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DIOGNÈTE (ÉPITRE A

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Cod. Voss. Gr. 30. Une troisième copie plus exacte, prise par Beurer entre 1587 et 1531, a malheureusement disparu. II. Kilin, Der Ursprung des Briefes an Diognet, Fribourg, 1882, p. 35 sq. ; Ad. Harnack, Geschichteder altchristl. Lia., t. i, 2, p. 757-758.

II. Ob.iet. — Un païen du nom de Diognète, grand personnage, a prié l’un de ses amis, un chrétien, de l'éclairer sur l’origine, sur le caractère particulier et l’eflicacité du christianisme, sur la raison enfin de son avènement tardif parmi les hommes, c. I. L’auteur de la lettre commence donc par prendre à partie tour à tour le paganisme et le judaïsme, par réfuter l’idolâtrie ou plutôt la forme la plus grossière de l’idolâtrie, le fétichisme, c. ii, et les superstitions rabbiniques qui peu à peu ont dénaturé la loi de Moïse et institue un culte purement extérieur, indigne de Dieu, c. imiv. Après quoi, l’auteur, abordant la deuxième question de Diognète, sans avoir encore épuisé la première, trace un tableau exquis de la vie des. chrétiens de son temps, c. v, et fait ressortir, dans une comparaison restée justement célèbre, le rôle de la religion nouvelle : « Ce que l'âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde, » c. vi.Une fois l’effet constaté, notre auteur en montre la cause. L’intervention divine peut seule expliquer une si prodigieuse transformation des mœurs. Le christianisme n’est pas une invention humaine ; il est d’origine divine. Dieu a député son Fils vers les hommes, « comme un ministre de clémence et de douceur, » pour les sauver. La mort héroïque des martyrs et la rapide propagation du christianisme attestent une puissance surnaturelle, la présence du Fils de Dieu parmi nous, c. vii-vm, 6. Vient ici la réponse, une réponse incomplète toutefois, à la troisième question de Diognète : Pourquoi Dieu n-t-il différé si longtemps notre rédemption'.' Pourquoi a-t-il laissé le genre humain plongé dans l’erreur et dans le vice tant de siècles durant ? C’est qu’il voulait nous faire sentir notre profonde misère et le besoin indispensable que nous avions de son secours, c. viii, 7-ix. Enfin, après avoir exhorté Diognète à embrasser la foi, l’auteur énumère les avantages spirituels qui en découleront pour lui, notamment la charité envers le prochain et la ressemblance avec Dieu même, c. x. Dans les deux derniers chapitres par où se termine la Lettre sous sa forme actuelle, l’auteur déclare à son arni qu’il n’a fait que lui transmettre l’enseignement des apôtres, dont lui-même a été le disciple.

III. Intégrité.

Mais la plupart des critiques modernes ont signalé entre ces deux derniers chapitres et ce qui précède une différence assez forte pour qu’ils aient cru devoir les rejeter comme apocryphes. Le sujet de la Lettre, tel que les premiers mots de l’auteur l’exposent et le limitent, est en effet épuisé avec le c. x. De là aux c. xi et xii, point de transition naturelle. Aussi le manuscrit de Strasbourg offrait-il à cet endroit même une lacune, et, non pas, selon toute apparence, une lacune de quelques mots. Ici et là d’ailleurs, style, cadre, idées, tout est contraste. La langue des c. i-x, énergique et vivante, ne laisse pas d'être à la fois simple et translucide ; les c. xi-xii respirent la recherche et l’afféterie, l’expression a quelque chose de vague et de pénible. Notre Lettre, c. i-x, n’est qu’une réponse à des questions déterminées et précises ; l’auteur des c. xi-xii se donne pour « un disciple des apôtres et un docteur des gentils. » Les c. i-x ne s’adressent qu’au seul Diognète et ne se servent en conséquence que du singulier ; lesc. xi-xii, au contraire, s’adressent en général à tous ceux « qui veulent être disciples de la vérité » , et se servent tantôt du singulier, c. xi, 7 ; c. xii, 7, 8, tantôt du pluriel, c. xi, 8 ; c. xii, I. Les c.xi-xii portent avec eux une date plus rapprochée de nous. Témoins l’emploi à peu prés exclusif du

terme de Logos ; tandis que les c. i-x, sauf néanmoins le c. vii, 2, parlent du Fils de Dieu ; l’attribution à saint Paul du titre d’apôtre par excellence, ôàTioTtoXo ;  ; une certaine couleur gnostique partout répandue ; le caractère semi-poétique du morceau, qui décèle un fragment d’homélie. Bardenhewer, Gescliiclite der altkirchl. Literatur, t. i, p. 295, etc. Il paraît donc hors de doute que ces c. Xi-xii ne dépendaient pas originairement de l’Fpitre à Diognète. M. Bunsen, Hippolylus and seine Zeit, Leipzig, 1852, t. 1, p. 137, les avait attribués à saint Hippolyle ; de nos jours, M. Dræseke, Zeitschrifl fur wissenschaft. Théologie, 1902, t. xi.v, p. 275 sq., et Bonwetsch, Gôtting. Nachr. phil. Iiist. Klasse, 1902, p. 621-634, ont fait revivre les conclusions de lîunsen un peu oubliées ; M. Harnack y a souscrit, Die Chronologie, t. M, p. 232 sq. ; M.di Pauli enfin, Theol. Quartalschrift, 1906, t. lxxxviii, p. 2836, s’y rallie décidément et tient les c. xi-xii, pour l'épilogue des Philosophumena, pour un épilogue écrit afin d'être prononcé.

IV. Auteur, destinataire, date. — 1° Auteur. — L'Épitre à Diognète, dans le Cod. Argenlorat. 9, é.tait annexée aux œuvres de saint Justin ou plutôt à quatre écrits pseudo-justiniens, et portait le nom du philosophe martyr. Sur la foi du manuscrit de Strasbourg, Henri Fstienne, le premier éditeur de notre Kpître, lui conserva le nom de saint Justin et ne trouva pas, un siècle durant, de contradicteurs. Le judicieux Tillemont, Mémoires, 2e édit., Paris, 1701, t. ii, p. 372 ; cf. p. I91, rejeta le premier, en 1691, le témoignage du manuscrit. Et, de fait, sans parler de la différence de style qui est fort sensible, le saisissant contraste des idées de l’auteur de notre Épitre avec les idées de saint Justin ne permet pas de les confondre ensemble. L’opinion qui voyait dans la Lettre à Diognète l'œuvre de saint Justin, est donc aujourd’hui abandonnée. Mais, sur le nom du véritable auteur, nul accord entre les critiques, et nulle chance d’accord. Tandis que M. Bunsen, op. cit., et M. Dræseke, Der Brief an Diognet, Leipzig, 1881, pour avoir aperçu dans notre Lettre un reflet du gnosticisme, l’attribuent, celui-là à Marcion, celui-ci au marcionite Apelles, concluant tous les deux, en dépit de la logique, a ]wsse ad esse ; M. l’abbé Doulcet, Revue des questions historiques, 1880, t. XXVIII, p. 601-602 ; Annales de philosophie chrétienne, 1880, p. 477-480, 555-507, y reconnaît la main du philosophe Aristide. Conjecture assurément ingénieuse, que M. Kihn, Der Ursprung des Briefes an Diognet, Fribourg, 1882, et M. Kriiger, Zeitschrifl finwissenschaftl. Théologie, 1894, t. xxxvii, p. 206-223, ont accueillie l’un et l’autre, ce dernier toutefois sauf à se rétracter, Nachtràge, p. 20, et qui, à défaut de preuves décisives, se recommande du moins de quelques analogies entre notre Epitre et l’ouvrage du philosophe athénien. Ici, on ne sort pas en définitive du champ des hypothèses.

Destinataire.

Pas plus que le nom de l’auteur,

celui du destinataire de la Lettre n’est encore découvert, et ne le sera très probablement jamais. Il se peut que le destinataire soit, comme Bunsen l’a pensé après le P. Halloix (1631), le philosophe stoïcien Diognète, un des précepteurs de Marc-Aurèle ; ou bien, selon Kihn, qui fait du nom de Diognète un titre d’honneur, l’empereur Adrien lui-même. Mais rien de plus, que des peut-être.

Date.

La critique est unanime à repousser

l'étrange fantaisie de M. Donaldson, A crilical hislory of Clirislian Literalurc, 1866, t. ii, p. 126 sq., qui tient notre Lettre pour une œuvre de la Benaissance, comme aussi la thèse de M. Overbeck, Ueber den psemltijnslin. Brief an Diognet, 1872, dans Studien zur Gescliichle der alleu Kircfie, 1875, t. i, p. 1-92, qui assigne à notre Lettre une date postérieure à Constantin. Til-