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EGLISE


l’Eglise merito et desiderio. Controv., part. I, disp. I, cont. VI, Milan, 1757, t. viii, col. 81.

Tournely († 1729), tout en maintenant que les catéchumènes appartiennent à l'Église animo et affecta, et que cela leur suffit pour le salut, s’exprime d’une manière différente, en introduisant dans cette question la distinction entre l'âme et le corps de l’Eglise. Selon lui, si l’on considère dans l'Église l'âme en même temps que le corps, personne ne peut être sauvé en dehors de l'Église. Si l’on considère seulement le corps de l'Église, il ne peut y avoir de salut pour qui est en dehors de lui par sa propre faute ; mais, dans le cas contraire, le salut peut être obtenu à cause de la foi et de la charité que l’on possède, en appartenant au corps de l'Église par le désir et en appartenant à son âme en réalité. Prælectiones theologicæ de Ecclesia Chris ti, q. vii, a. 7, Paris, 1739, p. 654.

Billuart († 1757) revient à l’explication de Bellarmin en ce qni concerne le salut des catéchumènes. Il déclare qu’ils peuvent être sauvés parce qu’ils appartiennent à l'Église par le désir, et qu’on ne peut objecter qu’il n’y a point de salut en dehors de l'Église, puisque cela est vrai seulement de ceux qui n’appartiennent à l'Église nec re nec in voto. Tract, de regulis fidei, diss. III, a. 2, p. iii, Sumnia sancti Thomse, Paris, 1886, t. v, p. 96.

On doit d’ailleurs observer que ces textes, où il est affirmé que l’appartenance de désir suffit pour le salut doivent généralement s’entendre d’un désir même implicite, du moins dans les cas où l’ignorance invincible empêche de former un désir explicite, selon ce que les théologiens de cette époque admettent communément pour le désir du sacrement de baptême qui est également nécessaire pour le salut. Voir Charité, t. il, col. 2242 sq. Enfin, au XIXe siècle, cette même doctrine est encore soutenue par la plupart des théologiens, sans aucun recours exprès à la distinction entre l'âme et le corps de l’Eglise. Murray, op. cit., 1. 1, p. 732 sq. ; Hurter, op. cit., t. i, p. 220 ; de Groot, op. cit., p. 119 ; Wilmers, op. cit., p. 660 ; Billot, op. cit., p. 124 sq. On peut aussi consulter notre thèse : De axiomate : Extra Ecclesiam nulla salus, Bar-le-Duc 1895, p. 373 sq.

Quelques théologiens, cependant, affirment encore, comme autrefois Tournely, que l’appartenance réelle à l'âme de l'Église ainsi que l’appartenance de désir à son corps, sont seules nécessaires pour le salut, et que l’apparlenance actuelle au corps de l'Église est simplement exigée par un précepte dont l’impossibilité ou l’ignorance invincible peut excuser. Mazzella, op. cit., p. 394 ; Pesch, op. cit., p. 267 ; Ed. Hugon, Hors de l'Église point de salut, Paris, 1907, p. 276 sq.

b) Quant aux documents ecclésiastiques de toute cette période, en même temps qu’ils reproduisent les déclarations antécédentes sur l’impossibilité d’obtenir le salut en dehors de l'Église catholique, ils affirment aussi, du moins plusieurs d’entre eux, que le salut, grâce à la miséricorde divine, reste encore possible, moyennant certaines conditions, â ceux qui ignorent invinciblement notre sainte religion, sans que ces documents introduisent, dans leurs affirmations dogmatiques, les explications théologiques précédemment indiquées.

La formule de foi dite de Pie IV, prescrite par ce pape le 13 novembre 1564 et constamment usitée depuis cette époque, déclare expressément qu’en dehors de la foi catholique telle que l’indique ce document, personne ne peut être sauvé. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1000. Cette même déclaration est reproduite dans la profession de foi prescrite aux Orientaux par Benoit XIV, le 16 mars 1743. Enchiridion, n. 1473.

Pie IX, dans son allocution consistoriale Singulari quidam du 9 décembre 1854, réprouve solennellement

l’indifférentisme de ceux qui s’imaginent faussement que l’on peut être sauvé en dehors de l'Église ; et pour montrer comment le dogme de l’impossibilité du salut en dehors de l’Eglise n’est aucunement opposé à la miséricorde et à la justice divine, il déclare expressément que ceux qui ignorent invinciblement la vraie religion n’ont, de ce chef, aucune culpabilité devant Dieu, et que Dieu seul peut tracer les limites exactes de cette ignorance, selon la multiple variété des peuples, des milieux et des caractères. Enchiridion, n. 1647. Tout cet enseignement est répété par le même pape avec une précision encore plus grande dans son encyclique aux évêques d’Italie du 10 août 1863. Pie IX y déclare notamment, que ceux qui sont dans l’ignorance invincible relativement à notre sainte religion, qui gardent avec soin la loi naturelle et ses préceptes gravés dans tous les cœurs, et qui, prêts à obéir â Dieu, mènent une vie conforme à l’honnêteté naturelle, peuvent avec le secours de la divine lumière et celui de la grâce, obtenir la vie éternelle, puisque Dieu qui voit, scrute et connaît parfaitement tous les esprits, tous les cœurs et toutes les pensées, ne souffre jamais, dans sa souveraine bonté et clémence, que quelqu’un, qui n’est coupable d’aucune faute volontaire, soit puni des peines éternelles. Enchiridion, n. 1677. C’est d’ailleurs à ces deux documents et à quelques autres semblables que se réfèrent ces trois propositions condamnées dans le Syllabus : 16. Hommes in eu jus vis religionis cultu viam seternæ salutis reperire œternamque salutem assequipossunt. — 17. Saltem bene sperandum est de œterna illorum omnium salute qui in vera Christi Ecclesianequaquam versantur. — 18. Protestantismus non aliuil est quant diversa verse ejusdem christianss religionis forma, in qua sequo ac in Ecclesia catholica Deo placere datum est. Enchiridion, n. 1716 sq.

On doit encore noter la profession de foi, exigée par le décret du Saint-Office du 20 juin 1859, pour l’absolution des hérétiques qui se réconcilient avec l'Église. Il y est expressément affirmé que personne ne peut être sauvé en dehors de la foi tenue, crue, prêchée et enseignée par la sainte Église catholique, apostolique et romaine. ColleclaneaS. C. de Propaganda fide, n. 1178, 2e édit., Rome, 1907, t. I, p. 642 sq.

3° Conclusions relatives au sens de la formule dogmatique : Extra Ecclesiam nulla salus. — 1. Selon les documents précités, l'Église dont il est ici question, n’est point l'Église comprenant, au sens large, tous les croyants depuis Adam jusqu'à la consommation des siècles, comme l’affirmaient Cano et Bannez. Elle est manifestement l'Église du Nouveau Testament, telle que nous l’avons précédemment décrite, puisque ce sens est celui qui est constamment usité dans tous les documents ecclésiastiques.

On doit en même temps observer que ces mêmes documents ne contiennent relativement à notre dogme aucune donnée positive en faveur d’une distinction théologique entre l'âme et le corps de l'Église.

2. Selon la teneur des documents ecclésiastiques, il est nécessaire pour le salut, que l’on appartienne actuellement ou in re à l'Église catholique, en dehors de deux cas implicitement ou explicitement indiqués, où par conséquent l’appartenance in voto suffit pour obtenir le salut.

a) Le cas implicitement excepté est celui où le baptême, toujours nécessaire pour être membre de l'Église, ne peut être effectivement reçu. Puisque le désir du baptême peut alors suffire pour la régénération de l'âme, selon l’enseignement du concile de Trente, sess. VI, c. iv, il est évident que le désir d’appartenir à l’Eglise, par la réception de ce même sacrement, peut également suffire, soit au catéchumène auquel l’administration du baptême est matériellement impossible dans le cas d’extrême nécessité, soit aux convertis du