauts du prochain et à promouvoir sa perfection, croyant ainsi procurer suffisamment la gloire de Dieu ; d’autres encore veulent bien pratiquer la vertu et y consacrent certains efforts, mais omettent quelque détail ou quelque circonstance sans laquelle la vertu n’est pas entière, bonum ex intégra causa, malum ex quoeumque defeclu ; d’autres enfin, atteints de myopie spirituelle, au lieu de voir et de pratiquer V ensemble des vertus, sans lesquelles il n’y a pas de vie chrétienne, se contentent d’être des modèles dans l’une ou l’autre vertu, d’être d’une héroïque austérité ou d’une belle générosité, mais oublient l’humilité ou le pardon des injures. Et ainsi le démon, en décomposant tout le travail surnaturel, et en concentrant toute l’attention sur une partie de ce travail et en favorisant la paresse sur le reste, jette dans l’illusion et perd les âmes.

2° A ces illusions, il faut joindre celles qui égarent sur les chemins de la jouissance. Le démon, chez certains, s’efforce de tout ramener à la piété sensible. Ces âmes ont une grande ferveur sensible dans l’oraison qu’elles se plaisent à prolonger. Il s’ensuit que, pour elles, tout est là et rien en dehors. Donc, une fois sorties de l’oraison, elles sont désagréables, moroses et impatientes. La ferveur sensible étant le tout de leur dévotion, elles se croient inspirées, dans les élans de cette ferveur, par l’esprit divin ; le démon entretient en elle Yesprit de révélation ; elles se croient l’organe de Dieu qui leur parle sans cesse ; il les excite ainsi à ne tenir aucun compte des directions de leurs supérieurs ou directeurs. A cette indiscipline de la volonté, se joignent l’inconstance et l’indiscrétion : Yinconslance dans la voie choisie ; elles cherchent toujours autre chose et pensent qu’elles serviront Dieu plus parfaitement en nourrissant des projets de changement de vocation ; l’indiscrétion se manifeste surtout par le goût des choses insolites, par la recherche des entreprises extraordinaires, l’amour des pénitences étranges ou héroïques, Ce sont autant de chemins par lesquels la dévotion sensible a besoin d’égarer les

esprits. A garder une voie humble et toujours la même, la sensibilité s’émousse et pour réveiller celle-ci il faut du nouveau, de l’extraordinaire ou de l’énorme.

— Ces âmes sont ainsi portées à se complaire en elles-mêmes et dans cette complaisance, le démon leur fausse l’esprit en leur suggérant les erreurs suivantes. Comme les grandes tentations troublent les cœurs et mettent en déroute la complaisance en soi et la dévotion sensible, ces personnes s’imaginent qu’être fortement tenté constitue précisément le péché. Pour elles aussi, la vertu est moins dans l’effort pour le bien, que dans la conscience de cet effort ; à la lutte directe pour la perfection se substitue la connaissance réflexe des progrès qu’on a pu réaliser et ceci encore nourrit la complaisance qu’on a de soi. Pour elles enfin, la vertu gît encore principalement dans la coopération qu’on y apporte ; quant au concours divin et à la grâce, qui sont cependant tout et qui souvent nous font faire des progrès supérieurs à notre collaboration personnelle, on les oublie facilement. Il est aisé de voir combien ces idées sont fausses et dangereuses. Elles sont fausses, puisque ce qui constitue le péché, c’est le consentement qu’on y apporte et non la sollicitation qui nous y invite ; et que la vertu est dans la vie surnaturelle souvent inconsciente qui nous est donnée par Dieu couronnant nos efforts et non dans ces efforts seuls et encore moins dans la conscience que nous en pouvons avoir. Cf. Scaramelli, c. x ; Gagliardi, ibid., § 2.

3° Les illusions de complaisance en soi acheminent à celles dans lesquelles le démon nous fait rechercher notre propre gloire ; aussi ces dernières illusions ont-elles une grande affinité avec les précédentes. Elles consistent d’abord à prendre ses propres lumières pour des lumières surnaturelles et à attribuer à la grâce ce qui vient de soi ; c’est une sorte de divinisation de l’homme ; elles consistent en outre à prendre les mouvements surnaturels ordinaires pour des inspirations spéciales et à se croire inspiré d’en haut quand on ne fait que suivre les chemins battus. On en vient à la prétention de détenir les secrets divins, le sens des mystères, et, au lieu de se laisser conduire, à vouloir diriger et éclairer les autres. Si ces âmes ont le privilège d’une grande subtilité d’esprit, il leur sera bien plus aisé de prendre cette qualité naturelle pour un don divin et de se croire les porte-parole de la divinité. Bientôt la ténacité dans ses propres idées vient donner le couronnement à l’œuvre. A cela souvent se joint une fausse humilité, qui, sous couleur de remercier Dieu, se complaît à détailler, à exagérer les dons qu’on en a reçus. Gagliardi, § 3. A ces illusions du démon qui sont ordinaires, il faudrait en ajouter d’autres qui sont extraordinaires, mais qui seront étudiées en leur temps, comme les visions, prophéties, apparitions, extases, possessions et autres prestiges. Voir ces mots.

XVI. ÉTUDE TIIÉOLOGIQUE. LE DON DU DISCERNEMENT.

— Outre l’art du discernement que nous pouvons acquérir ainsi qu’il a été dit, il y a aussi un don de discernement ; celui-ci, étant un charisme, est ordinairement réservé aux saints, et exceptionnellement accordé aux pécheurs.

1° Son opportunité vient de ce que, malgré toutes les ressources de l’art de discerner, il reste des circonstances où les esprits demeurent douteux et incertains. On ne peut pas toujours savoir s’ils sont bons ou mauvais. Il y a des propositions qui ne sont pas tout à fait fondées, des œuvres sur la valeur desquelles on continue à douter ; nous r-ommes portés à accepter les unes, à faire les autres et il peut arriver que nous nous trompions. Des révélations particulières, des visions, des doctrines nouvelles sollicitent notre adhésion, sur lesquelles nos investigations n’ont pas pu apporter la pleine clarté. Des personnes se sentent