Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/436

Cette page n’a pas encore été corrigée
2139
2140
ÉGLISE


fertiles les branches qui lui sont unies. D’où ce pape conclut que, de même que, dans les êtres animés, le principe de vie est profondément caché et cependant se manifeste parle mouvement et l’action des membres, ainsi dans l’Eglise le principe de sa vie surnaturelle apparaît visiblement par les actes qu’elle produit.

2. Enseignement traditionnel.

a) Dans les trois premiers siècles, une affirmation implicite de la visibilité de l'Église est évidemment contenue, selon les indications précédemment données, dans la nécessité si souvent mentionnée d’appartenir même extérieurement à l'Église, de suivre son enseignement et de se soumettre à son autorité directrice, si l’on veut obtenir le salut. Carde tels devoirs incombant à tous les fidèles, supposent manifestement une autorité facilement discernible, sous la dépendance de laquelle on doit se placer et rester constamment. D’ailleurs la communion avec l’Eglise, rigoureusement exigée sous les peines les plus sévères en cette vie et en l’autre, étant toujours extérieure et visible, avec une foi intégrale toujours extérieurement et visiblement professée, il est manifeste qu’un lien visible, unissant tous les membres de l’Eglise, est toujours requis.

b) Du i c au xv siècle, on rencontre, chez les Pères et chez les théologiens, quelques affirmations qui, au moins par voie de conséquence, contiennent un enseignement positif sur la visibilité de l’Eglise.

Vers la fin du ive siècle, l’erreur des donatistes, en faisant dépendre le pouvoir sacramentel de la sainteté du ministre, aboutissait logiquement à cette conclusion qu’il ne doit y avoir dans l'Église aucun pécheur, quod Ecclesia Dei non cum malorum honrinum conimixtione futura prsedicta sit. S. Augustin, Breviculus collatîonis cum donatislis, c. viii, n. 10, P. L., t. xliii, col. 629. Un peu plus tard, les pélagiens affirmant que tout péché, toujours nécessairement mortel, exclut rigoureusement de l’Eglise et du ciel, admettaient conséquemment que l’Eglise est la société des parfaits, voir t. 1, col. 2383, n’ayant, par suite, d’autre lien d’union qu’une sainteté qui, de soi, n’est point visible.

Contre les assertions des donatistes, saint Optât enseigne que, selon la parole de saint Jean : Si dixerimus quia peccatum non habemus nos ipsos deeipimus, cl veritas in nobis non est, I Joa., i, 8, aucun fidèle n’est parfait, De schismate donalistarum, l. II, c. xx, P. L., t. xi, col. 971 sq. ; d’où l’on est autorisé à conclure que les pécheurs eux-mêmes ne sont pas privés du droit d'être rangés parmi les fidèles. D’ailleurs, la manière dont l'évêque de Milève parle, dans les textes précédemment cités, de la catholicité de l’Eglise et de ses propriétés distinctives, surtout de la cathedra Pétri, indique clairement que l'Église doit être visible.

Contre les donatistes et contre les pélagiens, saint Augustin montre qu’il y a dans l'Église, tant que dure l’exil de la terre, un mélange de bons et de mauvais chrétiens. Expliquant Ezech., XXXIV, 17 sq., il montre que nous sommes les brebis ou le troupeau de Dieu, et comment nous devons écouter la voix de notre souverain pasteur ; puis il ajoute que dans ce troupeau de Dieu, il y a des boucs : Quid hic faciunt hirci in grege Dei ? In eisdem pascuis, in eisdem fonlibus, et hirci tamen sinistræ destinait dexlris miscentur et prius tolerantur qui separabuntur ; et hic exercetttr ovium patientia ad similitudinem patientise Dei. Serni., XLvn, c. V, n. 6, P. L., t. XXXVIII, col. 298. Puis, appliquant la parabole du bon grain et de l’ivraie, le saint docteur conclut que la séparation des bons et des méchants se fera seulement après cette vie. Loc.cit. Dans une autre circonstance, s’adressant aux fidèles qui viennent d'être baptisés, il les exhorte à suivre les fidèles qui sont bons, car, ajoute-t-il, il y a des fidèles qui sont mauvais : Sunt enim, quod pejus est, fidèles mali. Sunt fidèles in quibus sacramenta Christi paliantur inju riant, qui sic vivunt ut et ipsi pereant et aller os perdant. Pereunt quippe ipsi maie vivendo ; perdunt véro alios maie vivendi exempta præbendo. Serm., ccxxiii, n. 1, col. 1092. Ces méchants, tant que dure l'Église de cette terre, peuvent être avec les bons, mais dans l’Eglise qui suivra la résurrection générale, ils ne pourront être avec la congrégation des saints. Car l’i’glise de cette terre est comparable à une aire renfermant la paille avec le bon grain ; sur cette terre elle a les bons mélangés avec les méchants, ce n’est qu’après le jugement qu’elle possédera tous les bons sans aucun méchant, n. 2, col. 1092. Ailleurs, expliquant en quel sens les fidèles sont le corps de JésusChrist, il affirme, il est vrai, que ceux-là seuls appartiennent vraiment au corps de Jésus-Christ qui vivent de son esprit, et que les autres sont des membres pourris qui méritent d'être retranchés, non s’il pulre membrum quod resecari mereatur. In Joa. Evang., tom. XXXVI, c. VI, n.43, P.L., t. xxxv, col. 1613. De même, il compare les méchants qui restent encore membres de l’Eglise aux humeurs mauvaises résidant dans le corps : sic sunt in corpore Christi quomodo humores mali. In 1 Joa., tr. 111, c. H, n. 4, col. 1999. Selon la force de ces deux comparaisons, bien que les pécheurs soient des membres imparfaits de l'Église, ils le sont cependant, tant qu’ils ne sont point retranchés ou rejetés du corps de l'Église. Dans plusieurs autres passages, les pécheurs sont aussi indiqués comme n’appartenant pas parfaitement à l'Église : nec omnino ad illani Ecclesiam perlinere judicandi sunt, quant sic ipse nnindat lavacro aquæ in verbo, utexhibeal sibi gloriosam Ecclesiam non habentem maculant aut rugam, aut aliquid liujusmodi. Debapt. contra donat., l. IV, c. ii, n. i, P. L., t. xliii, col. 155 sq. Son langage est presque le même dans son ouvrage De doctrina christiana, l. III, c. xxxii, P. L., t. xxxiv, col. 82.

Il est donc manifeste que, dans la pensée de l'évêque d’Hippone, l’Eglise de la terre, composée de fidèles bons et mauvais, justes et pécheurs, est nécessairement visible, car avec un tel mélange il ne peut y avoir, entre les fidèles, qu’un lien visible, consistant dans la profession extérieure d’une même foi et dans la soumission à la même autorité visible.

Du Ve au ixe siècle, en face des tentatives de schisme chez les Orientaux, et du IXe au xv° siècle, en face de leur schisme pleinement consommé, l’on rencontre beaucoup de documents ecclésiastiques insistant formellement, selon la tradition chrétienne depuis longtemps universelle et constante, sur la nécessité de la soumission à l’autorité visible du pontife romain ; ce qui suppose manifestement la croyance à une autorité visible, conséquemment à l’Eglise visible. Nous citerons notamment le formulaire du pape saint Hormisdas (514-523), universellement accepté comme règle de foi rigoureusement obligatoire pour tous ceux qui veulent obtenir le salut en restant en communion avec l'Église catholique. Ce formulaire mentionne expressément comme retranchés de la communion de l'Église catholique, ceux qui ne se soumettent point au siège apostolique dans lequel est l’intègre et parfaite solidité de la religion chrétienne : Et ideo spero ut in una communione vobiscum quam sedes apostolica prædicat, esse merear, in qua est intégra et verax cltristianx religionis et perfecta soliditas, promittens in sequcnli tempore sequestratos a communione Ecclesiæ catholicæ, id est non consenlicntes sedi apostolicæ, eorum nomina inler sacra non recilandæsse mysleria. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 172.

De même, un décret d’un concile de Rome, présidé par le pape saint Nicolas I er vers 862, porte anathème ou séparation de l'Église, contre quiconque méprise les dogmes, commandements, interdictions, sanctions ou décrets promulgués par le siège apostolique poup