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DONS DU SAINT-ESPRIT


la même définition et ne se distinguent que ex parte movenlis, pour conclure que les dons, tout en étant distincts des vertus infuses, ne sont pas nécessairement des habitas distincts. Pr&lect., I. viii, De virtut. infusis, n. 414. Au contraire, le P. Billot embrasse sans réticence l’opinion de saint Thomas, qu’il ramène à son véritable principe, à savoir, la grâce actuelle opérante. De virtutibus infusis, Home, 1901, p. 168 sq. A signaler spécialement le De modo quo dona in exercitium veniuntf p. 185 sq. Mii r Perriot, dans L’ami du clergé, 1892, 1898, 1900, et le P. Froget, 0. P., dans son ouvrage sur L’habitation du Saint-Esprit, etc., suivent (idèlent saint Thomas, avec une variante dont nous parlerons plus loin. M. l’abbé de Belle vue, à l’extrême opposé, revient à l’opinion nominaliste, dans son petit ouvrage, L’œuvre du Saint-Esprit ou la sanctification de l’âme, Paris, 1902. Il a engagé sur ce point une discussion avec le P. Froget, Revue thomiste, 1902, p. 245, 336, 504.

Ces quelques indications suffisent pour jalonner l’histoire de la théologie des dons après saint Thomas. Il serait intéressant d’en suivre le contre-coup chez les théologiens mystiques, chanoines réguliers, chartreux, carmes, dominicains, jésuites, etc. Mais c’est l’infini à Iraverser. Le P. Meynard, 0. P., dans son Traité de la vie intérieure, spécialement t. ii, c. II, a donné un résumé des principaux témoignages de ces théologiens louchant l’action des dons dans la vie spirituelle. Nous renvoyons à son ouvrage, ne pouvant dans ce diction naire entreprendre une œuvre si considérable et encore moins suivre, comme il le faudrait pour être complet, le retentissement de notre doctrine dans les vies des saints. Sur ce sujet, voir Les grâces d’oraison, par le P. Poulain, S. J., qui s’est placé précisément au point de vue de la description positive pour illustrer in concreto les données théologiques. La littérature mystique contemporaine possède de nombreux petits ouvrages de spiritualité sur les dons du Saint-Esprit, mais beaucoup sont dénués de doctrine théologique sérieuse et profonde et consistent en amplifications édifiantes, d’inspiration subjective et personnelle, sans valeur pour la théologie. Faisons une exception (il en est sans doute d’autres) pour le petit catéchisme sur le Saint-Esprit, que nous a conservé du bienheureux curé d’Ars, M. Monnin, Esprit du curé d’Ars, Paris, 1864, p. 82 sq., d’une intensité d’inspiration surnaturelle souvent admirable.

vm. UNE RÉCENTS DISCUSSION. — Une controverse a eu lieu, il y a quelques années, entre deux théologiens que leurs travaux antérieurs désignent comme des spécialistes dans la question des dons du Saint-Esprit, Mi’Perriot qui a publié sur les dons un article remarquable dans l’ami du clergé, 23 juin 1892, p. 389, et le P. B. Froget, auteur de L’habitation du Saint-Esprit dans les âmes justes, dans la Revue thomiste, mai 1896-mai 1898, tous deux disciples de saint Thomas. Le sujet a son importance, car il s’agit de savoir si le Saint-Esprit intervient par ses dons dans chacun de nos actes surnaturels. Le P. Froget soutient qu’il n’intervient pas ainsi dans chacun de nos actes surnaturels, que nombre de ces actes sont l’œuvre propre des vertus morales infuses agissant sous l’inspiration des seules vertus théologales, c’est-à-dire sous l’inspiration commune et à forme humaine du Saint-Esprit, et non des inspirations des dons qui sont spéciales et à forme divine. Op. cit., p. 378 sq. M i’Perriot ne nie pas ces deux sortes d’inspirations, mais, conformément à ce qu’il avait tenu en 1892, il trouve que la distinction n’a pas son application dans le débat. C’est sans distinction que saint Thomas affirme la nécessité de l’inspiration du Saint-Esprit là’m ne suffit pas l’initiative rationnelle. Sum. theol., I II’, q. i.xviii, a. 2. Et donc, tout acte des vertus in fuses suppose l’inspiration à forme divine des dons, et réciproquement aucune inspiration à forme divine n’exclut totalement la forme humaine, délibérée, des actes surnaturels. L’ami du clergé, I er septembre 1898, p. 772 sq. ; 23 décembre 1898, p. 1163 sq. Le P. Froget a répondu dans la Revue thomiste, novembre 1899, p. 530 sq., et, dans sa 2e édition revue et augmentée de L’habitation du Saint-Esprit dans les âmes justes, in-12, Paris, 1900, p. 378, il a introduit des compléments relatifs à cette controverse. M<J r Perriot a répliqué dans L’Ami, le Il janvier 1900, en 23 colonnes. Le P. Froget n’a pas répondu et, de fait, il n’aurait pu que reproduire ce qu’il avait déjà dit.

Nous ne pouvons entrer, on le comprendra, dans le détail de cette magistrale discussion. Mais, puisqu’il s’agit du sens d’un texte capital de saint Thomas, l’art. 2 de la q. i.xviii de la Somme théologiqxie, l’on nous permettra, en dehors de tout parti pris, et en faveur de l’importance de cette question, d’introduire ici une exégèse de ce texte à laquelle il semble que l’on n’ait point pensé. Voici d’abord les expressions mêmes du docteur Angélique : In his in quibus non sufficil instinclus rationis, sed est necessarius Spiritus Sancli instinctus, per consequens est necessarium donum.., sed in ordine ad finem ullimum supernaturalem, ad quem ratio movet secundum quodest aliqualiler et imperfecte in formata per virtutes theologicas, non sufficit ipsa molio rationis, nisi desuper adsit instinctus Spiritus Sancti… El ideo ad illum finem consequendum necessarium est homini habere donum Spiritus Sancti. Mfl r Perriot glose ces mots de la mineure : non sufficil ipsa molio rationis nisi desuper adsit instinctus Spiritus Sancli, par ces mots de la réponse ad 2°, n : per virtutes theologicas et morales non ila perficitur homo in ordine ad ullimum finem quin semper indigeat moveri quodam superiori instinctu Spiritus Sancti, ralione jam dicta (in corp.).

Le mot semper lui semble décisif en faveur de la nécessité de l’intervention des dons dans chaque acte de vertu. L’est-il cependant ? car, suivant la distinction usitée dans la question de l’obligation des préceptes aflirmatifs et négatifs, le mot semper peut vouloir dire deux choses : toujours et pour chaque instant, semper et pro semper ; ou bien simplement toujours, sans que ce soit à chaque instant. En d’autres termes, saint Thomas a pu vouloir dire que toujours, c’est-à-dire pour chaque acte surnaturel, la motion directe du Saint-Esprit est nécessaire, et par conséquent l’exercice des dons qui lui servent de point d’appui. Ou bien, il a pu tout simplement vouloir dire que toujours, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il arrive à la vie éternelle, l’homme, déjà perfectionné par les vertus théologales, peut avoir besoin de l’instinct direct du Saint-Esprit, et donedes dons.

Or, cette deuxième explication, salvo meliori judicio, semble plus littérale : a) parce qu’il ne s’agit pas dans cet article de savoir si l’intervention des dons est requise toujours, c’est-à-dire en tout acte surnaturel, mais de savoir si les dons sont nécessaires.m salut. C’est le titre même de l’article. Or, pour répondre affirmativement, il n’est pas nécessaire qu’ils interviennent en tout acte de vertu, mais seulement que l’ensemble de la vie surnaturelle, jusqu’à son terme le salut, ne puisse normalement s’écouler, sans faire appel à leur aide. — b) Au lieu d’expliquer les mots de la mineure : non suf/icit ipsa motio rationis, nisi, etc., par la réponse ad 2° iii, c’est celle-ci que saint Thomas nous invite à comprendre à l’aide du corps de l’article, par ces mots : ut dictum est. Or. l’insuffisance pour le salut des vertus théologales et de la raison informée par elles est une insuffisance d’ordre général, prise du terme final et des exigences de l’ensemble de la vie humaine. Il est nécessaire qu’il