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ÉGLISE


l’infaillibilité de l'Église louchant les faits dogmatiques, t. V, p. 108 sq.

Cette infaillibilité de l'Église, dans ses jugements sur les faits dogmatiques, est encore prouvée par la pratique constante de l'Église. Car l'Église a fait pour son infaillibilité sur les textes dogmatiques, précisément comme elle a fait pour son infaillibilité sur lesdogmes. En vain les protestants lui ont contesté son infaillibilité sur les dogmes, elle n’a jamais fait jusqu’ici aucun symbole, aucun canon, aucun décret équivalent, pour établir en termes formels et expressément cette autorité infaillible. Elle s’est contentée de la supposer et de l’exercer, en condamnant tous ceux qui refusaient de s’y soumettre sans réserve. De même le parti de.Jansénius lui conteste en vain son infaillibilité sur les textes dogmatiques. Elle n’a fait jusqu’ici ni symbole, ni canon, ni décret équivalent, pour établir en termes formels et expressément cette autorité infaillible ; mais elle ne cesse point de la supposer et de l’exercer manifestement dans la pratique. Deuxième lettre à l'évêque de M eaux, t. iv, p. 358.

Cette pratique de l’Eglise est particulièrement prouvée par plusieurs faits dont l'éclaircissement, au jugement de l’auteur, emporte la tradition tout entière. Les principaux faits cités dans les premiers siècles sont : la désapprobation formelle donnée au concile de Kimini, qui s'était trompé uniquement sur une question de fait ; l’obligation imposée par le concile de Chalcédoine à Tbéodoret, à Jean d’Antioche et aux autres Orientaux d’anathématiser Nestorius, l’orthodoxie sur le reste n'étant point considérée comme suffisante ; dans la controverse des Trois Chapitres, l’infaillibilité universellement attribuée aux décrets du concile de Chalcédoine relativement aux écrits soumis à son jugement ; le droit que s’attribue le cinquième concile et qui lui est universellement reconnu de juger infailliblement les textes désignés sous le nom de Trois Chapitres. Instruction pastorale du l" r juillet 1708, t. v, p. 51 sq. Les mêmes faits prouvent que cette infaillibilité de l’iiglise doit être admise pour le jugement porté par elle sur de longs textes. Instruction pastorale du 10 février 1704, t. iii, p. 577 sq.

A cette autorité infaillible est due une véritable soumission intérieure, pour laquelle un simple silence respectueux, comportant seulement une non-résistance extérieure, ne peut suflire. Instruction pastorale du 2 mars 1705, t. iv, p. 70 sq. ; Iïéponse à la deuxième lettre de l'évêque de Saint-Pons, p. 415 sq. ; Ordonnance et instruction pastorale du 1 er mars 1706, p. 495 sq. ; Lettre à un évoque sur le mandement de M. de Saint-Pons, p. 525 sq. Cette soumission véritable de l’intelligence, quand il s’agit de la condamnation d’un écrit, ou de propositions comme celles de Jansénius, doit avoir pour objet la réprobation de ces propositions, non au sens personnel de l’auteur quand celui-ci est différent du sens propre et naturel du texte, mais uniquement dans le sens propre et naturel du texte. Le sens personnel de l’auteur, quand il est tout seul dans l’esprit de l’auteur et qu’il est détaché de tout texte qui l’exprime naturellement au dehors, n’est qu’une pensée intérieure et secrète qui n’a rien de contagieux pour les peuples. Alors c’est un fait non seulement personnel, particulier, indifférent à la conservation du dépôt de la foi et au salut des peuples en général, mais encore intérieur et impénétrable. C’est le secret des consciences, réservé à Dieu seul qui en est le scrutateur. Mais le sens propre et naturel d’un texte, qui est, par l’institution des paroles et par l’usage de la langue, comme inséparable du texte, est porté par le texte même dans l’esprit de tous ceux qui le lisent ou qui l'écoutent. Quoique l'Église n’ait aucun besoin d’infaillibilité sur le sens personnel des auteurs détaché de tout texte, et que le dépôt de la foi

se trouve en pleine sûreté avec le salut des peuples en général, malgré ce sens personnel d’un auteur hérétique, il n’en est pas moins évident qu’elle a besoin de ne se tromper jamais dans le discernement du sens propre et naturel des textes considérés en eux-mêmes, parce que c’est ce sens qui passe, avec les paroles du texte, dans l’esprit des lecteurs et qui par conséquent conserve ou corrompt leur foi. C’est ce sens qui est naturellement lié avec le texte et qui sort, pour ainsi dire, des paroles mêmes, pour vivifier ou pour empoisonner les lecteurs. Instruction pastorale du 2 mars 1705, t. iv, p. 75.

Il est très assuré que l’infaillibilité garantie à l'Église, par son divin fondateur, dans le discernement de chaque texte qui conserve ou qui corrompt le dépôt, et entre autres du texte de Jansénius, est une vérité révélée. Instruction pastorale du 10 février 1704, p. 610. Mais l’héréticité de chaque texte, dépendant des règles de la grammaire et de la signification des termes, n’est point une vérité révélée, si elle est prise en ellemême ; elle ne tient à la révélation que par l’infaillibilité garantie à l’Eglise. Instruction pastorale du 2 mars 1705, t. iv, p. 90. Quant à savoir si l’acte par lequel on adhère à l’héréticité d’un texte parce qu’elle est enseignée par l'Église, est ou non un acte de foi divine, l’archevêque de Cambrai ne le décide point, toute la question, dit-il, devant être traitée indépendamment de ce point, p. 91.

Relativement à l’opinion de saint Thomas et des théologiens précédemment indiqués, sur la faillibilité des jugements de l'Église concernant des faits particuliers, Fénelon observe que ces faits particuliers, tels que possessions justes ou injustes, crimes ou choses semblables, sont très différents de l’héréticité des textes qui corrompraient le dogme de la foi, si l'Église manquait de les interpréter et de les condamner dans leur sens véritable. D’ailleurs, si quelques-uns d’entre eux, en très petit nombre, pressés par les difficultés qu’ils s’efforçaient de vaincre sur d’autres matières, et n’examinant pas alors la question présente dans toute son étendue, n’ont pas assez nettement distingué les faits personnels et indifférents au dogme, d’avec les faits dogmatiques des textes qui rentrent dans le droit, on ne doit point être étonné de ce défaut de précaution. Les meilleurs auteurs peuvent ne pas parler, avec exactitude, d’un point de doctrine, quand ce point n’a jamais été éclairci par aucune dispute, surtout quand ils n’en parlent qu’en passant, à la hâte, et par rapport à d’autres points qui les occupent alors uniquement. Ces théologiens n’ont point aperçu les conséquences qu’on veut maintenant tirer de leurs expressions. Tous leurs principes tendent évidemment à établir, en vertu des promesses, l’autorité infaillible de l’Eglise pour juger des textes qui affirment ou qui nient le dogme révélé, parce que l'Église ne peut juger du sens qu’en jugeant des paroles. Toutes les preuves qu’ils donnent de cette autorité infaillible, ne peuvent avoir aucun sens réel qu’en leur donnant cette étendue. Instruction pastorale du 10 février 1704, t. iii, p. 633 sq. Les arguments et les explications de Fénelon furent largement utilisés par les théologiens subséquents qui ne firent guère que compléter ses réponses aux diverses objections. Ilenno, op. cit., p. 312 sq. ; Tournely, op. cit., t. il, p. 466 sq. ; liilluart, Traclatus de regulis fidei, diss. III, a. 7 ; Régnier ([- 1790), De Ecclesia Clirisli, part. 1, sect. iv, c. II, dans le Cursus complétas tlteologix de Migne, Paris, 1838, t. iv, p. 655 sq. ; Perrone, De locis theologicis, part. I, sect. i, c. iv, a. 2, prop. 2, o)>. cit., t. viii, p. 255 sq. ; Murray, op. cit., t. iii, p. 265 sq. ; Mazzella, op. cit., p. 620 sq. ; Hurler, op. cit., p. 272 sq. ; Wilmers, op. cit., p. 464 sq. ; de Groot, op. cit., p. 283 sq. ; I’esch, op. cit., p. 366 sq. ; Billot, op. cit., p. 420 sq.