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EGLISE


dessiècles, la mission de Jésus-Christ, en accomplissant tout ce qui est nécessaire ou utile pour diriger les âmes vers le salut éternel ;

2° Ce droit résulte aussi de la revendication constante, faite par l'Église au cours des siècles, comme nous l’avons particulièrement prouvé précédemment en ce qui concerne le mariage chrétien, d’après l’enseignement de l’encyclique Arcanum de Léon XIII du 10 février 1880.

> Les concessions parfois accordées par l'Église au pouvoir séculier, dans les matières relevant véritablement de son autorité, ne dérogent aucunementau droit du pouvoir ecclésiastique, qui reste dans toute son intégrité, malyr( ; cette condescendance qui a toujours eu pour but de mieux assurer la concorde entre les deux pouvoirs, en même temps que la paix et la liberté dans les sociétés chrétiennes. On a montré' particulièrement à l’art. Concii.es, t. iii, col. G44, que les empereurs d’Orient, en convoquant matériellement plusieurs conciles œcuméniques, n’accomplissaient en réalité aucun acte du pouvoir ecclésiastique, et que toute l’autorité de ces conciles provenait uniquement de la convocation formelle des papes, et de l’approbation qu’ils donnaient aux décisions conciliaires. On a également montré que les concordats, conclus entre l’Eglise et les pouvoirs séculiers, tout en engageant, par un contrat synallagmatique, la volonté de l'Église, relativement aux concessions pratiques qu’elle juge utile de faire aux pouvoirs séculiers, ne diminuent aucunement ses droits réels. Voir t. iii, col. 727 sq.

Le même principe doit être appliqué à quelques autres concessions faites aux princes temporels, comme le titre de légat apostolique du saint-siège, le droit de patronage sur les bénéfices ecclésiastiques, ou 1rs droits spéciaux accordés aux aumôneries royales ou princières. Cavagnis, Instituliones juris publiai ecclesiastici, 4e édit., Rome, 1907, p. 278 sq.

4° De toute cette doctrine, il est facile de comprendre quelle est la nature des immunités ecclésiastiques, dont jouissent de droit le souverain pontife, les évoques, les prêtres et tous les ministres de l'Église, ainsi que les objets consacrés au culte divin, ou affectés au service de l'Église, ou possédés par elle. Soustraits de droit à l’autorité du pouvoir temporel, ces personnes, ces objets ou ces biens doivent jouir d’une situation particulière auprès des pouvoirs séculiers. Bien que cetle situation particulière ne puisse exister, en fait, qu’avec la bienveillante acceplalion de ces mémos pouvoirs, ce n’est point cetle acceplalion qui crée le droit de l'Église. Ce droit, dans son principe sinon toujours dans sa détermination concrète et particulière, découle de l’indépendance absolue qui appartient en propre à l'Église, dans toutes les matières qui relèvent vraiment de son autorité. Voir IMMUNITÉS.

5° Ce droit de l'Église doit être intégralement respecté ; parles pouvoirs séculiers dans une société normalement constituée comme société chrétienne, ou -se donnant publiquement comme société chrétienne, — 1. Ce devoir résulte manifestement de ce que les hommes, réunis en société, sont aussi bien sous le pouvoir de Dieu que les individus considérés isolément : iXalura et ratio qux jubet vel singulos sancte retigioseque Deum colère, quodin ejùs potestate sumus, cl quod ab eo profecti ad eumdem weverti debemus, ea lege adslringil civilem communitatem. Homines enim communi socielale conjuncti nihilo sunt minus in Dei potestate quant singuli ; neque minorem quant singuli gratiam Deo socielas débet, quo auctore eoaluit, cujus nutu conservatur, cujus beneficio innumerabilem bonorum quibus af/luit copiant accepit. Encyclique Immortale Dei de Léon XIII du 1 er novembre 1885. D’où Léon XIII déduit, pour les sociétés temporelles et pour leurs chefs, le grave devoir de respecter la

religion chrétienne et de ne rien faire qui soit conlraiie à son intégrité : Sanctum igitur oporlel apud principes esse Dei nomen ; ponendunxque in prsecipuis illorum of/iciis religionem gratia complecli, benevolentia tueri, auctorilate nutuque leguni légère, nec quippiam insliluere aut decernere, quod sit ejus incolumitali conlrarium. Loc. cit. Dans ces devoirs envers la religion chrétienne, est évidemment compris le respect des droits sacrés que cetle religion assure à l'Église.

2. Les prétentions contraires, parfois émises par les princes temporels ou par leurs partisans, ont toujours été réprouvées par l'Église. Il nous suffira de rappeler la condamnation portée par Jean XXII contre cette proposition de Marcile de Padoue, que le temporel de l'Église est soumis à l’empereur, quod omnia temporalia Ecclesix subsunt imperalori, et ea potest accipere velul sua, Denzinger-Bannwart, Enclnridion, n. 495 ; la condamnation portée par Pie VI dans la bulle Aucloreni fidei du 28 août 1794 contre les propositions 4e et 5e du conciliabule de Pistoie, soumettant l'Église au pouvoir séculier en tout ce qui concerne l’ordre extérieur, n. 1504 sq. ; et la condamnation portée par Pie IX contre les propositions 19-35 et 41-54 du Syllabus, n. 1719 sq., 1741 sq.

Il n’en résulte d’ailleurs pour l'État aucune diminution de pouvoir. Il en résulte plutôt d’immenses avantages, comme nous le montrerons bientôt.

II. droit de l'église, dass use société chrétienne, au concours négatif et positif de l'état, et devoir CORRESPONDANT de L'ÉTAT. — Nous joignons, dans notre exposé, ces deux concours de l’Etat, parce que. bien que théoriquement assez divergents, ils sont en fait intimement unis l’un à l’autre. Le concours négatif, comportant strictement la simple omission de tout ce qui pourrait contrarier la direction des sujets catholiques vers leur fin surnaturelle, suppose, par le fait même, s’il est réalisé dans toute son intégrité, quelque assistance donnée à l’Eglise pour l’aider à accomplir sa mission. Le concours positif de l’Etat, comprenant l’accomplissement, d’ailleurs discret et prudent, des actes publics que l’Eglise juge nécessaires ou utiles pour la défense de ses intérêts, suppose préalablement, sous peine de n'être point sincère, l’existence du concours négatif. Nous démontrerons donc conjointement le droit de l'Église, dans une société chrétienne, à l’un et l’autre concours de la part de l'État.

1° Ce droit de l'Église résulte manifestement de deux vérités déjà démontrées. 1. La première de ces vérités est que toutes les actions humaines, celles qui appartiennent à la vie sociale aussi bien que celles qui appartiennent à la vie individuelle, sont nécessairement subordonnées à la fin surnaturelle, et qu’il appartient à la seule autorité ecclésiastique, exclusivement chargée de diriger à cette fin surnaturelle, d’indiquer comment toutes les actions humaines, celles qui concernent la vie publique aussi bien que celles qui concernent la vie individuelle, doivent y être ordonnées. C’est l’enseignement déjà cité de saint Thomas, De regimine principum, l. I, c. xv, communément reproduit par les théologiens postérieurs.

L'Église a donc le droit de déterminer obligatoirement ce que l'État doit éviter dans ses institutions et dans sa législation, pour ne point empêcher cetle direction obligatoire des sujets catholiques vers leur lin surnaturelle.

2. La deuxième vérité sur laquelle s’appuie ce droit de l'Église est que, selon l’enseignement de Léon XIII dans l’encyclique Imnwrlale Dei, l’homme vivant en société, n’ayant pas moins d’obligation vis-à-vis de Dieu que l’homme considéré dans sa vie individuelle, les sociétés temporelles ne doivent point se borner à