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EGLISE


profession extérieure de la vraie foi, quand même la foi n’existerait point réellement dans l’intelligence, suffit pour agréger à l'Église, parce que l'Église est une société visible à laquelle on est associé par des liens extérieurs et visibles. Cette opinion qui, selon l’auteur, s’harmonise seule avec la visibilité de l'Église, ne met point sa sainteté en péril, car de tels cas ne sont, en l’ait, que des cas isolés et très rares, 1. III, c. x.

[3) La deuxième condition requise pour appartenir à la véritable Église est la participation aux sacrements, a. La réception du sacrement de baptême est nécessaire pour devenir membre de l'Église, selon l’enseignement constant des Pères et selon l’enseignement du concile de Florence dans le décret aux arméniens : Pri » itt » i omnium sacramentorum loctim tenel sanctum baptisina quod vitse spiritual is jauua est, peripsumenim membra Cliristi ac de corpore efficimur Ecclesise. De Eccl. milit., 1. III, c. m. — p. La participation aux autres sacrements est également requise, de telle sorte que les excommuniés, qui sont privés du droit de les recevoir, cessent véritablement d'être membres de l'Église, jusqu'à ce que ce droit leur soit restitué. De Eccl. milit., 1. III, c. vi. —y. Pour appartenir vraiment à l'Église, il faut encore que l’on soit soumis aux pasteurs légitimes, particulièrement au pontife romain. A défaut de cette condition, les schismatiques, selon l’enseignement des Pères et la pratique constante de l’Eglise, ne sont point membres de l'Église. De Eccl. milit., 1. III, c. v.

Quelques années plus tard, Suarez exprime une opinion différente. Il admet, comme principe, que tous ceux qui sont membres de Jésus-Chist, étant en réalité membres de son corps mystique, sont, par le fait même, membres de l'Église qui est ce corps mystique dont Jésus est le chef. Puis rangeant parmi les membres de .lésus-Christ tous ceux qui possèdent la vraie foi, qu’ils aient déjà ou non reçu le baptême, qu’ils soient, de fait, unis ou non au chef visible de l'Église par la charité et l’obéissance, il déduit ces trois conclusions : a) Les catéchumènes, dès lors qu’ils sont en possession de la vraie foi, sont, malgré la non-réception du sacrement de baptême, membres véritables de l'Église, du moins en ce qui concerne, pour ainsi dire, la substance de l'Église qui a toujours été la même dans tous les temps, non en ce qui concerne 1rs conditions particulières ajoutées par Jésus-Christ. Ainsi se concilie facilement avec le dogme Extra Ecclesiam nulla sa/us la possibilité de salut pour les catéchumènes, n. 18. — (3) Rien n’empêche de considérer les schismatiques comme membres de l'Église, tant qu’ils gardent vraiment la foi au chef visible de l'Église auquel ils refusent simplement l’obéissance, au moins dans tel individu qu’ils ne veulent point reconnaître comme possédant cette autorité à laquelle ils croient. Le manque d’obéissance ne suffit point pour les mettre en dehors de l'Église, de même que le pécheur qui refuse directement d’obéir à Jésus-Christ et qui même le poursuit de sa haine, ne cesse cependant point d'être membre de Jésus-Christ et de rester chrétien, pourvu qu’il garde la foi en lui.n. 14. — - ;) A plus forte raison les excommuniés qui ne sont ni hérétiqnes ni schismatiques restent membres de l'Église, puisqu’ils gardent la foi et même l’union avec le chef visible de l’Eglise. La privation du droitde communion avec les autres membres ne fait point qu’ils cessent d'être membres de l'Église, de même que la main et le pied ne cesseraient point d'être des membres du corps, s’ils pouvaient être privés du concours des autres membres ou du bienfait de l’alimentation, n. 14. D’ailleurs, dans le langage des Pères, les excommuniés ne sont point mis hors l'Église, mais simplement privés dé sa communion ; ils ne sont point des étrangers, mais seulement assimilés à des étrangers, à cause de l’absence de communion avec les autres, tanquam elhnicas, ii, 16.

Entre les deux exposés de Bellarmin et de Suarez, les théologiens subséquents ayant habituellement suivi celui de Bellarmin. nous ne croyons point nécessaire d’en citer ici la très longue liste. Exception doit être faite seulement pour deux points secondaires, où un assez grand nombre d’auteurs se sont ralliés au moins partiellement à l’opinion de Suarez. Il suffit donc que nous indiquions brièvement les opinions divergentes sur ces deux points, a) Relativement à l’agrégation des hérétiques occultes à l'Église visible, les théologiens qui l’admettent avec Bellarmin, s’appuient surtout sur la nécessité de maintenir intacte la visibilité de l’Eglise ; cette visibilité leur paraissant irrémédiablement perdue dans l’hypothèse contraire, puisque la profession extérieure et visible de la foi ne serait plus toujours considérée comme un lien suffisant pour rattacher à l'église. D’ailleurs, on ne met point en doute que ces hérétiques occultes, qui ne gardent plus avec l’Eglise que ce lien extérieur, ont déjà initialement rompu avec l’unité de l'Église, quant à la disposition intime de l'àme et à l’acte intérieur de leur intelligence ; et c’est dans ce sens que l’on interprète, non sans raison, le passage souvent cité de la bulle lneffabilis de Pie IX du 8 décembre 1854 : Si qui secus a nobis definitum est, quod Deus avertat, prsesumpserint corde senlire, ii noverint acporro sciant se proprio judicio condemnatos naufragium circa /idem passe* esse et ab unitate Ecclesise defecisse, ac prselerea facto ipso siw semet pœnis ajure statutis subjicere, si quod corde sentiunt, verbo aut scHpto aut alio quovis extemo modo significare ausi fuerint. Il est non moins certain que la présence de ces quelques hérétiques occultes dans l’Eglise ne fait point d’elle une assemblée d’hypocrites, soit parce que leur nombre est certainement très restreint, surtout si l’on considère les promesses d’indéf’ectibilité dans la foi faites par Jésus-Christ à son Église, soit parce que, même pource nombre très restreint, l’hypocrisie n’est nullement démontrée, car leur permanence dans l’Eglise, avec de telles dispositions intimes, provient plutôt d’une volonté sincère de ne point consommer leur faute, en rompant le lien extérieur qui les rattache encore à l’Eglise.

Nous citerons particulièrement : Jean de SaintThomas, De auctoritate summi poiili/icis, disp. II, a. 3, Cursus theologicus, Paris, 1883, t. vii, p. 252 ; Tournely, op. cit., t. i, p. 007 sq. ; Palmieri, Tractatus de romano pontifice, cum pvolegomeno de Ecclesia, Rome, 1877, p. 51 sq. ; Mazzella, op. cit., p. 470 sq. ; Wilmers, op. cit., p. 636 sq. ; Pesch, op. cit., p. 219 sq. ; Billot, op. cit., p. :  ; pti sq.

Cependant depuis le XVIIe siècle jusqu'à notre époque, l’opinion de Suarez, excluant les hérétiques occultes de toute véritable appartenance à l’Eglise catholique, a rencontré un assez grand nombre d’adhérents, s’appuyant sur ce que la possession de la vraie foi, qui ne peut exister si la foi n’est en même temps interne, est toujours rigoureusement nécessaire, pour que l’on fasse réellement partie de l'Église. C’est en ce sens que l’on interprète tous les documents ecclésiastiques. Toutefois l’on concède que ces hérétiques occultes sont membres apparents de l'Église, au même titre que ceux que l’on croit baptisés et qui en réalité ne le sont point. Ce que l’on estime suffisant pour que ces hérétiques puissent garder, au for externe, les droits qui n’appartiennent qu’aux véritables fidèles. Sylvius, Controv., 1. I, q. i, a. 7, Opéra, Anvers, 1698, 1. v, p. 242 sq. ; Wiggers, Commentaria in 77 ara //*, De virtutibus llieologicis, p. 117 sq. ; Henno, De virtutibus, tr. II, disp. II, q. ni, a. 1, Theologia, Venise, 1719, t. i, p. 304 ; Libère de Jésus, Controv., part. I, disp. I, cont. VIII, n. 127 sq., Milan, 1707, t. viii, col. 99 sq. ; Billuart, De regulis fidei, diss. III, a. 2 p. iv ; Murray, op. cit., t. I, p. 201 sq. ; Ilurter, op. cit., t. i, p. 236 ; de Groot, op. cit., p. 59 sq.