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EGLISE


trition parfaite reste le seul moyen par lequel les âmes de honne foi peuvent obtenir la rémission de leurs péchés.

3* objection. — Les théologiens catholiques, dans leur interprétation du dogme catholique, supposent nécessairement la damnation en masse de tous les païens avant et après Jésus-Christ, puisqu’ils repoussent comme erronée toute assertion relative au salut même de quelques-uns qui, parmi ces païens, paraissent les meilleurs. Car si même pour ces quelques hommes d'élite la condamnation est certaine, quel peut être le sort des autres ? — Réponse. — Il est vrai que quelques écrivains catholiques, comme Foggini, Patrmn Ecclesirn de paucitale adultorum fidelium sulvandorum, si cum reprobandis fidelibus coniparatur mira consensio adserla et demonstrata, Rome, 1750, se prononcent pour la damnation en masse de tous ceux qui restent en dehors de l'Église catholique. Mais cette opinion, particulièrement en ce qui concerne les païens avant et après Jésus-Christ, est certainement opposée à l’enseignement constant des Pères et des théologiens. Sans parler des affirmations générales des Pères et des écrivains des premiers siècles, ni de celles des écrivains postérieurs, sur la rédemption universelle accomplie par Jésus-Christ, sur le salut offert à tous, sur la damnation éternelle provenant de la seule faute de l’homme, et sur la possibilité pour tous les hommes de connaître Dieu, nous nous bornerons à rappeler brièvement l’enseignement des Pères et des théologiens qui ont plus spécialement traité la question du salut des païens avant ou après Jésus-Christ. Saint Augustin, dans sa lettre en, répond à cette question angoissante qui lui avait été' envoyée au nom d’un païen et qui se représenta si souvent depuis, sous diverses formes, à la pensée de tant d’autres écrivains : qu’est-il advenu des âmes des Romains ou des Latins qui sont restées privées de la grâce de Jésus-Christ jusqu’au temps des Césars ? Depuis le commencement du genre humain, réplique le saint docteur, tous ceux qui ont cru en Jésus-Christ et qui l’ont connu de quelque manière et qui ont vécu pieusement et justement selon ses préceptes, partout et aussi souvent qu’ils se sont rencontrés, ont certainement été sauvés par lui.

Depuis le commencement du genre humain, tantôt d’une manière plus cachée, tantôt d’une manière plus évidente, suivant que la sagesse divine l’a jugé meilleur selon les temps, Jésus-Christ n’a pas cessé d'être annoncé, et ceux qui ont cru en lui n’ont pas manqué depuis Adam et depuis Moïse ni dans le peuple d’Israël qui a été, d’une manière spéciale, un peuple prophétique, ni dans les autres nations avant la venue du libérateur promis. Puisque quelques-uns sont mentionnés dans les saints Livres des Hébreux depuis le temps d’Abraham, qui ne sont point de sa race, ni du peuple d’Israël, ni de la société des étrangers incorporés au peuple d’Israël et qui ont cependant participé à ce mystère, pourquoi ne croirions-nous pas qu’il y en a eu aussi d’autres çà et là dans le reste du monde, bien que nous ne le voyions point mentionné dans ces mêmes documents ? Ainsi le salut de cette religion, par laquelle seule le véritable salut est vraiment promis, n’a jamais manqué à personne qui en fût digne, et celui auquel il a manqué n’en était pas digne. Epist., en, n. 12, 15, P. L., t. xxxiii, col. 374, 376. Le saint docteur s’exprime de même dans son ouvrage De civilate Dei. Il ne croit pas que les Juifs osent prétendre que personne n’a appartenu à Dieu en dehors des Israélites, depuis qu’Israël s’est propagé après la réprobation de son frère aîné. En vérité, il n’y a eu aucun autre peuple qui put être appelé le peuple de Dieu ; mais des hommes appartenant, non par la société de la terre, mais par celle du ciel, aux véritables Israélites citoyens de la céleste partie, on ne peut nier qu’ils aient

existé aussi chez d’autres peuples. Car si on le nie, on est très facilement convaincu par l’exemple du saint et admirable homme Job, qui ne fut ni Israélite, ni prosélyte, mais qui, appartenant au peuple d’Idumée, y naquit et y mourut. Cet exemple a été fourni par la divine providence pour que nous sachions, par ce seul juste, qu’il y a pu en avoir d’autres chez d’autres peuples, qui, vivant selon Dieu et lui plaisant, ont appartenu à la Jérusalem spirituelle. De civilate Dei, 1. XVIII, c.xlvii, P. L., t. xli, col. 609 sq. Quant à la difficulté que l’on pourrait faire ici relativement à la nécessité de la foi en Jésus Christ même pour ces païens, selon la doctrine de saint Augustin, elle sera résolue à l’article Foi, lorsqu’on étudiera sur ce point la pensée du saint docteur.

Vers la même époque, l’auteur des deux livres De vocatione gentium affirme explicitement que la providence divine n’a cessé, en aucun temps, de s’exercer à l'égard de tous les hommes. Bien qu’elle se soit choisi un peuple qu’elle a spécialement avantagé, elle n’a cependant retiré à aucun peuple de l’univers les dons de sa miséricorde, 1. 1, c. v, P. L., t. ii, col. 652. Dans tous les pays et dans tous les temps, il y a eu des hommes qui ont plu à Dieu et c’est la grâce de Dieu qui en a fait le discernement. Cette grâce, bien que plus restreinte et plus secrète dans les temps anciens, n’a été absente à aucune époque ; et elle a été ainsi donnée virtute una, quantitate diversa, consilio immutabili, opère muUijormi, 1. II, c. v, ix, xxv, xxxi, col. 691, 691, 711, 716.

Saint Léon le Grand (f i-61) enseigne la même doctrine. Serm., xxiv, c. i ; lxix, c. h ; lxxxii, c. ii, P. L., t. uv, col. 203, 376, 423.

Saint Grégoire le Grand († 601), commentant Job, xiv, 13, affirme que, parmi les âmes justes que JésusChrist délivra de la captivité des limbes où elles étaient temporairement détenues, il y en avait beaucoup appartenant à la gentilité. Moral., 1. XII, c. XI, n. 15, P. L., t. lxxv, col. 993.

Dans les siècles suivants, l’on ne rencontre guère que les mêmes affirmations générales, que nous avons déjà signalées pour les premiers siècles. Au xiie siècle, saint Bernard († 1153) est plus explicite. Dans sa réponse à Hugues de Saint-Victor sur le baptême, il laisse entendre qu’il y a eu des fidèles dans la gentilité avant Jésus-Christ, quand il affirme que tous les fidèles qui s’y sont rencontrés, s’ils étaient adultes, ont été réconciliés avec Dieu, grâce à leur foi et avec l’aide des sacrifices qu’ils ont offerts à Dieu ; que pour les enfants, la foi des parents leur a pleinement suffi, etqu’il en fut ainsi jusqu'à l’institution du baptême. Et quand la divine institution du baptême eut été suffisamment divulguée pour obliger tous les hommes, il fut toujours vrai que la foi seule, avec la conversion de la volonté, sans la réception du baptême quand il ne peut être reçu, peut suffire pour le salut. Epist., lxxvii, de baptismo, c. i, n. i, 8, P. L., t. CLXXXII, col. 1031, 1037. De ce dernier enseignement il résulte manifestement que, dans la pensée de saint Bernard, après comme avant JésusChrist, il y a eu de véritables fidèles en dehors de ceux que Dieu a le plus favorisés par la prédication publique de sa révélation.

Au xiii c siècle, le passage déjà cité de saint Thomas (y 1274) sur la manière dont l’homme nutritus in silvis peut arriver à la possession de la foi surnaturelle, Qwœst. disp., De vcrilale, q. xiv, a. 11, ad l um, prouve que le saint docteur admettait la possibilité du salut pour les gentils avant l’avènement de Jésus-Christ et pour tous ceux qui, depuis cet avènement, sont privés du bienfait de la prédication chrétienne. D’ailleurs, en ce qui concerne les gentils, la même conclusion se déduit de ces deux enseignements de saint Thomas : a) que c'était simplement pour eux un moyen plus parfait et plus