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incarné était nettement affirmée, ce qui suffisait à justifier pleinement la condamnation d’Eutychès par Flavien ; mais Eustathe de Iïéryte fit observer que, dans d’autres lettres, le même Cyrille n’avait parlé que d’une seule nature du Verbe incarné. Et quand on arriva au passage des autres où Eusébe de Dorylée, le dénonciateur d’Eutychès, avait mis l’archimandrite en demeure de confesser deux natures en Jésus-Clirist et de reconnaître que Jésus-Christ nous est consubstantiel selon la chair, le concile, répondant aux crux intimes de son président, s'écria : « Qu’on enlève Eusébe ! qu’on le brûle ! qu’il soit mis en deux ! comme il a divisé, qu’on le divise ! » Et Dioscore alors de proposer l’anathème contre quiconque soutiendrait qu’il y a deux natures en Jésus-Christ après l’incarnation. Ainsi fut fait. Dans la profession de foi qu’il avait faite devant Flavien, Eutychès avait prolesté s’en tenir strictement au symbole de Nicée, sans y rien ajouter, sans en rien retrancher, comme l’avait prescrit le concile œcuménique d'Éphèse, en 421 ; il avait anathématisé Manès, Valentin, Apollinaire, Nestorius. Mais, sur ses lèvres, une telle profession de foi restait équivoque et ne répondait nullement à la question de savoir s’il était indemne de l’hérésie qu’on lui reprochait. Dioscore pouvait l’accepter et la prendre à son compte ; il fit du niuins cesser l'équivoque en ajoutant que, lui aussi, tout comme Eutychès, n’admettait qu’une seule nature dans le Verbe incarné. Il embrassa donc sans réserve l’eutychianisme ou monophysisme.

V. Sa CONDAMNATION AU CONCILE DE CHALCÉDOINE. —

Après l’abus de son pouvoir discrétionnaire au concile d'Éphèse, ratifié par le pouvoir impérial, le triomphe de Dioscore semblait assuré. Il se hâta de faire nommer « t de consacrer Anatolius à la place de Flavien ; il n’hésita même pas à excommunier le pape. Mansi, t. vi, col. 1009, 1 148 ; t. vii, col. lOi. Mais la mort de Théodose et l’avènement de Marcien changèrent la face des choses. Le pape saint Léon n’avait pas tardé- à rendre justice à Flavien, Epist., XLIII-XLIV, V. L., t. i.iv, col. 821-832 ; à plusieurs reprises, il avait vainement réclamé de la part de Théodose la convocation d’un concile en Italie pour réparer les iniquités commises à Éphèse, lorsque le nouvel empereur lui annonça la réunion d’un concile en Orient et l’invita à aller le tenir. EpisL, lxxvi, /'. L., t. i.iv, col. 904. A ce moment-là, le pape aurait préféré différer quelque temps cette réunion, Epist., i.xxxiii, ibid., col. 919920 ; mais, apprenant que l’ordre de convocation avait été lancé, il s’empressa de désigner et d’envoyer ses légats, Epist., LXx’iu, ibid., col. 927-930, avec mission de rétablir la paix en Orient, d’apaiser toutes les discussions dogmatiques, de condamner les erreurs de Nestorius et d’Eutychès, de rétablir sur leurs sièges les évêques injustement déposés, de frapper ceux qui s’obstineraient dans l’hérésie, et de ne pas tolérer que Dioscore parût au concile comme juge, mais seulement comme accusé. Le concile, d’abord fixé à Nicée, se réunit à Chalcédoine, le 8 octobre 451. C’est à la l, e session qu’on fit lire les actes du « brigandage » d'Éphèse ainsi que ceux du synode de Conslantinople. Les commissaires impériaux, représentant Marcien, n’eurent pas de peine à constater par la lecture qu’ils firent faire de ces actes ainsi que par l’aveu de quelques-uns des chefs du concile d'Éphèse que Flavien, « de sainte mémoire, » et Eusébe de Dorylée n’avaient pas erré en matière de foi et qu’ils avaient été injustement condamnés. En conséquence, dirent-ils, il est juste que, selon le bon plaisir de Dieu et de l’empereur, l'évoque d’Alexandrie, Juvénal de Jérusalem, Thalassius de Césarée, Eusébe d’Ancyre, Eustathe de Béryte et Basile de Séleucie, qui eurent les premiers rôles au concile, subissent la même peine et soient privés de la dignité épiscopale, selon les canons. Les

évêques d’Orient s'écrièrent : Ce jugement est juste ; Jésus-Christ a déposé Dioscore, il a déposé l’homicide. Ilardouin, t. il, col. 272.

A la iiie session, le 13 octobre, en l’absence des commissaires impériaux, on jugea l’affaire de Dioscore. Eusébe de Dorylée avait présenté, en effet, une requête contre l'évêque d’Alexandrie, dans le but de faire casser tout ce qu’il avait fait contre lui et Flavien à Éphèse, de faire confirmer la vraie doctrine par la condamnation de l’hérésie d’Eutychès et de faire subir <à Dioscore le juste châtiment des crimes dont il avait été convaincu par la lecture des actes. Dioscore, exclu depuis la première session, fut cité par deux fois à comparaître. Il s’y refusa, en alléguant divers motifs, entre autres l’absence des représentants de l’empereur. Entre temps on lut d’autres requêtes contre le même Dioscore, celles des diacres Théodore et Ischvrion, du prêtre Athanase et du laïque Sophronius, tous d’Alexandrie. Nous avons signalé les accusations graves qu’elles renfermaient. Les Pères n’hésitèrent pas à faire citer une troisième et dernière fois le patriarche. Sur son refus persistant de comparaître, les trois légats du pape prononcèrent cette sentence : « Les excès commis contre les saints canons et la discipline ecclésiastique par Dioscore, ci-devant évéque d’Alexandrie, sont manifestes par tout ce qui a été dit, tant dans la séance précédente que dans celle-ci. lia reçu irrégulièrement à sa communion Eutychès, régulièrement condamné par son évâque. Il persiste à soutenir encore ce qu’il a fait à Éphèse et s’en glorifie au lieu d’en gémir et de s’en humilier. Il n’a pas permis de lire la lettre de l'évêque Léon à Flavien. Il a même excommunié le pape… On a présenté contre lui plusieurs plaintes au concile ; il a été cité jusqu'à trois fois et il n’a pas voulu obéir. C’est pourquoi le saint archevêque de Rome, Léon, par nous et par le présent concile… l’a dépouillé de la dignité épiscopale et de tout ministère sacerdotal. »

Le 17 octobre suivant, à la quatrième session, Juvénal, Thalassius, Eusébe, Eustathe et Basile, exclus depuis la première session pour la part qu’ils avaient prise au brigandage d'Éphèse, furent admis et réintégrés, parce qu’ils avaient reconnu leurs torts et accepté la lettre du pape Léon. Dioscore seul resta définitivement condamné. Ilardouin, t. ii, col. 413. Il fut relégué à Gangres, en Paplilagonie, où il mourut en 454. M-insi, t. vii, col. 17.

Dioscore n’a pas laissé- d'écrits. Les prétendus Récits tic Dioscore, exilé d Hongres, sur le concile (le Chalcédoine, en copte, traduits en partie parRévillout dans la Revue égyptologique, Paris, 1880, t. i, p. 187-189 ; 1882, t. ii, p. 21-25 ; 18, x : {, t. iii, p. 17-24, et intégralement par Amélineau, Monuments pour servir o l’histoire de l’Egypte chrétienne aux iv et V siècles, dans les Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française ou Cotre, Paris, 1888, t. iv, p. 165-195, sont l'œuvre de quelque moine monophysite : impossible de croire à leur authenticité, moins encore à leur véracité. En revanche, Dioscore a facilité l’implantation du monophysisme en Egypte et a laissé un disciple digne de lui, Timothée Aelure, qui se fit sacrer évéque d’Alexandrie par le parti monophysite, en 457, composa un pamphlet contre le pape saint Léon et le concile de Chalcédoine, inscrivit le nom de Dioscore dans les diptyques et eut pour successeur Pierre Monge. Désormais, grâce à Dioscore, le grand siège d’Alexandrie a perdu de son éclat et de sa gloire ; l’Egypte est devenue pour longtemps l’un des principaux foyers du monophysisme et le théâtre d’incessantes querelles théologiques, d’ardentes compétitions religieuses ; l'œuvre des Denys, des Athanase et des Cyrille a été compromise par leur indigne successeur, qui se perdit par les excès de son ambition et de