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aurait inutilement accordé une dispense pour la pèche des sardines. Mais le saint docteur s’appuie autant sur la coutume que sur le caractère non servile de l’acte lui-même. Tlteologia moralis, l. III, n. 283. Le jugement de saint Alphonse fut communément ratifié par les théologiens subséquents qui en appelèrent aussi à la coutume, du moins pour ce qui est accompli sine magno apparatu et labore. Scavini, op. cit., 1. 1, p. 99 ; Gury-Iiallerini, t. i, n. 358 ; Marc, t. i, p. 622 ; Millier, op. cit., t. ii, p. 228 ; Aertnys, loc. cit. ; Lehmkuhl, t.i, p. 519 ; d’Annibale, t. iii, p. 115 ; Génicot, t. i, n. 334 ; Noldin, t. ii, n. 270.

3. Interprétation nouvelle de la quantité de travail constituant une matière objectivement grave. — Les casuistes du moyen âge avaient simplement affirmé qu’un travail modique ne constitue point une faute grave. Les casuistes du xvie siècle tiennent encore le même langage. Au xviie siècle, Suarez jugeant trop sévère l’appréciation des théologiens qui taxent toujours de faute grave un travail d’une heure, conclut que la décision doit être laissée prudenli arbitrio, nam considcrare oportet qualilatem et laborem operis. Op. cit., c. xxxi, n. 2. Laymann s’exprime de même. Op. cit., p. 696. Cependant Bonacina († 1631), In III prsoceptum, disp. V, p. iii, n. 2, loc. cit., p. 278, et Mastrius de Meldula († 1673), op. cit., p. 237, estiment encore que travailler une heure ne peut être excusé de faute grave.

Un peu plus tard, Sporer († 1683) juge qu’un travail qui ne dépasse point deux heures n’est point une matière grave, soit parce que ce n’est point une durée considérable dans une journée de vingtquatre heures, soit parce que cela ne paraît point nuire aux devoirs spirituels de manière à constituer certainement une faute grave. Sporer constate que tel est alors l’enseignement commun, op. cit., t.i, p. 275 ; enseignement dès lors suivi par les théologiens qui rejettent habituellement les doctrines rigides comme les théologiens de Salamanque, op. cit., n. 320 ; Billuart, De religione, diss. VI, a. 4 ; Elbel, 7n III prsecept., n. 39. Tandis que ces théologiens s’en tiennent à cette limite extrême qu’ils déclarent ne pouvoir être dépassée sans faute grave, à moins de nécessité ou de raison suffisamment valable, Lacroix († 1710) estime que, selon l’opinion alors plus commune et plus probable, il est requis que le travail soit prolongé multuni ultra duas horas. Op. cit., l. III, n. 591. Suivant Henno († 1713), un travail de trois heures constitue seul une matière grave, à moins qu’il ne s’agisse d’un travail très servile ut fodere lignum, lapides csedere, pour lequel une durée de deux heures serait grave. Tlteologia dogmaticæt moralis, Venise, 1719, t. i, p. 408.

Saint Alphonse de Liguofi adopte sur ce point comme matière habituellement grave une durée moyenne de deux heures et demie, Theologia moralis, l. III, n. 305, durée qui est communément admise par les théologiens modernes, et qui peut encore être dépassée quand il y a quelque excuse valable ou quand il s’agit d’un travail assez minime. Gury-Iiallerini, t. i, n. 359 ; Millier, op. cit., t. II, p. 228 ; d’Annibale, op. cit., t. iii, n. 121 ; Marc, t. I, n. 663 ; Lehmkuhl, t. i, n. 550 ; Génicot, t. i, n. 3 : 55 ; Aertnys, t. i, p. 209 ; Berardi.t. i, n. 678 ; Noldin, t. iii, n. 269. Suivant ces mêmes auteurs, une durée moindre peut parfois suffire in operibus forensibus et dans des actes très serviles causant, même par une durée peu considérable, un très grave scandale.

4. Interprétation théologique des causes exemptant de l’observance du, repos dominical. — Les théologiens de la période précédente avaient toujours admis les diverses causes exemptant de l’obligation de la loi ecclésiastique. Les théologiens de la période moderne, en appliquant ces mêmes causes à leur milieu social,

ajoutent quelques nouvelles conclusions dictées p, ar des situations nouvelles.

a) Nécessité publique ou privée. — a. Nécessité publique. — En face du développement considérable du commerce, des services publics et de certaines industries, Cajetan insiste sur cette conclusion générale que, pour éviter le commun dommage de la société et celui de beaucoup de particuliers, il est permis de continuer aux jours de précepte communes artes quae continuationem operis absque discretione dierum requirunt. Parmi ces communes artes, Cajetan range ars navigativa, maritima et similiter cursores pedites sive équités, coquentes lateres, calcem, saponem et quidquid hujusmodi est, In II 3 '" ll a, q. cxxii, a. 4 ; Summula, loc. cit., p. 232 ; exemples déjà cités en partie par Angelo de Clavasio. Loc. cit. A ces exemples Dominique Soto ajoute celui des ouvriers qui furnos conflandi vitri accendunt, De justitia et jure, 1 II, q. iv, Venise, 1589, p. 146, déjà indiqué par Angelo de Clavasio. Loc. cit. Azpicuelta parle de même. Op. cit., 1. 1, p. 127. Suarez, en reproduisant la même doctrine, pose cette règle pratique : il est permis de continuer' le travail le dimanche ou un jour de fête, quand il ne peut être interrompu sine dispendio notabili personse vel communitatis, et cette continuation n’est point permise en dehors d’une telle nécessité. Quant à cette nécessité, il appartient aux ouvriers d’en juger pratiquement et l’on doit s’en rapporter à leur décision. Suarez, loc. cit., I. III, c. xxxii, n. 4.

Cette doctrine est communément appliquée par les théologiens subséquents aux nouvelles nécessités communes des sociétés modernes.

b. Nécessité privée. — Deux questions particulières sont mieux précisées : a. La raison d'éviter la perte d’un gain notable est-elle une nécessité suffisante pour exempter du repos dominical ? Cajetan reproduit simplement la solution d’Angelo de Clavasio, en s’appuyant, comme lui, sur le décret d’Alexandre III et en exigeant une aumône convenable. Summula, loc. cit., p. 233. Selon Suarez, la décision pontificale s’appliquant uniquement à une nécessité commune dans une région, ne peut être arbitrairement étendue aux cas de nécessité purement individuelle. En ce dernier cas, une dispense particulière de l’autorité ecclésiastique est toujours requise. Pour que cette dispense puisse être justement concédée, il faut que la personne soit par ailleurs dans le besoin ou que la privation de l’avantage recherché doive être considérée comme un grave dommage. Suarez observe d’ailleurs que la personne ainsi dispensée n’est point tenue à faire l’aumône, à moins que cette condition ne soit expressément formulée par l’autorité ecclésiastique. De religione, tr. II, l. II, c. xxxiii, n. 8 sq. Cette conclusion de Suarez est dès lors communément suivie par les théologiens.

p. La raison de pauvreté personnelle excuse-t-elle par elle-même de l’observance du repos dominical ? Selon le principe toujours admis par les théologiens qu’une grave nécessité privée est une excuse suffisante, Suarez reconnaît comme suffisante la raison de pauvreté personnelle, dès lors qu’il v a indigence réelle et que l’on travaille uniquement dans la mesure nécessaire pour ses besoins personnels ou ceux de la famille ; il est seulement requis que l’on travaille en secret pour prévenir tout scandale. En cas de doute sur la suffisance des raisons, on doit solliciter la permission de l’autorité ecclésiastique, et quand il s’agit d’un travail à accomplir publiquement, la prudence demande qu’on ne le fasse point sans le consentement du curé. Loc. cit., l. II, c. xxxil, n.3 ; Bonacina, loc. cit., t. i, p. 280 ; Laymann, op. cit., t. i, p. 696 ; Sporer, t. I, p. 276 ; les théologiens de Salamanque, loc. cit., n. 331 ; S. Alphonse de Liguori, loc. cit., n. 299 ; Scavini, op. cit., t. ii, p. 101 ; Gury-Ballerini, t. i, n. 361 ;